France
Mariages homosexuels : le débat est lancé
(Photo : AFP)
Entre les Verts et les socialistes, la course au projet de loi sur le mariage homosexuel est engagée. Les premiers ont pris un peu d’avance en déposant un texte qui proscrit toute discrimination sexuelle. Mais les seconds qui entendent apporter leur pierre à l’édifice, ont annoncé qu’ils allaient eux aussi présenter au Parlement un projet de loi visant à autoriser les unions civiles entre personnes du même sexe. C’est l’annonce très médiatisée de la célébration, en la mairie de Bègles, du premier mariage entre deux hommes, le 5 juin prochain, qui a provoqué des prises de position en chaîne sur un sujet jusqu’ici abordé le plus souvent avec des pincettes. En affirmant son désir d’aller au bout des procédures juridiques pour faire changer les dispositions contenues dans l’article 144 du Code civil sur le mariage [qui emploie les termes d’époux et femmes et non de conjoints] afin de donner aux homosexuels les mêmes droits qu’aux hétérosexuels, Noël Mamère a obligé ses amis de la gauche plurielle à lui emboîter le pas.
C’est Dominique Strauss-Kahn qui a annoncé la couleur à l’occasion d’une grande interview au quotidien Libération dans laquelle il s’est prononcé non seulement en faveur du mariage entre personnes du même sexe, mais aussi du droit à l’adoption pour les homosexuels. L’offensive socialiste sur le front du mariage gay a été poursuivie par le Premier secrétaire du PS, François Hollande, lors d’une réunion du bureau national à la suite de laquelle il a fait part de la position désormais officielle de son parti sur la question. «Toute société doit être organisée sur le principe de l’égalité des droits et des devoirs. Par conséquent, le mariage doit être ouvert à tous».
Coup médiatique ou débat de société
Cette déclaration n’a pas manqué de provoquer des réactions. A droite mais aussi à gauche, où certains se sont interrogés sur la pertinence de lancer un tel débat en pleine campagne pour les élections européennes du 13 juin et sur la nécessité ressentie par certains ténors socialistes de servir leurs intérêts personnels avant de penser aux objectifs immédiats et collectifs des socialistes. Jean Glavany a ainsi exprimé son «exaspération devant des décisions dictées par un jeu médiatique à l’intérieur et à l’extérieur du parti».
Les représentants de la majorité n’ont pas manqué eux aussi de dénoncer une manoeuvre politique menée par la gauche. Henri Cuq, le ministre chargé des relations avec le Parlement, a estimé que «les leaders du PS, les concurrents à la course à la présidence de la République» tentaient de faire de «la surenchère sur le mariage homosexuel». Dominique Perben, le ministre de la Justice, qui a demandé au parquet général de Bordeaux de s’opposer à la célébration prévue à Bègles, a quant à lui déclaré qu’il s’agissait d’une «provocation médiatique».
Au-delà du jeu politique et des rivalités, le débat sur le mariage homosexuel pose une question de fond sur laquelle un récent sondage de l’Ifop, réalisé pour l’hebdomadaire Elle, semble indiquer que les Français sont en train d’évoluer. On y apprend que 64 % des personnes interrogées sont favorables au mariage entre homosexuels. En juin 2003, ils n’étaient que 55 % à avoir la même opinion. Par contre, ils ne sont que 49 % à penser que les homosexuels devraient avoir le droit d’adopter des enfants.
Le problème de l’homoparentalité est, en effet, plus délicat que celui du mariage homosexuel. Car il va encore plus loin dans la remise en cause du schéma traditionnel de la famille et pose la question des conditions nécessaires à l’épanouissement de l’enfant. L’épouse de François Hollande, Ségolène Royal, a appelé sur ce point à la plus grande vigilance. «La famille et l’autorité parentale sont des valeurs à conforter dans notre société où une bonne partie de l’adolescence est en souffrance par rapport à l’absence d’adultes, qui n’exercent plus leur rôle de référent». Elisabeth Guigou qui est sur la même longueur d’onde que sa collègue socialiste, a résumé son opinion en affirmant qu’il n’y avait «pas de droit à l’enfant». Quant au président du Mouvement pour la France, Philippe de Villiers, qui lie sans ambiguïté mariage et adoption, il a déclaré: «Mon refus du mariage homosexuel s’établit sur une réalité très simple: un enfant a besoin d’un papa et d’une maman et non pas de deux papas ou de deux mamans».
Pour les représentants de la majorité, qui sont généralement, à l’instar du président Chirac, plutôt opposés au mariage entre personnes du même sexe, la réponse aux revendications «légitimes» des homosexuels [égalité juridique, sociale, fiscale] passe plutôt par une amélioration du Pacte civil de solidarité (PACS), mis en place il y a quatre ans par le gouvernement socialiste de Lionel Jospin, que par une légalisation du mariage gay. C’est ce que Jean-François Copé, le porte-parole du gouvernement, a indiqué en précisant qu’un «débat de cette importance» devait être «abordé sans esprit partisan».
par Valérie Gas
Article publié le 13/05/2004 Dernière mise à jour le 13/05/2004 à 16:40 TU
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