Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Mariage homosexuel

La bataille juridique est engagée

Noël Mamère: «<EM>Je recommande à tous les élus qui se sont déclarés en faveur du mariage homosexuel de suivre l'exemple de Bègles</EM>». 

		(Photo: AFP)
Noël Mamère: «Je recommande à tous les élus qui se sont déclarés en faveur du mariage homosexuel de suivre l'exemple de Bègles».
(Photo: AFP)
Avec l’annonce de la suspension du maire vert de Bègles qui a célébré, le 5 juin dernier, le premier mariage homosexuel en France, Noël Mamère, c’est la bataille juridique autour de la validité de cette union qui s’engage. Le ministère de l’Intérieur avait promis des sanctions contre l’officier d’état-civil qui n’avait pas respecté la loi. Elles ont été décidées. Noël Mamère avait annoncé son intention de poursuivre son combat en faveur de la reconnaissance des droits des homosexuels devant les tribunaux. Il persiste. Non seulement en faisant appel de sa suspension. Mais aussi en soutenant les deux mariés dont le sort doit être examiné, le 29 juin prochain, par le tribunal de grande instance de Bordeaux.

La loi, rien que la loi, toujours la loi. Oui, mais que dit la loi ? Pour Noël Mamère, aucune interdiction du mariage entre deux personnes du même sexe n’est spécifiée noir sur blanc dans l’article 144 du Code civil. Du coup, il estime que rien ne l’empêchait de célébrer, en sa mairie de Bègles, l’union des deux homosexuels qui en avaient émis le souhait. Dans sa lettre adressée au préfet de Gironde pour justifier sa démarche, il indique en effet que le code «ne contient ni définition du mariage, ni interdiction du mariage entre deux personnes du même sexe».

Cet argument a été contredit par le garde des Sceaux, Dominique Perben, qui a indiqué au contraire que l’article 75 du Code civil précise que le maire reçoit «de chaque partie l’une après l’autre, la déclaration qu’elles veulent se prendre pour mari et femme». De son point de vue donc, il n’y a pas de flou juridique exploitable pour justifier que le maire de Bègles ait outrepassé l’interdiction de célébrer un mariage homosexuel qui lui avait été signifiée par le procureur de la République.

C’est donc bien parce qu’il a enfreint la loi que le ministère de l’Intérieur a demandé des sanctions contre Noël Mamère. La décision de le suspendre de ses fonctions de maire a donc été prise et doit lui être signifiée dès le 17 juin. Pour le ministère de l’Intérieur, il s’agit de la stricte application de l’article L 2122-16 du code général des collectivités territoriales, qui permet de suspendre des officiers d’état-civil lorsqu’ils «méconnaissent gravement les devoirs de leur charge». Et le maire de Bègles a, du point de vue de l’Etat, des circonstances aggravantes à ce niveau. Car comme le stipule le communiqué diffusé par les services du ministre de l’Intérieur, Dominique de Villepin : «En décidant de ne pas respecter la loi, alors qu’elle lui avait été rappelée clairement à plusieurs reprises et en donnant une publicité très grande à la cérémonie qu’il présidait, le maire de Bègles a volontairement aggravé la faute qu’il commettait». Autrement dit, il savait ce qui l’attendait.

Mamère privé de mairie

Noël Mamère n’a pas pour autant l’intention de se laisser priver de mairie sans réagir. Son avocate, maître Caroline Mercary, qui défend aussi le couple homosexuel marié à Bègles, a dénoncé une «utilisation politicienne du droit administratif» et annoncé que son client allait saisir le tribunal administratif afin de faire annuler l’arrêté ministériel pour «excès de pouvoir». Noël Mamère est le trente-huitième maire à faire l’objet d’une suspension depuis 1990. Mais les autres officiers d’état-civil ont été sanctionnés pour des faits d’une nature très différente : les uns pour avoir refusé d’organiser des scrutins, les autres pour mauvaise gestion comptable. Au-delà de ces éléments, l’avocate du maire de Bègles n’a pas hésité à utiliser les arguments traditionnels du jeu politique pour dénoncer le «deux poids, deux mesures» dont son client est, selon elle, victime. Elle a ainsi mis en parallèle le sort de Noël Mamère qui n’a «lésé» personne en célébrant ce mariage mais que l’on suspend, avec celui du maire de Bordeaux, Alain Juppé, qui «reconnaît la réalité d’emplois fictifs mais ne sera pas suspendu».

Quoi qu’il en soit, le maire de Bègles a réussi à amener le débat sur le terrain qu’il avait choisi. A savoir, celui des tribunaux. Son objectif est d’y provoquer un débat contradictoire sur la question du mariage homosexuel dans l’espoir d’obtenir une jurisprudence favorable. Si les juges français décident finalement d’annuler cette union et de bloquer les avancées dans ce domaine, Noël Mamère a déjà annoncé, en accord avec les deux mariés, que le dossier serait porté devant la Cour européenne des droits de l’homme. Il a aussi invoqué l’exemple des Pays-Bas et de la Belgique où le mariage homosexuel est autorisé et le fait que, depuis une dizaine d’années, le Parlement européen recommande «l’ouverture du mariage civil à tous les couples».

La tactique de Noël Mamère pour faire évoluer la loi française sur le mariage homosexuel a déjà fonctionné aux Etats-Unis. C’est dans le cadre d’une procédure engagée pour annuler un mariage homosexuel que la Cour suprême du Massachussetts a finalement autorisé les unions entre deux hommes ou deux femmes, au mois de mai 2004. Récemment, un tribunal de l’Etat de New York a tranché dans le même sens en estimant que rien ne pouvait justifier l’opposition aux mariages homosexuels. Les plaignants, qui avait attaqué le maire de la commune de New Paltz parce qu’il avait célébré de telles unions, ont été déboutés. Néanmoins, la bataille juridique est loin d’être terminée aux Etats-Unis où la question du mariage homosexuel fait partie des thèmes de campagne des candidats à l’élection présidentielle. Le président George W. Bush, qui est contre, a d’ailleurs promis de faire adopter un amendement à la Constitution pour les interdire, s’il reste à la Maison Blanche.



par Valérie  Gas

Article publié le 16/06/2004 Dernière mise à jour le 16/06/2004 à 14:49 TU