Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

France

Offrir un recours aux victimes de discriminations

Les trois plaignants, handicapés, invoquent une discrimination de la SNCF qui les a conduits à voyager en wagon à bagages. 

		(Photo : AFP)
Les trois plaignants, handicapés, invoquent une discrimination de la SNCF qui les a conduits à voyager en wagon à bagages.
(Photo : AFP)
Les députés français examinent, le 5 octobre, le projet de loi créant une Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (Halde). Cette nouvelle instance doit permettre aux victimes de faire reconnaître leurs droits et de demander réparation en cas de préjudice. Sa création s’inscrit dans une démarche politique globale de promotion de la cohésion et de l’intégration sociales, inscrite au coeur des préoccupations du gouvernement de Jean-Pierre Raffarin.

Sur le principe, tout le monde est d’accord : il faut lutter contre les discriminations. Qu’elles aient un caractère racial, ethnique, religieux, sexuel, qu’elles se fondent sur l’âge, les convictions ou même un handicap, elles sont inadmissibles. Reste à savoir par quels moyens on peut combattre de tels abus qui mettent en cause l’égalité des droits et des chances. Pour le gouvernement, la création d’une Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (Halde), que les députés examinent ce jour, est destinée à agir dans ce domaine. La mise en place d’une telle instance avait été promise dès 2002 par le président de la République, Jacques Chirac, dans un discours prononcé à Troyes. Les modalités retenues dans le projet de loi, présenté en conseil des ministre en juillet, ont été inspirées par les conclusions du rapport de la mission sur la laïcité dirigée par le médiateur de la République Bernard Stasi, rendues en février 2004 au Premier ministre Jean-Pierre Raffarin.

Le projet de loi, qui permet à la France de se mettre en conformité avec le droit européen dans le domaine de l’égalité de traitement, prévoit ainsi la mise en place d’une instance indépendante composée de onze membres, dont huit doivent être nommés par le pouvoir politique (chef de l’Etat, Premier ministre, présidents des deux assemblées…), et les trois autres par les présidents du Conseil d’Etat, de la Cour de Cassation, du Conseil économique et social. Le champ de compétences de cette Haute Autorité s’étend à toutes les formes de discriminations légales. Elle n’a donc pas pour rôle de prendre en compte des problèmes de société comme, par exemple, le mariage homosexuel qui est interdit par la loi. Elle a, par contre, vocation à entendre et à être saisie directement par les victimes de toute violence, insulte, mise à l’écart motivées par leur appartenance à un sexe, leur orientation sexuelle, leur âge, leurs convictions religieuses, leur origine sociale, la couleur de leur peau…

Des moyens d’investigation

Le budget alloué au fonctionnement de la Haute Autorité, d’un montant de 10,7 millions d’euros annuels, devrait lui permettre d’avoir «les moyens de travailler», estime la secrétaire d’Etat à l’Intégration et à l’Egalité des chances, Catherine Vautrin. D’autant que les membres de cette nouvelle instance auront à leur disposition une équipe d’environ 80 collaborateurs chargés de les aider à mener à bien leur mission et à prendre en charge les plaintes des victimes de discriminations. L’une des innovations proposées par le gouvernement est, en effet, de donner à la Halde des moyens d’investigations auprès des administrations et des personnes privées, destinés avant tout à permettre de faire la preuve que les plaignants ont bien été victimes de discriminations et à constituer des dossiers argumentés. L’instance sera ainsi habilitée à demander des documents administratifs ou professionnels et à saisir le juge des référés en cas d’obstruction à ses démarches.

La Haute Autorité pourra, si nécessaire, saisir le parquet et accompagner les procédures engagées par les plaignants, mais son rôle sera avant tout de mener des médiations pour résoudre les conflits sans aller systématiquement devant la justice. Elle ne dispose, par contre, d’aucun pouvoir direct de sanction. Et c’est à ce niveau que les associations estiment qu’elle court le risque de rester «une coquille vide» et de voir sa capacité d’intervention largement limitée dans les faits. SOS Racisme qui, sur le principe, ne désapprouve pas la création de la Haute Autorité, affirme ainsi que la «sanction judiciaire est nécessaire en matière de discrimination».

L’absence de représentants de la société civile parmi les onze membres de la Haute Autorité a aussi été mise en cause. Pour les socialistes notamment, ce choix de ne pas impliquer directement les associations fait peser le risque de créer une structure trop institutionnelle et éloignée du terrain. Mais pour le gouvernement, si la Haute Autorité doit travailler main dans la main avec les représentants de la société civile, le rôle «militant» des associations les exclut de fait d’une participation à cette instance qui doit être totalement «indépendante». Après l’examen de ce texte par les parlementaires, l’objectif du gouvernement est de faire vite pour que la Haute Autorité puisse être opérationnelle dès janvier 2005.



par Valérie  Gas

Article publié le 05/10/2004 Dernière mise à jour le 05/10/2004 à 15:22 TU

Audio

Jean-François Amadieu

Directeur de l'observatoire de la discrimination à l'université de Sorbonne

«Le but de la haute autorité est d'être une instance qui permet d'être saisie par les victimes de discrimination.»

[05/10/2004]

Articles