Intégration
A quand une télévision black-blanc-beur ?
(Photo : TF1 et France2/DR)
Nos écrans sont-ils «trop pâles»? On peut le penser au vu des statistiques des minorités ethniques à la télévision française. Les journalistes ou animateurs issus des communautés noires, maghrébines, asiatiques ou antillaises sont dix fois moins à l’antenne que leurs collègues européens ou américains. Pour inverser la tendance, le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) et le Haut conseil à l’intégration (HCI) ont conduit lundi 26 avril une journée de réflexion sur la diversité culturelle dans les médias. Histoire de mieux cerner les difficultés rencontrées par les minorités ethniques dans le paysage audiovisuel français (PAF).
La discrimination positive est un débat qui traverse la classe politique depuis quelques mois. Le principe, lancé par Nicolas Sarkozy lors d’une émission de télévision, avait été désapprouvé par une large majorité de son propre camp. Le gouvernement, tout en se défendant de toute dérive communautariste, travaille cependant à la mise en place de dispositifs de discriminations positives pour favoriser l'ascension sociale des populations d'origine étrangère. C’est d’ailleurs le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin qui a saisi le HCI d’une demande d’avis sur la question.
Une télévision à l’image de la population
Représenter la diversité des origines à l’écran de façon juste est une problématique récurrente pour les chaînes de télévision. Sans recourir à la mise en place de quotas, la télévision française travaille depuis quelques années à une plus grande visibilité des minorités à l’antenne. Toutes les chaînes affichent publiquement leur volonté, mais l’égalité dans le discours n’est pas toujours suivi dans les faits. Les personnes issues de l’immigration ont certes fait leur apparition dans les fictions (le deuxième personnage de la série policière PJ diffusée sur la chaîne publique France 2 est beur), les documentaires et le divertissement (les animateurs d’origine africaine Charlie et Magloire officient sur la chaîne privée M6), mais beaucoup de progrès restent à faire. Donner de la couleur à l’écran, c’est également travailler sur «les scénarios, les histoires et les thèmes de manière à ce que les communautés voient leur vie et leurs préoccupations sur les écrans», explique le sociologue Jean-Marie Charon du CNRS.
Pour Yazid Sabeg, représentant de l’association «Convention laïque pour l’égalité», si l’on veut une télévision à l’image de la société. Il faut faire ce qu’ont fait les Britanniques, les Portugais ou les Hollandais c’est-à-dire un recrutement privilégié «Le quota est un concept positif car la télévision est un champ de représentation sociale. Il faut donc à juste titre recruter des journalistes issus de l’immigration, mais sur un seul critère: leur talent et leur professionnalisme. Le service public doit donner l’exemple, le rôle du CSA est d’user de son pouvoir d’injonction pour obliger les chaînes à respecter ce qui existe déjà dans les cahiers des charges. Pour sa part, le président de TF1 et LCI l’a fait raisonnablement».
TF1 a commencé à traiter sérieusement cette question depuis 1998-1999 après la victoire de la France «black-blanc-beur» à la Coupe du monde de football. Après avoir donné des consignes très précises pour les choix des participants aux émissions de jeux ou de télé-réalité, TF1 s’est ensuite attaqué au domaine de la fiction ainsi qu’à l’information. La rédaction de la chaîne d’information en continu LCI compte huit journalistes issus de l’immigration. Les chaînes du service public affichent également cette volonté. Ce colloque a été l’occasion pour Marc Tessier, le président de France Télévisions de présenter le plan d’«action positive» en faveur de la représentation de la diversité française dans les programmes et au sein des salariés du groupe. Ce plan qui favorise la représentation des minorités à l'antenne, impose notamment aux chaînes publiques qu’une personne sur dix apparaissant à l'écran fasse partie d'une minorité visible (environ un Français sur dix est issu de l’immigration hors européenne).
Reste à savoir comment s'établira cette comptabilité: à travers bien sûr les fictions, les documentaires, les jeux et l'information. Mais pas seulement. France Télévisions s’engage à ce que dans un certain nombre d’émissions du groupe qui font appel à des invités, ceux-ci soient représentatifs de la population française. Il faut également davantage de représentants des minorités devant ou derrière la caméra explique Edouard Pellet, adjoint de Marc Tessier, le président de France Télévisions, sur toutes ces questions: «ce plan d’action positive tient également compte des origines dans sa politique d’accueil de stagiaires et d’emploi des salariés du groupe». Quotas ou pas quotas, les changements tardent à venir au sein du paysage audiovisuel français car comme le pointe justement Jean-Marie Charon, sociologue au CNRS: «au lieu de s’engager dans le débat sur la discrimination positive, ne devrait-on pas plutôt supprimer toutes les discriminations négatives? La question des minorités à la télévision se pose plus en termes d’accès aux grandes écoles et aux universités».
par Myriam Berber
Article publié le 27/04/2004 Dernière mise à jour le 27/04/2004 à 10:11 TU