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Immigration

L'intégration ambiguë des Français d'origine étrangère

L'affirmation de « neutralité » des employeurs face au recrutement de cadres français d'origine étrangère ou d'outre-mer est en contradiction avec les rares statistiques. En cherchant à creuser le problème, le Haut conseil à l'intégration a bien conscience d'avoir posé « la question qui ne se pose pas ».
En France, il est interdit de faire officiellement état de l'origine ou de la race d'un citoyen français. Cette mesure « d'invisibilité statistique et juridique destinée à protéger contre toute forme de discrimination organisée, a-t-elle pour prix un aveuglement social ?», s'interroge le Haut conseil à l'intégration dans son rapport 2001. Pour approfondir le thème, cet organisme, créé en 1990 auprès du Premier ministre, a décidé de poser la question de l'accès des Français d'origine étrangère et des DOM-TOM aux fonctions d'encadrement dans les entreprises et les administrations.

Surprise. Des 25 organismes contactés, 10 seulement se sont prêtés à l'enquête, 8 l'ont refusée, 7 n'ont même pas répondu à la demande. Dès lors, le HCI a estimé que le fait saillant de cette étude ne résidait plus tant dans des résultats peu représentatifs que dans le « constat de la profonde gêne qui existe pour aborder un tel sujet en univers professionnel ». C'est, a expliqué Roger Fauroux président du HCI, « la question qui ne se pose pas ». La réponse venue d'une grande entreprise en dit long sur les sous-entendus : « on ne demande pas si les gens sont homosexuels ou étrangersà »

Pourtant, une enquête du ministère de l'Emploi confirme l'existence de difficultés spécifiques aux salariés d'origine immigrée ou non métropolitaine. Parmi les universitaires ou élèves des grandes écoles diplômés 5% des Français de naissance sont au chômage contre 11% des Français par acquisition. Si on s'intéresse aux étrangers, 7% connaissent le chômage s'ils sont originaires de l'Union européenne et 18% s'ils ont une autre nationalité. Il semble bien, souligne le HCI, que l'accès à la nationalité française ne fait pas disparaître tous les obstacles que rencontrent les étrangers sur le marché du travail. Et cette situation ne risque pas de s'améliorer si le phénomène est nié comme cela semble bien être le cas.

Refus d'aborder le problème

Parmi les entreprises ou administrations qui ont accepté l'enquête, Usinor, France-Telecom, EDF-GDF, les mairies de Bobigny et Perpignan ou le syndicat CFDT. Et parmi celles qui l'ont refusée Renault, la RATP, France-Télévision, la Police nationale ou l'Institut d'études politiques de Paris. Cela ne signifie pas que les politiques de recrutement soient moins favorables à l'intégration dans la deuxième catégorie, mais bien qu'on s'y refuse à aborder le problème.

Pourquoi trouve-t-on aussi peu de Français d'origine étrangère ou d'outre-mer dans la haute fonction publique ? Pour Roger Fauroux le concours est dissuasif pour beaucoup d'entre eux, « inhibés » par leur crainte de ne pas détenir les codes culturels hexagonaux. La preuve en est, selon le président du HCI, leur présence en médecine, en droit ou dans le journalisme. Mais, du côté des administrations, la frilosité à faire appel à des personnes un peu différentes du citoyen-type n'est pas moindre.

Quant aux entreprises, les plus grandes et les plus traditionnelles ont généralement adopté un « management » et une organisation hiérarchique calquée sur l'administration publique. D'où des comportements de recrutement approchants. En revanche, dans les entreprises les plus modernes et les plus dynamiques, les entreprises « à l'américaine », selon Roger Fauroux, où les critères prioritaires sont la compétence et les résultats obtenus, les discriminations sont moins grandes.

En conclusion le HCI invite à s'inspirer pour l'intégration des Français d'origine étrangère des pratiques mises en place à propos de l'emploi des femmes. Et, en premier lieu la publication de données objectives qui ont permis de mettre au jour le fameux « plafond de verre » limitant l'ascension hiérarchique des femmes et qui les concerne aussi.



par Francine  Quentin

Article publié le 15/11/2001