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Immigration

L'immigration au service du développement

Africagora est un réseau d'affaires et un club d'entrepreneurs africains de l'extérieur basé à Paris, qui veut aider ses adhérents à se réaliser dans leur pays d'accueil, et à s'investir en même temps dans le développement de l'Afrique.
C'est dans ce cadre que cette association a organisé un colloque les 28 et 29 septembre à l'hôtel de ville de Paris et au Cnit de La Défense, sur le thème «Diaspora africaine et intégration économique».
La pauvreté, les guerres, et le chômage sont les principaux facteurs qui poussent les populations africaines à immigrer en Europe. Ces mêmes raisons ont conduit les pays hôtes à élaborer des politiques d'accueil qui ne prennent en compte que leur générosité envers ces populations dites en détresse. La dimension économique de la présence des immigrés n'est que très partiellement prise en compte, alors que leur apport participe à la compétitivité de certains secteurs de l'économie. En France par exemple, l'industrie du prêt-à-porter ou du bâtiment en tire un profit substantiel.

Mais la crise économique et le problème du chômage en Europe, ont conduit les pays européens à durcir les conditions d'entrée dans leur espace. Michel Rocard, Premier ministre français de 1989 à 1991, disait que « la France ne pouvait accueillir la misère du monde». Il fallait donc désormais non seulement freiner et contrôler les flux migratoires mais aussi, aider le migrant à retourner dans son pays. C'est pour ces mêmes raisons que l'actuel Premier ministre, Lionel Jospin, rend plusieurs visites, au chef de l'Etat malien, Alpha Oumar Konaré, pour également discuter des aides au développement. Développement du sud = baisse de l'immigration, c'était le credo d'une nouvelle école qui y voyait le maintien sur place des candidats au départ. Mais un rapport du Conseil économique et social en France a montré que les objectifs visés par ces orientations n'ont jamais été atteints. Selon cette étude plus de 70% des immigrés africains, qui ont reçu auparavent une formation d'un niveau CAP (certificat d'aptitude professionnelle) et une aide au retour, pour s'installer dans leur pays, sont revenus en France.

Par ailleurs une politique restrictive, qui ne permet pas l'obtention facile d'un visa d'entrée, ou un retour facile après un départ volontaire, paradoxalement entraine une implantation de longue durée une fois que les obstacles sont vaincus. Contrairement à ce qui se passe en Suisse où une loi permettant justement une mobilité, et même une rétractation du candidat au départ a permis d'infléchir la courbe de l'immigration.

Plus utiles à l'étranger qu'au pays

Les cadres diplômés africains constituent une autre catégorie d'immigrés que les administrations africaines n'ont pu absorber. Leurs niveaux de qualification dépassent les besoins des pays formateurs. De cette inadéquation est née un nouveau concept, celui de la fuite des cerveaux qui a fait son chemin. Ces cadres condamnés à l'exil sont des enseignants, des scientifiques, des médecins, des entrepreneurs dont les pays africains ne tirent pas directement profit, pour des raisons autant économiques que politiques. Mais leur attachement culturel à leurs régions d'origine, à travers des associations offre une nouvelle perspective aux politiques européens et africains, qui reviennent sur leurs engagements idéologiques. Les uns veulent tirer profit de la présence de cette population et les autres veulent profiter de leur absence. C'est le co-développement. Prendre en compte les intérêts des pays d'origine et également ceux du pays d'accueil.

Le Mali, le Sénégal, le Maroc et les Comores ont signé avec la France un accord de partenariat pour engager ensemble, les programmes de co-développement.

Sous l'autorité directe du Premier ministre en France, est créée la délégation interministérielle au co-développement, qui coordonne les actions des ministères de l'intérieur, de la solidarité et de l'emploi, et de la coopération. Ce tout nouveau service encourage des projets d'investissement dans le tourisme rural, dans l'agriculture, dans la culture et dans la création d'activité de service à partir du pays d'accueil vers le pays d'origine. Certains actes ont servi d'exemple à cette nouvelle politique. Les travailleurs immigrés maliens en France, pour la plupart originaires de la région de Kayes, à l'ouest du Mali, n'avaient pas entendu ce cadre pour investir dans leurs pays. Mais les projets mal suivis, et mal encadrés n'ont pas tous été concluants. Il n'empêche que le transfert d'épargne des Maliens vers leur pays reste très élevé, plus de 100 000 dollars par an, soit environ 70 millions CFA. Le transfert dµépargne des Capverdiens de l'étranger correspond à 20% du produit intérieur brut de la République du Cap vert.«Une évaluation de ce gisement des forces africaines» est donc nécessaire pour encourager et encadrer l'investissement, selon Moussa Touré, président de la commission de l'Union économique et monétaire ouest africaine, participant au colloque d'Africagora. C'est aussi le point de vue défendu par Madame Ndioro Ndiaye, directrice générale adjointe de l'Organisation internationale des migrations, qui pour sa part a initié un programme «MIDA», (migration pour le développement en Afrique). Trois pays sont signataires de cet accord, à titre expérimental: le Burundi, le Rwanda et la République démocratique du Congo. Ces trois pays ravagés par la guerre ont connu un exode massif de leurs populations, qui ne nourrissent, pour la plupart, aucun espoir de retour. Et pour pourtant leur expertise pour la création d'un collège ou d'un hôpital par exemple serait un apport essentiel dans la reconstruction de leur pays. La Belgique soutient financièrement ce programme.

Le co-développement est aujourd'hui une nouvelle notion économique qui ouvre de nouvelles voies de développement pour les pays africains. Les organismes qui ont la charge de la conduire lui trouvent de multiples déclinaisons: les entreprises françaises en Afrique sont encouragées à engager des cadres africains vivant en Europe. Et déjà, Afric Search, une entreprise de cadres africains vivant en France se spécialise dans le recrutement des compétences pour le marché africain.

L'immigration, n'est plus aujourd'hui un facteur d'appauvrissement, d'une région ou d'un pays au profit d'un autre. Il est désormais une chance pour les uns et les autres.



par Didier  Samson

Article publié le 03/10/2001