Immigration
L'exode des Kurdes ne fait que commencer
L'Europe n'en a pas fini avec l'arrivée de réfugiés kurdes à ses frontières. La situation militaire, politique et économique qui prévaut dans le Kurdistan irakien ne laisse pas d'autre issue que l'exil aux quelque 3 millions d'habitants la région.
«Nous vivons dans une grande prison», dit un Kurde chrétien de Zakho, «cela fait dix ans que cela dure. Je ne peux pas sortir d'ici, je ne peux pas voyager, car je n'ai pas d'identité. Les gens qui arrivent en Amérique ou en Australie obtiennent au bout de trois ou quatre ans un passeport, mais moi, ici, après dix ans, je ne suis rien! Si je vais en Turquie avec un très bon passeport irakien, qui m'a coûté mille dollars, ils me refoulent, une fois, deux fois, tant qu'ils le veulent. Je n'ai pas ce droit humain fondamental, celui d'avoir une identité, un passeport».
Tous les Kurdes qui vivent dans la zone protégée par les patrouilles aériennes des Américains et des Britanniques (la France ne participe plus à ces opérations depuis deux ans) ont cette obsession: partir, fuir le Kurdistan. Pourtant, pour la première fois dans leur histoire mouvementée, les Kurdes gouvernent eux-mêmes une partie relativement importante de leur territoire ûenviron 75.000 kmª, plus de deux fois la Belgique- ils y ont organisé des élections libres en 1992, formé un parlement, et mis en place un gouvernement. Alors, pourquoi partir au moment où les Kurdes réalisent enfin leur rêve?
Les raisons de cet exode sont multiples. Indéniablement, certains départs sont motivés par des considérations économiques: victime d'un double embargo, l'un imposé à l'ensemble de l'Irak depuis l'invasion du Koweït il y a dix ans, l'autre imposé par Bagdad sur la région kurde, le Kurdistan irakien se débat dans une crise économique sans issue: il n'y a aucune activité économique, le chômage est général, les jeunes n'ont pas de perspective d'avenir: pas d'emploi, pas de salaire, pas de possibilité de se procurer un logement s'ils se marient.
Les séquelles de la guerre entre Kurdes
Regardant les programmes des innombrables chaînes de télévision par satellite auxquelles ils ont accès grâce aux antennes paraboliques, les Kurdes sont persuadés que l'Europe est un paradis, où il suffit de se baisser pour ramasser l'argent à la pelle, et où les jeunes passent leur temps à conduire des BMW et à danser dans des boites discos.
Mais les raisons de cet exode sont surtout politiques. Peu après avoir organisé les élections de 1992 et formé un gouvernement siégeant à Erbil, la capitale du Kurdistan irakien, les deux principaux partis kurdes, le PDK de Massoud Barzani et l'UPK de Jelal Talabani se sont affrontés: ces combats ont fait plusieurs milliers de morts, et 150.000 déplacés, qui vivent encore dans des conditions sordides. Et depuis 1997 le Kurdistan «libre» est divisé en deux zones, avec deux gouvernements, entre lesquelles il est difficile de circuler: «Il est plus facile d'aller en Iran ou à Bagdad qu'à Erbil: aux postes de contrôle sur les routes les peshmergas (combattants kurdes) me soupçonnent de venir faire de l'espionnage, ou des attentats», dit Hawdin, un jeune kurde de 18 ans vivant à Halabja qui a déjà essayé deux fois de passer en Europe par la Turquie -et s'est fait deux fois refouler de Turquie. Mais il est bien décidé à tenter sa chance une troisième fois!
Mais plus que tout, c'est l'incertitude terrible qui pèse sur le futur de la région kurde et la crainte du retour de Saddam Hussein qui poussent les Kurdes irakiens à émigrer. Hantés par le spectre de Halabja -bombardée avec des gaz, le 16 mars 1988, cinq mille morts- et par celui de l'Anfal (terrible campagne d'extermination qui fit 180.000 à 200.000 victimes), hantés par une longue histoire de répression, d'arrestations et de tortures, les Kurdes ne peuvent envisager sans terreur l'éventualité du retour des forces de Saddam Hussein dans «leur» région. Il y a tout juste dix ans, après l'effondrement de «l'Intifada» kurde qui suivit la défaite des armées de Saddam Hussain au Koweït, deux millions de Kurdes irakiens montraient à quelles extrémités cette terreur pouvait les conduire en s'enfuyant à pied dans la neige vers les frontières de la Turquie et de l'Iran.
C'est cette même crainte qui pousse aujourd'hui des milliers de Kurdes à prendre le chemin de l'exil à n'importe quel prix. Les débarquements de centaines de Kurdes sur les côtes italiennes et françaises ne sont que le début d'un phénomène qui ira en s'amplifiant tant que les pays occidentaux ne se décideront pas à trouver une solution politique au problème kurde qui seule retiendra les Kurdes dans leur pays.
Tous les Kurdes qui vivent dans la zone protégée par les patrouilles aériennes des Américains et des Britanniques (la France ne participe plus à ces opérations depuis deux ans) ont cette obsession: partir, fuir le Kurdistan. Pourtant, pour la première fois dans leur histoire mouvementée, les Kurdes gouvernent eux-mêmes une partie relativement importante de leur territoire ûenviron 75.000 kmª, plus de deux fois la Belgique- ils y ont organisé des élections libres en 1992, formé un parlement, et mis en place un gouvernement. Alors, pourquoi partir au moment où les Kurdes réalisent enfin leur rêve?
Les raisons de cet exode sont multiples. Indéniablement, certains départs sont motivés par des considérations économiques: victime d'un double embargo, l'un imposé à l'ensemble de l'Irak depuis l'invasion du Koweït il y a dix ans, l'autre imposé par Bagdad sur la région kurde, le Kurdistan irakien se débat dans une crise économique sans issue: il n'y a aucune activité économique, le chômage est général, les jeunes n'ont pas de perspective d'avenir: pas d'emploi, pas de salaire, pas de possibilité de se procurer un logement s'ils se marient.
Les séquelles de la guerre entre Kurdes
Regardant les programmes des innombrables chaînes de télévision par satellite auxquelles ils ont accès grâce aux antennes paraboliques, les Kurdes sont persuadés que l'Europe est un paradis, où il suffit de se baisser pour ramasser l'argent à la pelle, et où les jeunes passent leur temps à conduire des BMW et à danser dans des boites discos.
Mais les raisons de cet exode sont surtout politiques. Peu après avoir organisé les élections de 1992 et formé un gouvernement siégeant à Erbil, la capitale du Kurdistan irakien, les deux principaux partis kurdes, le PDK de Massoud Barzani et l'UPK de Jelal Talabani se sont affrontés: ces combats ont fait plusieurs milliers de morts, et 150.000 déplacés, qui vivent encore dans des conditions sordides. Et depuis 1997 le Kurdistan «libre» est divisé en deux zones, avec deux gouvernements, entre lesquelles il est difficile de circuler: «Il est plus facile d'aller en Iran ou à Bagdad qu'à Erbil: aux postes de contrôle sur les routes les peshmergas (combattants kurdes) me soupçonnent de venir faire de l'espionnage, ou des attentats», dit Hawdin, un jeune kurde de 18 ans vivant à Halabja qui a déjà essayé deux fois de passer en Europe par la Turquie -et s'est fait deux fois refouler de Turquie. Mais il est bien décidé à tenter sa chance une troisième fois!
Mais plus que tout, c'est l'incertitude terrible qui pèse sur le futur de la région kurde et la crainte du retour de Saddam Hussein qui poussent les Kurdes irakiens à émigrer. Hantés par le spectre de Halabja -bombardée avec des gaz, le 16 mars 1988, cinq mille morts- et par celui de l'Anfal (terrible campagne d'extermination qui fit 180.000 à 200.000 victimes), hantés par une longue histoire de répression, d'arrestations et de tortures, les Kurdes ne peuvent envisager sans terreur l'éventualité du retour des forces de Saddam Hussein dans «leur» région. Il y a tout juste dix ans, après l'effondrement de «l'Intifada» kurde qui suivit la défaite des armées de Saddam Hussain au Koweït, deux millions de Kurdes irakiens montraient à quelles extrémités cette terreur pouvait les conduire en s'enfuyant à pied dans la neige vers les frontières de la Turquie et de l'Iran.
C'est cette même crainte qui pousse aujourd'hui des milliers de Kurdes à prendre le chemin de l'exil à n'importe quel prix. Les débarquements de centaines de Kurdes sur les côtes italiennes et françaises ne sont que le début d'un phénomène qui ira en s'amplifiant tant que les pays occidentaux ne se décideront pas à trouver une solution politique au problème kurde qui seule retiendra les Kurdes dans leur pays.
par Chris Kutschera
Article publié le 20/02/2001