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Union Européenne

Controverse sur la libéralisation des services

Le président de la Commission européenne, José Manuel Durao Barroso a admis qu’il serait désormais difficile de faire adopter la directive «<EM>telle qu’elle a été proposée par la précédente commission</EM>».(Photo : Communauté européenne, 2005)
Le président de la Commission européenne, José Manuel Durao Barroso a admis qu’il serait désormais difficile de faire adopter la directive «telle qu’elle a été proposée par la précédente commission».
(Photo : Communauté européenne, 2005)
La Commission européenne a ouvert la porte, le 2 février, à une renégociation de certaines dispositions de la directive «Bolkestein» sur la libéralisation des services dans les pays de l’Union européenne. Ce texte provoque depuis janvier 2004, date de son adoption par la Commission, de nombreuses critiques de la part de la gauche européenne, des syndicats et de certains gouvernements. Ceux-ci mettent en cause notamment le risque de «dumping social» lié à l’application du principe «du pays d’origine», prévue par la directive, et le danger d’étendre les pratiques concurrentielles libérales à tous les services.

Jacques Chirac, le président français, est monté lui-même au créneau pour demander «une remise à plat» du projet de directive européenne sur les services. A l’occasion du conseil des ministres du mercredi 2 février, le président de la République française a fait part de son désaccord avec ce texte préparé par l’ex-commissaire, Frits Bolkestein, pour participer à l’achèvement du marché intérieur européen en y incluant le secteur des services. Cette mise en cause a été relayée un peu plus tard par Jean-Pierre Raffarin. Le Premier ministre, qui s’exprimait à l’Assemblée nationale, a estimé que la directive était «inacceptable», ajoutant que le gouvernement français entendait utiliser «tous les moyens» pour s’y opposer.

Ces attaques publiques ont été appuyées à Bruxelles par le travail du représentant de la France à la Commission Barroso, le vice-président et commissaire aux Transports Jacques Barrot, qui a fait valoir auprès de ses pairs européens les réticences de la France concernant certaines dispositions prévues par la directive. La principale pierre d’achoppement se situe au niveau de l’application du principe dit «du pays d’origine» préconisé par Frits Bolkestein qui prévoit que «le prestataire est soumis uniquement à la loi du pays dans lequel il est établi». Autrement dit, en vertu de la nécessaire liberté de circulation et d’établissement des prestataires de services au sein de l’Union européenne, il est envisagé de permettre, par exemple, à n’importe quel agent de voyage lituanien de proposer des services en Allemagne sans qu’il soit obligé de respecter la loi et les obligations en vigueur dans ce pays qui n’est pas son pays d’origine.

La concurrence ou les droits sociaux ?

Dès l’annonce de cette mesure, les organisations syndicales ont manifesté leur opposition. La Confédération européenne des syndicats (CES) a ainsi fait valoir que «la législation du travail et les conventions collectives ne peuvent être traitées comme des obstacles à éliminer». Car le risque majeur lié à l’application du principe «du pays d’origine» est de voir l’ouverture du marché intérieur européen se faire au détriment des «normes sociales». Ce qui signifierai un alignement par le bas nuisible à la protection des travailleurs dans l’Union.

Une autre critique adressée à la directive Bolkestein concerne le fait qu’elle englobe a priori tous les services -à l’exception des services financiers, de télécommunications ou de transports couverts par des réglementations spécifiques. Elle s’applique donc aussi aux services d’intérêt économique général et n’établit pas de distinction entre l’hôtellerie et la santé, par exemple. Cette situation pose problème. Du point de vue français, elle met en cause les services publics en introduisant la notion de concurrence sur des critères inégaux. Jacques Barrot a ainsi expliqué que les «services à la personne, les services de santé exigent incontestablement une approche spécifique». Jean-Pierre Raffarin a quant à lui affirmé : «Ce n’est pas la conception que nous avons du service public, d’une part, de l’organisation européenne, d’autre part».

Au final, la Commission européenne semble avoir pris en compte toutes ces oppositions. Son président, José Manuel Durao Barroso a admis qu’il serait désormais difficile de faire adopter la directive «telle qu’elle a été proposée par la précédente commission». Fort de cette conviction, il a indiqué que son équipe allait travailler pour trouver «un consensus» avec toutes les parties concernées. Il est vrai que le moment serait mal choisi pour faire passer en force au Parlement une directive susceptible de rencontrer une opposition auprès d’une large partie des Européens. Dans plusieurs pays de l’Union, en France notamment, l’année 2005 sera celle de la ratification du projet de Constitution européenne. Pas question donc de provoquer des crispations autour de ce texte et de prendre le risque de créer un climat défavorable avant une échéance majeure pour l’avenir de la construction européenne.

Quoi qu’il en soit, et qu’elle passe par la directive Bolkestein ou un texte remanié, la libéralisation des services en Europe se poursuivra. De l’avis général, ce secteur qui représente 70 % du produit intérieur brut (PIB) de l’Union européenne, doit s’ouvrir coûte que coûte à la concurrence. Les experts en attendent une augmentation de 0,6 % du taux de croissance du PIB et de 0,3 % du niveau de l’emploi.

par Valérie  Gas

Article publié le 03/02/2005 Dernière mise à jour le 03/02/2005 à 16:12 TU

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Jacques Barrot

Commissaire européen aux Transports

«L'Union européenne doit inviter les Etats membres à organiser la recherche en réseau.»

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