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Constitution européenne

Droite, gauche, mêmes problèmes

Dominique de Villepin et Henri Emmanuelli. A l'UMP comme au PS, la campagne pour le référendum divise et fait apparaître des rivalités. (Photos: AFP)
Dominique de Villepin et Henri Emmanuelli. A l'UMP comme au PS, la campagne pour le référendum divise et fait apparaître des rivalités.
(Photos: AFP)
La Constitution européenne est tout sauf un thème sur lequel s’appliquent les logiques de partis. Que ce soit au Parti socialiste (PS) ou à l’Union pour un mouvement populaire (UMP), la campagne pour le référendum du 29 mai n’en finit pas de faire apparaître des clivages et des rivalités de personnes. Et dans les deux cas, ces dissensions autour de l’adoption de la Constitution européenne ou de la manière de mener la campagne aboutissent aussi à une remise en cause des dirigeants et de leurs politiques.

François Hollande n’a pas dû en croire ses oreilles, mais Henri Emmanuelli l’a fait. A l’occasion d’une réunion d’environ 80 collectifs départementaux pour le «non» au référendum sur la Constitution européenne du 29 mai, le député socialiste a déclaré que son parti avait besoin «d’un appel d’air» et d’un «nouvel Epinay». Cette référence au congrès fondateur du PS réuni en 1971 est révélatrice de la stratégie de remise en cause de la politique des dirigeants socialistes menée par quelques leaders du parti parmi lesquels Laurent Fabius, Jean-Luc Mélenchon et surtout Henri Emmanuelli.

La campagne pour le référendum a, en effet, mis au jour des dissensions très importantes au sein de cette formation. Malgré un vote des militants en faveur du «oui» et l’engagement de la direction du PS, le Premier secrétaire François Hollande en tête, en faveur de la Constitution, un certain nombre de leaders ont maintenu leur appel à voter contre le traité. Leur principal argument met en valeur le danger que ce texte représente pour les acquis sociaux français. Les défenseurs socialistes du «non», qui se sont alliés pour la circonstance avec d’autres représentants de la gauche hostiles au traité, ont trouvé un large écho dans l’électorat, notamment auprès des sympathisants socialistes. Forts de ce soutien populaire confirmé par les sondages des dernières semaines qui montrent une progression constante des intentions de vote en faveur du «non», certains ont décidé de passer à la vitesse supérieure en essayant dès maintenant de tirer les conclusions de ce qui est bel et bien une crise qui dépasse le cadre du débat sur la Constitution européenne.

Réorganiser le Parti socialiste

Car le clivage, apparu au PS à l’occasion de la campagne pour le référendum, a des racines profondes. Le parti, en mal de projet et de dynamique depuis la dernière élection présidentielle, n’arrive pas à proposer une politique qui corresponde aux attentes de son électorat potentiel. La Constitution européenne, autour de laquelle se rejoignent les leaders des principaux partis de droite et de gauche, apparaît donc dans ce contexte comme la goutte d’eau qui fait déborder le vase pour les sympathisants socialistes privés de repères politiques clairs. Henri Emmanuelli a bien compris qu’il y avait un vide à combler et que la direction du PS se trouvait dans une situation d’extrême fragilité face à l’expression d’un «non» qui apparaît de plus en plus comme un élément refondateur pour ce mouvement. Ses dernières déclarations ont donc sans ambiguïté mis la pression sur François Hollande. Henri Emmanuelli a ainsi affirmé: «Je crois qu’il faut réorganiser le Parti socialiste. Il faudra se rendre compte, quand même, qu’il n’est pas souhaitable que le parti soit systématiquement à côté de son électorat si le "non" l’emporte». Et de faire référence à des alliances en lançant : «A partir de mai, il faudra structurer le "non" de la gauche plurielle et s’adresser aux militants du Parti communiste, des Verts et du Parti radical de gauche».

Face à des attaques de plus en plus frontales, le Premier secrétaire a bien du mal à faire preuve d'autorité. Il a beau laisser planer une menace de sanction: «Tous ces comportements [les déclarations d’Emmanuelli] sont insupportables et ces camarades auront à rendre compte le moment venu», on peut tout de même s’interroger sur ce qu’il entend par : «Ces comportements seront condamnés politiquement». Quoi qu’il en soit, François Hollande n’a plus l’initiative dans ce débat et se trouve obligé d’aller sur le terrain où l’entraînent ses rivaux au sein du PS. Concernant la nécessité de réorganiser le parti, il a ainsi botté en touche en déclarant: «Les militants seront consultés. C’est la seule façon de régler nos différends».

A l’UMP aussi, le débat autour de la Constitution européenne provoque des affrontements. Et là ce n’est pas tant à cause de différences de points de vue –globalement le «oui» n’est pas contesté– mais à cause de l’incapacité à mettre en œuvre une campagne convaincante en déconnectant le référendum des enjeux de politique intérieure et de la mauvaise image du gouvernement. La pertinence du choix de Jean-Pierre Raffarin comme chef de file de la campagne a, pour ces raisons, été critiquée par certains membres de la majorité. Le Premier ministre a déjà dû faire des mises au point pour réaffirmer qu’il n’entendait pas laisser mettre en cause son autorité.

Villepin attaque Raffarin

Il n’empêche que cette détermination à assumer coûte que coûte le premier rôle dans la campagne pour le référendum, malgré des chutes régulières de sa cote de popularité dans les sondages, ne semble plus suffisante pour lui éviter des critiques dans ses propres rangs. Pour preuve, celui que l’on présente depuis des mois comme l’un de ses successeurs potentiels à Matignon, si d’aventure Jacques Chirac remaniait le gouvernement, Dominique de Villepin, lui a envoyé quelques piques. Lors d’une émission politique sur Europe 1, le ministre de l’Intérieur ainsi affirmé que quelle que soit la réponse des Français le 29 mai, il faudrait «mener une politique beaucoup plus volontaire, plus audacieuse, plus solidaire… pour mieux prendre en compte les aspirations des Français». Une manière de confirmer que ceux-ci ont raison de mettre en cause la politique actuelle.

En opérant un changement flagrant par rapport à l’argumentaire développé jusque-là par le gouvernement qui consistait à essayer par tous les moyens de dissocier le vote sur la Constitution européenne de la politique intérieure, Dominique de Villepin joue sur deux tableaux. D’un côté, il engage une nouvelle offensive dans la campagne pour le référendum après l’intervention ratée de Jacques Chirac lors d’un débat télévisé avec les jeunes, en essayant de montrer que le gouvernement a entendu le message des Français. De l’autre, il fait porter un peu plus le chapeau à Jean-Pierre Raffarin, qui cristallise déjà la grogne et apparaît comme le candidat idéal au sacrifice post-référendum. Ce qui lui permet du même coup de se présenter comme l’homme qui pourrait incarner le changement. Sans affirmer qu’il convoitait Matignon, Dominique de Villepin a tout de même confirmé qu’il était prêt à prendre les rênes du gouvernement: «Toute ma vie je me suis préparé et entraîné pour faire un certain nombre de choses correspondant à mon idéal».

Qu’il s’agisse d’essayer d’amadouer les électeurs ou de poser des jalons pour l’avenir, ces déclarations du ministre de l’Intérieur ne vont pas apaiser les rivalités au sein de la majorité. Notamment avec le président de l’UMP, Nicolas Sarkozy, l’autre premier ministrable. D’autant que Dominique de Villepin, fidèle entre les fidèles du chef de l’Etat, a selon toute vraisemblance agi avec la bénédiction de l’Elysée. Et la Constitution européenne dans tout ça ?

par Valérie  Gas

Article publié le 18/04/2005 Dernière mise à jour le 18/04/2005 à 18:07 TU

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Dominique Reynié

Directeur de l'Observatoire interrégional du politique (Sciences Po-CNRS)

«Beaucoup de sympathisants socialistes ne savent même plus quelle est la doctrine officielle du PS.»

Valérie Lainé

Journaliste à RFI

«On n'imagine pas qu'une Constitution puisse trouver des applications différentes selon les Etats.»

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