Togo
La relance du dialogue politique passe par Rome
La communauté chrétienne Sant’Egidio qui s’implique beaucoup dans le règlement des conflits en Afrique, a profité de la visite du président Faure Gnassingbé en Iran pour organiser une rencontre à Rome avec le leader historique de l’opposition togolaise, Gilchrist Olympio. Sant’Egidio, convaincue que le dénouement de la crise politique au Togo passait par un dialogue direct entre le leader de l’opposition et l’homme, (Gnassingbé Eyadéma) qui avait joué un rôle essentiel dans l’assassinat de son père, avait persuadé les deux hommes de se rencontrer. Mais la mort du président Eyadéma, le 5 février n’a pas découragé cette communauté proche du Vatican qui a reporté sur Faure Gnassingbé les engagements qu’avait pris son père.
Gilchrist Olympio, héritier politique du premier président assassiné du Togo, son père, face à Faure Gnassingbé, lui aussi héritier politique de son père, est une image forte que Sant’Egidio veut exploiter en déchargeant les enfants du poids des responsabilités de leurs parents. Cette image plait beaucoup à Faure Gnassingbé qui avait déjà lancé, avant même l’élection présidentielle, l’idée de la réconciliation, du pardon et de la réhabilitation des anciens chefs de l’Etat. Mais les tripatouillages politiques pour assurer une pérennité du pouvoir du clan Eyadéma montrent bien que le problème togolais dépasse le contentieux entre les familles Eyadéma et Olympio. Les violentes répressions des manifestations qui ont jeté plusieurs dizaines de milliers de Togolais hors de leurs pays et fait d’innombrables morts ne font pas perdre de vue que le nouveau président emboîte le pas de son père pour la continuité d’un régime qui dirige le Togo sans partage depuis près de 40 ans.
Gilchrist Olympio affirme son autoritéLe piège était là : faire des déçus. Pour s’en prémunir Gilchrist Olympio s’est rendu à Rome accompagné du troisième vice-président de l’Union des forces du changement (UFC), Patrick Lawson et d’un conseiller personnel, Eric Amerding. En face Faure Gnassingbé était entouré, entre autres, de Pitang Tchala ancien ministre de la communication, actuel conseiller du président et du directeur de cabinet M. Bodjona. La réunion sans ordre du jour a permis aux uns et autres de mettre sur le tapis tous les sujets qui leur semblaient essentiels. Au bout de plusieurs heures de discussion quatre points ont fait l’objet d’un communiqué commun : la cessation des violences, la libération des prisonniers d’opinion, rendre possible et favoriser le retour des réfugiés et la reprise du dialogue politique.
Ce dernier point est à double détentes, puisqu’il permet d’une part à Gilchrist Olympio de reprendre la main au moment où les partis de l’opposition basés à Lomé le considéraient trop éloigné du champ de bataille. D’autre part, en exigeant la reprise du dialogue politique Gilchrist Olympio et les siens remettent au goût du jour la principale revendication de la coalition de l’opposition qui est de préparer un cadre électoral consensuel et de retirer de la constitution toutes les mesures discriminatoires. Pour Eric Amerding de l’UFC, l’actuel pouvoir de Lomé «joue un rôle de pouvoir transitoire qui conduira à de nouvelles échéances électorales plus justes».
Pour de nombreux Togolais, la rencontre de Rome est une grande surprise. Elle sème le trouble dans les rangs des sympathisants des partis d’opposition qui jugent sévèrement les leaders politiques. «Ils n’ont pas pu renverser Eyadéma et son pouvoir… Eyadéma est mort de sa mort naturelle… Ils n’ont pas pu faire échec à la reprise du pouvoir par le fils… Et maintenant ils vont négocier…». En tout cas, selon les leaders l’UFC la rencontre de Rome «a au moins permis la libération de plus de cinquante prisonniers d’opinion». Une nouvelle rencontre est d’ores et déjà programmée pour le mois de septembre.
par Didier Samson
Article publié le 22/07/2005 Dernière mise à jour le 22/07/2005 à 18:53 TU