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Algérie

Alger dans le collimateur d’Al-Qaïda

Le diplomate algérien, Azzedine Belkadi.Photo : AFP
Le diplomate algérien, Azzedine Belkadi.
Photo : AFP

Dans un communiqué diffusé sur internet, le groupe irakien d'Abou Moussab Al-Zarqaoui annonçait aux Algériens que «vos frères dans la branche militaire de l'organisation Al-Qaïda en Mésopotamie ont procédé mercredi 27 juillet» à l’exécution du président de la mission diplomatique algérienne, Ali Belaroussi (62 ans), et de l'attaché diplomatique Azzedine Belkadi (47 ans), kidnappés six jours plus tôt, à Bagdad, à cent mètres de leur ambassade, «deux émissaires de l'Etat algérien …envoyés pour soutenir les bases des juifs et des chrétiens en Mésopotamie». Reprochant au passage à Alger de ne pas appliquer la loi islamique (la charia), le communiqué l’accuse aussi d’avoir fait couler le sang des musulmans pendant les années quatre-vingt-dix et même d’avoir commandité des massacres de villageois imputés aux islamistes.


Très inspiré par les affaires intérieures algériennes, le communiqué de mercredi affirme que Azzedine Belkadi était un missi dominici des services de renseignements algériens, venu prendre du galon en Irak où il aurait été élevé «du grade de lieutenant à celui de capitaine». A ce titre, il lui impute des responsabilités dans les «massacres de Raïs et de Bentalha – deux localités aux portes d’Alger – qui ont fait des centaines des victimes parmi les enfants du peuple musulman algérien – en 1997 – et qui ont été alors attribués aux moujahidine» islamistes. A l’époque, les islamistes algériens avaient déjà porté ces mêmes accusations. De leur côté, des survivants du bain de sang et des enquêteurs d’Amnesty International s’étaient également interrogés sur la nature des relations entre le pouvoir et les Groupes islamistes armés (GIA). Aujourd’hui, le communiqué de la faction irakienne d’Al-Qaïda désigne nommément le Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC) comme le défenseur des fidèles en butte à «la guerre que mène l'Etat algérien tyran contre les musulmans». L’ancien numéro 2 du GSPC, Amari Saïfi, alias Abderezak le para, est justement aux mains des autorités algériennes. Mais ni rançon, ni échange n’ont permis de négocier la vie des diplomates.

Ali Belhadj : «le jihad et la résistance
sont la seule réponse à l'occupation
»

«L'Algérie a souffert pendant plus d'une décennie des affres d'un terrorisme qui a marqué une noire éclipse des valeurs de l'Islam en cette terre pourtant authentiquement musulmane», se défend un communiqué de la présidence de la République algérienne . Mais force est de constater qu’après la politique «d’éradication» de l’islamisme, la «concorde nationale» et l’intégration d’islamistes triés sur le volet, des partisans algériens de la lutte armée restent actifs dans la mouvance terroriste de l’internationale islamiste. Pour certains d’entre eux, l’Irak marque la nouvelle ligne de front. L’ancien numéro 2 du Front islamique du salut (le Fis interdit), Ali Belhadj, ne s’y trompe pas lorsque, sur la chaîne télévisée qatarie Al-Jazira, il «salue les moudjahidines sur le sol de la résistance en Irak,ajoutant, que Dieu les aide à faire face, avec fermeté et détermination, à l'occupant spoliateur, à ses agents et ses acolytes». «L'Histoire nous a appris que le jihad et la résistance sont la seule réponse à l'occupation», concluait Belhadj, avant d’être arrêté par les autorités algériennes, mercredi.

L’assassinat des deux diplomates algériens est un nouvel avertissement sanglant aux Etats arabes et musulmans. «Leurs ambassadeurs et autres représentants sont des cibles légitimes pour les sabres des moujahidine», lance le communiqué. Au début du mois, le 7 juillet, la même mouvance avait annoncé l’exécution du chef de la mission diplomatique égyptienne en Irak, Ihab Al-Chérif. Le président égyptien, Hosni Moubarak est le «plus grand des infidèles et le plus cruel pour les musulmans», indiquait un communiqué similaire à celui qui suit la mise à mort des deux Algériens. Ihab Al-Chérif s’apprêtait à présenter ses lettres de créances aux autorités irakiennes. Depuis leur avènement, celles-ci battent justement le rappel des représentations diplomatiques, trop peu présentes à leur goût en Irak, la plupart ne se risquant pas au-delà d’Amman, en Jordanie. Visé par des tirs, en juin dernier, le représentant du Pakistan s’est replié à Amman. Celui du Bahrein a au contraire été promu au rang d’ambassadeur, à Bagdad. Lundi déjà, Alger avait annoncé le rapatriement du dernier de ses diplomates en poste à Bagdad, Bachir Belhadj. Fermer l’ambassade n’était pas à l’ordre du jour au moment de l’enlèvement. Alger manifestait encore une grande confiance dans sa diplomatie officielle et parallèle pour sauver les deux diplomates.

Abdelaziz Bouteflika : «Notre pays
a toujours épousé les justes causes
»

«Notre pays, qui a toujours épousé les justes causes et qui a souvent fait passer les intérêts de pays frères avant les siens propres, ne mérite pas cette inqualifiable agression», s’indigne le communiqué de la présidence algérienne. L’Algérie «poursuivra de sa froide détermination ceux qui ont osé s'attaquer si scandaleusement aux enfants d'un pays qui a tant fait pour lutter aux cotés du peuple irakien dans sa quête de sa souveraineté, de son unité nationale, de son intégrité territoriale, comme de la paix et de la justice», menace le texte. Alger était en effet hostile à l’occupation de l’Irak. Mais bien évidemment, ses adversaires algériens ne lui en savent nullement gré. Et plus largement, pour la mouvance terroriste, il constitue une cible justement pour sa «froide détermination» à s’inscrire dans la lutte internationale contre le terrorisme ce qui lui vaut des bons points de la part du «Grand Satan» américain. Au même titre que la majorité des régimes arabo-musulmans de la planète, Alger est dans le camp ennemi aux yeux des partisans d’Al-Qaïda, parmi lesquels s’inscrivent en outre nombre d’Algériens, basés en Irak, en Europe ou aux Etats-Unis notamment.

«L'Algérie passe de la stupeur qui a suivi leur enlèvement à l'indignation que suscite cette odieuse exécution», s’émeut le communiqué officiel annonçant «une minute de silence jeudi 29 juillet 2005 à douze heures locales, à travers tout le territoire et dans les représentations de l'Algérie à l'étranger, en recueillement à la mémoire de nos deux martyrs». En attendant, condamnations et condoléances pleuvent du monde entier. Tous partis confondus, «L’Algérie est sous le choc», titre la presse nationale, elle réalise qu’elle est dans le collimateur d’Al-Qaïda. «Ce type d'acte barbare devrait nous inciter à définir le terrorisme et à arriver à une convention complète» sur le sujet, relève le secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan qui voudrait, d’ici la fin de l’année, trancher l’épineuse question. Celle-ci est empoisonnée en particulier par le conflit israélo-arabe, où les combattants de la liberté sont les terroristes des autres, et vice-versa. Vendredi, dans les mosquées algériennes, la Prière de l'absent saluera Ali Belaroussi et Azzedine Belkadi comme deux martyrs, deux «apostats» selon leurs assassins.


par Monique  Mas

Article publié le 28/07/2005 Dernière mise à jour le 28/07/2005 à 17:38 TU