Irak
La guérilla s’en prend aux diplomates
(Photo : AFP)
Après les rapts de travailleurs étrangers puis ceux, plus médiatiques, de journalistes occidentaux, les diplomates en poste à Bagdad semblent être devenus la nouvelle cible privilégiée de la guérilla irakienne. Samedi, le chef de la mission égyptienne à Bagdad, Ihab al-Chérif a été enlevé dans une rue commerçante de la capitale irakienne, non loin de son domicile, alors qu’il achetait le journal. Ce haut fonctionnaire était arrivé en Irak quelques semaines auparavant et devait présenter dans les jours qui viennent ces lettres de créances, devenant ainsi le premier ambassadeur arabe en poste à Bagdad depuis la chute du régime de Saddam Hussein. Après plusieurs jours d’incertitudes, son enlèvement a finalement été revendiqué mardi soir par la branche irakienne d’al-Qaïda. «L’ambassadeur égyptien a été enlevé par nos moudjahidine et est maintenant sous leur contrôle», a affirmé un bref communiqué du groupe du Jordanien Abou Moussab al-Zarqaoui qui ne porte toutefois aucune demande pour une libération du diplomate. Ce dernier, a par ailleurs affirmé la chaîne de télévision qatarienne al-Jazira, citant des responsables égyptiens, «n’aurait pas été blessé et serait en bonne santé».
Hasard du calendrier ou non, deux autres diplomates ont été la cible d’attaques dans les quarante-huit heures qui ont suivi l’enlèvement de Ihab al-Chérif. Le chargé d’affaires du royaume du Bahreïn en Irak, Hassan al-Ansari, a échappé de peu à un enlèvement. Quatre hommes armés ont ouvert le feu mardi sur sa voiture, dans le quartier huppé d’al-Mansour, alors qu’il se rendait à son travail. Un témoin qui a assisté à la scène a raconté : «j'ai vu dans un pick-up blanc et une voiture japonaise huit hommes en armes qui effectuaient des va-et-vient. Deux hommes sont ensuite sortis et ont crié à l'homme ‘Sors de ta voiture’ et à moi ‘Rentre chez toi’». Mais le diplomate bahreïni a refusé d'obtempérer et les assaillants ont tiré sur sa voiture. Le chargé d'affaires qui a démarré en trombe s'est arrêté plus loin devant un policier et a crié: «Je suis un diplomate. Aidez-moi !». Les agresseurs ont pris la fuite et une patrouille a par la suite conduit le fonctionnaire bahreïni à l'hôpital où il a été soigné pour une blessure à l'épaule.
Isoler le gouvernement Jaafari
Dans le même secteur, l'ambassadeur du Pakistan en Irak, Younis Khan, est lui aussi sorti indemne d'une attaque contre son convoi. Ses gardes du corps ont riposté à leurs assaillants qui avaient ouvert le feu sur la voiture où se trouvait le diplomate. Les autorités d’Islamabad ont décidé son transfert à Amman en attendant une amélioration de la situation sécuritaire en Irak. Dimanche, c’est le véhicule blindé de l'ambassadeur de Russie à Bagdad, Vladimir Chamov, qui a été attaqué sur la route de l'aéroport. Le diplomate ne s’y trouvait pas mais les deux occupants ont été blessés. Pas moins de trente impacts de balles ont été relevés sur la voiture. Enfin, non loin de l’ambassade d’Iran, une bombe a explosé au passage d’un convoi de gardes de sécurité américains, blessant un civil. Et même si rien n’indique que la représentation diplomatique était bien visée, l’incident n’est pas anodin.
Quoi qu’il en soit, la multiplication, ces derniers jours, des attaques contre des diplomates étrangers semble indiquer une volonté de la guérilla irakienne d’isoler le gouvernement du chiite Ibrahim al-Jaafari, qui avait pourtant largement été soutenu par la communauté internationale, lors de la dernière conférence sur l’Irak, organisée le 22 juin à Bruxelles. Réagissant à l’enlèvement du chef de la mission égyptienne, les autorités irakiennes ont ainsi reconnu que les insurgés tentaient par tous les moyens d’instaurer la peur chez les ressortissants étrangers. «Pour nous, le rapt du diplomate égyptien n’est pas surprenant. C’est une tentative de faire régner la peur dans le reste des représentations diplomatiques afin qu’elles ne soient pas élevées au niveau d’ambassade», a notamment déclaré le porte-parole du Premier ministre, Laith Koubba. Les insurgés «enlèvent et attaquent les ambassadeurs, ils sabotent le réseau de distribution d’eau pour démontrer que le gouvernement est incapable», a-t-il expliqué.
Car si depuis la chute du régime de Saddam Hussein, les convois diplomatiques des pays ayant participé à la guerre étaient principalement visés, comme ce fut notamment le cas pour l’Italie, la Grande-Bretagne ou l’Espagne, ce sont désormais les Etats qui s’étaient opposés à l’invasion de l’Irak et qui n’ont aucune présence militaire dans le pays qui sont visés. Comme si la guérilla faisait de l’isolement du gouvernement irakien dirigé par le chiite al-Jaafari, qui tire principalement sa légitimité de ses relations avec le monde extérieure, une de ses nouvelles priorités.
par Mounia Daoudi
Article publié le 06/07/2005 Dernière mise à jour le 19/07/2005 à 11:19 TU