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Irak

Les justifications du président Bush

George W. Bush a tenté de convaincre les Américains du bien fondé de la guerre en Irak au cours d'un discours prononcé à une heure de grande écoute.(Photo: AFP)
George W. Bush a tenté de convaincre les Américains du bien fondé de la guerre en Irak au cours d'un discours prononcé à une heure de grande écoute.
(Photo: AFP)
Point d’orgue de la campagne de communication lancée il y a quelques jours par la Maison Blanche, le discours de George Bush devant quelque 700 soldats de la base de Fort Bragg, en Caroline du Nord, devait avant tout rassurer l’opinion publique de plus en plus critique sur la stratégie menée en Irak. Mais si le président n’a rien perdu de sa verve, il a peiné à trouver de nouveaux arguments pour justifier la guerre, multipliant les références aux attentats du 11 septembre alors qu’aucun lien entre Saddam Hussein et Oussama Ben Laden n’a jamais pu être établi.

La date était symbolique et le lieu tout autant. Un an jour pour jour après le transfert de souveraineté aux Irakiens, George Bush a en effet tenu à s’adresser, à une heure de grande écoute, à ses concitoyens pour les rassurer alors que les nouvelles en provenance d’Irak apportent chaque jour leur lot de violences. «Comme la plupart des Américains, je vois les images de violence et de sang. Chaque image est horrible et la souffrance est réelle. Devant toute cette violence, je sais que les Américains se pose la question : le sacrifice en vaut-il la peine ? Cela en vaut la peine et c’est vital pour la sécurité future de notre pays», a-t-il déclaré devant quelque 700 soldats de l’énorme base de Fort Bragg, en Caroline du Nord, qui a déjà payé un lourd tribut à la guerre en Irak. Pour la première fois, le président américain a reconnu que la situation sur le terrain était difficile, contredisant son vice-président Dick Cheney qui, il y a quelques jours encore, affirmait que l’insurrection irakienne vivait «les derniers soubresauts de l’agonie». Il a ainsi accordé que les progrès effectués étaient «inégaux», laissant entendre que le plus dur restait sans doute à venir. «Nous avons encore davantage de travail à faire et il y aura des moments difficiles qui mettront la détermination des Etats-Unis à l’épreuve», a notamment souligné le locataire de la Maison Blanche.

Mais malgré toutes ces difficultés, pas question pour George Bush de baisser les bras et donc de fixer une échéance pour le retrait des troupes américaines d’Irak. «Fixer un calendrier artificiel enverrait le mauvais message aux Irakiens qui doivent savoir que les Etats-Unis ne partiront pas sans avoir achevé leur tâche. Cela enverrait le mauvais message à l’ennemi qui saurait dès lors qu’il n’a plus qu’à attendre notre départ», a-t-il insisté avant d’asséner l’argument ultime qui fait appel au sentiment patriotique de ses concitoyens : «Cela enverrait le mauvais message à nos troupes qui ont besoin de savoir que nous sommes sérieux dans notre volonté d’achever la mission pour laquelle elles risquent leur vie». Et si le président Bush a insisté sur le fait que les Américains ne quitteraient pas l’Irak avant d’avoir terminé le travail, il a également laissé entendre qu’il n’enverrait pas de nouvelles troupes en Irak où sont déjà déployés plus de 130 000 hommes. «Envoyer davantage d’Américains saperait notre stratégie visant à encourager les Irakiens à prendre la tête de cette bataille», a-t-il justifié faisant valoir que plus de 160 000 soldats irakiens avaient été formés jusqu’à présent même si, a-t-il reconnu, ces derniers «se trouvaient à différents niveaux de préparation». Une information immédiatement contestée par le sénateur démocrate Joseph Biden pour qui seuls 2 000 Irakiens sont à ce jour complètement formés.

Cinq références aux attentats du 11 septembre

Le discours de Fort Bragg intervient alors que la cote de popularité de George Bush est au plus bas. Une enquête publiée conjointement lundi par le chaîne de télévision ABC et le quotidien Washington Post a notamment révélé que, pour la première fois, plus d'un Américain sur deux estime que le président américain a «intentionnellement trompé» l'opinion sur les raisons d'entrer en guerre. Et pour 57% d'entre eux –un chiffre record– l'administration Bush a exagéré les arguments selon lesquels le régime de Saddam Hussein possédait des armes de destruction massive. Pour la première fois également, la moitié des Américains pensent que la guerre en Irak ne s’inscrit pas dans le contexte de «la guerre globale contre le terrorisme», engagée après les attentats du 11 septembre. Il y a encore trois mois, ils étaient 60% à croire encore, malgré les dénégations de la commission d’enquête indépendante sur ces attaques, que le régime de Bagdad avait soutenu la nébuleuse terroriste al-Qaïda.

Et pourtant, malgré cette perte de crédibilité auprès de ses concitoyens, George Bush n’a pas dévié d’un pouce de sa rhétorique sur la guerre contre le terrorisme. Il a en effet mentionné à cinq reprises les attentats du 11 septembre pour justifier sa stratégie en Irak, allant jusqu’à citer l’ennemi public numéro 1 des Etats-Unis, Oussama Ben Laden. Il a notamment rappelé que le chef d’al-Qaïda avait, en parlant de l’Irak, affirmé qu’une «troisième guerre mondiale faisait rage» et que «le monde entier observait cette guerre qui se terminera dans la victoire et la gloire ou le malheur et l’humiliation». Et la preuve que l’Irak est bien «un front central de la guerre contre le terrorisme», le président Bush l’a brandie en rappelant que les troupes américaines avaient capturé au cours de leurs opérations des centaines de combattants étrangers venus d’Arabie Saoudite, de Syrie, d’Iran, d’Egypte, du Soudan, du Yémen et de la Libye. «Nous combattons des hommes animés d’une haine aveugle, équipés d’armes meurtrières, qui sont capables de toutes atrocités. Ils essaient d’ébranler notre volonté en Irak, tout comme ils ont essayé d’ébranler notre volonté le 11 septembre 2001», a-t-il insisté.

George Bush a-t-il convaincu les Américains ? Rien n’est moins sûr. L’opposition démocrate a en tous cas tiré à boulets rouges sur les arguments développés par le chef de la Maison Blanche. «Les nombreuses références du président au 11 septembre ne fournissent pas de voie à suivre, elles n’ont fait que rappeler aux Américains que notre ennemi le plus dangereux, Oussama Ben Laden, est toujours en fuite et qu’al-Qaïda reste capable d’infliger de grands maux à ce pays», a asséné le chef de file des démocrate au Sénat, Harry Reid. Selon lui, la population a le sentiment croissant que la politique menée en Irak va à la dérive et qu’elle est déconnectée de la réalité sur le terrain. «Maintenir le cap ainsi que le prône le président n’est ni viable, ni susceptible de nous conduire au succès que nous recherchons tous», a-t-il ajouté. Le fait que George Bush ait mentionné à cinq reprises les attentats qui ont ébranlé l’Amérique n’a fait que «souligner la faiblesse de ses arguments», a renchéri son homologue à la Chambre des représentants, Nancy Pelosi.


par Mounia  Daoudi

Article publié le 29/06/2005 Dernière mise à jour le 29/06/2005 à 12:35 TU