Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Congo

Les séquelles de la guerre de 1997

Chaque quartier de la capitale congolaise a son héritage de la guerre.Photo : AFP
Chaque quartier de la capitale congolaise a son héritage de la guerre.
Photo : AFP
La guerre civile de 1997 –qui a entraîné la chute du président Pascal Lissouba, aujourd’hui en exil– est encore dans les mémoires des habitants de Brazzaville, le principal théâtre des affrontements. Ce conflit qui a duré cinq mois a brisé, directement ou indirectement, la vie de plusieurs centaines de milliers de Congolais. N’ayant pas été dédommagés, ils sont réduits, pour la plupart, à la misère.

De notre envoyé spécial à Brazzaville

Chaque quartier de la capitale congolaise a son héritage de la guerre, qui a opposé les Cobras, la milice du général Denis Sassou N’Guesso –alors rebelle– aux Cocoyes de Pascal Lissouba, président de la République à l’époque, associés aux Ninjas, dirigés par son Premier ministre Bernard Kolélas. Par exemple, à Mpila –dans le nord de Brazzaville–, le fief de Denis Sassou N’Guesso, un char est hissé sur un piédestal au grand carrefour, situé à quelques encablures de la résidence privée de l’actuel chef de l’État.

A Bacongo, dans le sud de la capitale, l’ex-bastion des Ninjas, des maisons incendiées ou détruites à plus de 80% rappellent que les combats ont été d’une rare violence. Parmi ces habitations en ruine, celle de Claudine Gongo, située au milieu d’une parcelle entourée de vieilles tôles rouillées. La quadragénaire, vêtue d’un grand tee-shirt vert délavé et d’un pagne bleu recouvert de crasse, se dirige, sans chaussures, vers la porte faite de bois vermoulu. Elle l’ouvre, en retirant simplement le morceau de bois qui la soutient. «Regardez ici : çà, c’est la guerre», dit–elle, en montrant de l’index droit, la toiture de ce qui reste de sa maison, partiellement brûlée au cours de la guerre.

Sept personnes dorment dans une pièce de 4 m²

Il s’agit d’un petit appartement en briques. Les murs des deux pièces qui le constituent sont crépis par endroits. Les toits sont ornés de gros trous. «Ce sont des impacts des balles tirées sur ma maison par des combattants», souligne Claudine Gongo, les yeux embués de larmes. Dans la pièce qui tient lieu de salon, il n’y a aucun meuble. «Toutes nos belles chaises, tables et armoires ont été pillées pendant la guerre ; celles qui étaient moins belles ont été purement et simplement calcinées par des miliciens», explique-t-elle, en se baissant pour se servir une assiette d’eau. Seuls les bidons jaunes, remplis d’eau, rappellent ici, la présence humaine. La chambre n’est pas plus confortable. Elle, aussi, ne paie pas de mine.

Dans cette pièce exiguë de 4 m², deux lits en bois sont disposés. Ils sont recouverts de draps faits de tissus d’un blanc terni par la saleté. «Sur le lit qui est à gauche, je me couche avec trois de mes enfants ; ma mère, âgée de 70 ans, et deux autres de mes enfants partagent l’autre lit», déclare Claudine Gongo. Ses deux premiers enfants dorment à même le sol au salon.

Depuis la mort de son mari, tué au village en 1997 pendant la guerre par les Ninjas, cette femme est le chef d’une famille de neuf membres (ses sept enfants dont une fille, sa mère et elle-même). «Ma fille aînée, âgée de 16 ans et demi, apprend la couture chez une amie ; mon fils, âgé de 15 ans, n’a pas pu trouver un job», note Claudine Gongo. Et d’ajouter, en réunissant toute sa progéniture autour d’elle : «C’est moi qui m’occupe de tout ce beau monde ; je souffre beaucoup ».

Les neuf membres de la famille vivent avec moins de deux euros par jour

Seuls deux de ses enfants sont inscrits à l’école. Et ils n’y vont pas régulièrement. «Quand ils prennent du thé, le matin, ils ont la force pour aller aux cours ; mais quand je n’ai pas d’argent pour le petit déjeuner, ils restent à la maison avec les autres enfants », explique-t-elle. Les cinq autres enfants ne vont pas à l’école, faute d’argent. Leur mère n’a pu leur payer les frais de scolarité. Pour elle, l’école est loin d’être la priorité. «Donner, chaque jour, à manger à ma famille, c’est le plus important», souligne-t-elle. Et pour y arriver, Claudine Gongo travaille dur. Six jours par semaine, le dimanche étant réservé à la prière, elle doit se rendre au marché «Total», le plus grand marché de Bacongo, pour vendre du Chikouang, le pain de manioc. Ce petit commerce est sa seule source de revenus.

Sa journée de travail commence à 5h30. Avec l’aide de sa mère, Claudine Gongo fabrique, de manière artisanale, du pain de manioc. A 11 heures, elle porte sur sa tête une grande cuvette de chicouang. Direction : le marché. Jusqu’à 19 heures, elle essaie, tant bien que mal, d’écouler sa marchandise. En fin de journée, lorsque tout se passe bien, elle gagne à peu près 1 100 F CFA, soit moins de deux euros. Une somme bien dérisoire pour entretenir une famille de neuf membres dans un pays où le coût de la vie ne cesse de grimper.


par Gervais  Nitcheu

Article publié le 31/07/2005 Dernière mise à jour le 31/07/2005 à 13:05 TU