ONU
Deux responsables onusiens accusés de corruption
(Photo : AFP)
De notre correspondant à New York
Le rapport est dévastateur. Selon l'enquête de Paul Volcker, le patron du programme pétrole contre nourriture, Benon Sevan, a reçu près de 150 000 dollars de pots-de-vin, selon un procédé connu des enquêteurs. Il aurait réclamé auprès des autorités irakiennes des bons d'achat de pétrole pour le compte d'une compagnie appelée African Middle East Petroleum, pour laquelle travaillaient deux hommes d'affaire égyptiens, Fred Nadler et Fakhry Abdelnour, qui sont le beau-frère et le cousin de l'ancien secrétaire général de l'ONU Boutros Boutros Ghali. Une partie des bénéfices de la vente de ce pétrole aurait été déposée sur un compte en suisse. Fred Nadler a effectué des retraits importants sur ce compte, qui semblent correspondre, par les montants et les périodes, à d'importantes sommes en liquide déposées sur les comptes en banque de Benon Sevan et de son épouse. Les enquêteurs affirment qu'en dépit d'importants revenus, le couple Sevan vivait au dessus de ses moyens, et qu'il n'a retrouvé un équilibre financier qu'au moment où les transactions pétrolières suspectes ont eu lieu.
Benon Sevan, qui clame son innocence et affirme être le bouc émissaire d'un scandale monté en épingle par les ennemis de l'ONU, affirme que ces sommes sont en fait des cadeaux en liquide offerts par une vieille tante Chypriote. Une tante qui selon les enquêteurs vivait très modestement et dont les voyages à New York ne correspondent pas aux dates auxquelles les dépôts en liquide ont été effectués. A la veille de la publication du rapport rédigé par l'ancien patron de la FED, Paul Volcker, Benon Sevan a démissionné du poste symbolique qu'il occupait toujours à l'ONU. « Je comprends tout à fait que tu sois sous pression, et que certains essaient de détruire ta réputation en même temps que la mienne, mais ce n'est pas en me sacrifiant pour des raisons politiques que tu feras taire nos critiques » a écrit Benon Sevan dans une lettre amère à Kofi Annan. Avant de démissionner -quelques heures avant d'être sanctionné par l'ONU- et de perdre ainsi son immunité diplomatique, Benon Sevan a quitté les Etats-Unis pour Chypre dont il est originaire, et qui n'extrade pas ses ressortissants vers les Etats-Unis. La justice américaine s'intéresse toutefois à son dossier et pourrait selon la commission Volcker l'inculper.
Yakovlev plaide coupable
Un autre officiel onusien, Alexander Yakovlev est également accusé d'avoir tenté d'obtenir un dessous de table d'une compagnie suisse, la SGS, qui concourrait pour l'obtention d'un marché dans le cadre du programme humanitaire irakien. Il aurait agi avec la complicité d'un homme d'affaires français, un certain Yves Pintore, mais vraisemblablement sans parvenir à ses fins. Hors de ce programme, mais toujours dans le cadre de ses activités à l'ONU où il supervisait des passations de marché, le fonctionnaire onusien de nationalité russe aurait touché pour près d'un million de dollars de pots-de-vin. Dès la parution du rapport, l'ONU a levé son immunité diplomatique et il a été détenu par les autorités américaines. Il a plaidé coupable des charges retenues contre lui et a été libéré sous caution.
Avant la guerre, le programme pétrole contre nourriture autorisait l'Irak sous embargo à vendre du brut en échange de biens humanitaires sous le contrôle de l'ONU. A la suite d'accusations de fraude massive émanant principalement des cercles de la droite américaine, Kofi Annan a demandé à l'ancien patron de la réserve fédérale américaine, Paul Volcker, d'enquêter sur tous les aspects du programme. Ses premiers rapports avaient déjà révélé un comportement inapproprié de la part de Benon Sevan, mais aussi de Kojo Annan, le fils de Kofi Annan, qui était employé par une compagnie suisse, la Cotecna, qui bénéficiait du programme onusien. Kofi Annan avait été exonéré de l'accusation selon laquelle il aurait aidé la Cotecna à obtenir le marché, mais son implication dans le dossier et ce qu'il savait à l'époque fait toujours l'objet d'investigations des enquêteurs. Le rôle d'autres entreprises et de personnalités internationales, y compris françaises, fera l'objet d'un prochain rapport.
par Philippe Bolopion
Article publié le 09/08/2005 Dernière mise à jour le 09/08/2005 à 11:29 TU