Burkina Faso
Crise alimentaire : encore quelques inquiétudes dans le nord
(Photo: AFP)
De notre correspondant à Ouagadougou
Officiellement, la campagne agricole passée, 2004/2005, s’est soldée par un excédent de plus de 400 000 tonnes de vivres. Mais cet excédent cache d’énormes disparités. En effet, sur les 45 provinces que compte le pays, seule une quinzaine d’entre elles ont pu dégager des surplus agricoles. Les autres ont enregistré des déficits très prononcés dans les régions du nord du pays particulièrement frappées par une insuffisance des pluies et une invasion des criquets pèlerins au cours de la saison dernière.
Et comme un malheur n’arrive jamais seul, les premières pluies tombées cette année ont provoqué des inondations qui ont coupé certaines zones du nord du reste du pays. Conséquences : les récoltes de maïs dans le sud et à l’ouest, les zones les plus arrosées, ne profitent pas pour l’instant aux populations de la région nord. Celles-ci devraient donc encore patienter jusqu’à leurs propres récoltes. En attendant, les marchés sont très peu fournis. C’est le cas de Déou, un département situé dans l’extrême nord à la frontière avec le Mali.
Dans cette localité, les populations ont perdu l’année dernière la quasi-totalité des récoltes attendues à cause des criquets pèlerins. Très enclavé, à plus de 400 Km de piste de Ouagadougou, Déou semble abandonné par les marchands de céréales. « Le vrai problème, c’est le transport. Le mauvais état de la route n’encourage pas les transporteurs à s’aventurer ici. Lorsque tu parles de Déou, les camionneurs hésitent. Il faut donc beaucoup démarcher avant qu’on embarque ton mil », explique Amadou Sambo, président du comité de gestion du terroir villageois de Déou. « Le bétail qu’on a l’habitude de vendre pour s’acheter des vivres était amaigri par le manque d’eau et le manque de fourrage. Au marché, personne n’en voulait », fait remarquer un vieux du village venu spontanément exprimer ses préoccupations. « C’est grâce à l’aide du gouvernement que nous avons survécu dans ce village. Sinon, vous n’auriez pas trouvé tout ce monde que vous voyez ici aujourd’hui», ajoute Sambo.
En effet, à Déou, une partie de la population a eu droit à des distributions gratuites de céréales tandis que ceux qui ont justifié d’un certain niveau de revenus ont néanmoins bénéficié d’un prix social proposé par le gouvernement. A Dori, le chef-lieu de la région du Sahel, il y a des céréales sur le marché. Le sac de 100 kg de mil, aliment de base des populations de la région, est à 23 500 francs CFA. Il y a quelques mois, le même sac se vendait plus de 30 000 francs. Lundi dernier, le ministre de l’Agriculture, Salif Diallo, s’est rendu en personne sur les marchés pour négocier avec les commerçants une baisse des prix proposés aux consommateurs. «Il ne faut pas spéculer sur le ventre du peuple», a plaidé Salif Diallo qui a menacé de casser les prix en mettant sur le marché les stocks de sécurité du gouvernement si jamais les prix grimpaient à nouveau.
Des fonctionnaires corrompusDans l’Oudalan, la province la plus affectée par la crise alimentaire au Burkina, le haut commissaire, premier responsable administratif, et un groupe de préfets se seraient livrés à des détournements de vivres destinés à titre gracieux aux populations en difficulté. Ils auraient soustrait d’importantes quantités sur les stocks et qui se seraient retrouvées sur les marchés. On parle d’environ 187 tonnes. Le gouvernement qui dit avoir diligenté une enquête a d’abord relevé ces fonctionnaires de leurs postes avant de les poursuivre en justice. Lundi dernier au cours d’un meeting d’explication à Gorom-Gorom, chef-lieu de la province d’Oudalan, le ministre de l’Agriculture a annoncé l’arrestation de tous ceux qui ont trempé dans cette affaire. Il a aussi offert aux populations, au nom du gouvernement, l’équivalent des quantités de vivres qui auraient été détournées.
Pour l’ensemble du pays, l’aide alimentaire apportée aux populations en difficulté est estimée à plus de 33 000 tonnes dont 14 878 tonnes fournies par le gouvernement et 18 235 par des ONG et par quelques bonnes volontés nationales. Alizèta Ouédraogo surnommée Alizet Gando, femme d’affaires burkinabè, propriétaire d’usines a fait don 600 tonnes de céréales aux populations des régions les plus affectées par la crise. Selon le ministre Salif Diallo, le gouvernement va maintenir ses efforts en procédant à de nouvelles distributions de vivres pour permettre aux populations démunies d’atteindre les prochaines récoltes prévues dans près de deux mois.
par Alpha Barry
Article publié le 11/08/2005 Dernière mise à jour le 11/08/2005 à 15:40 TU