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Niger

Famine: des dizaines de milliers d’enfants menacés

Le centre de renutrition intensive de Dakoro a ouvert début mai 2005. Les enfants y arrivent de plus en plus nombreux et de plus en plus faibles. (Photo: Donaig Ledu/RFI)
Le centre de renutrition intensive de Dakoro a ouvert début mai 2005. Les enfants y arrivent de plus en plus nombreux et de plus en plus faibles.
(Photo: Donaig Ledu/RFI)
Sécheresse, invasions acridiennes: la saison des pluies 2004 a été très mauvaise dans le Sahel. Au Niger, on estime que 3,6 millions de personnes, soit près du tiers de la population, sont menacées par la crise alimentaire. Au mois de mai, les Nations unies ont lancé un appel urgent: il faut 16 millions de dollars pour faire face. Premières victimes de cette «catastrophe silencieuse»: les enfants de moins de cinq ans. 50 à 150 000 d’entre eux risquent de tomber dans la malnutrition sévère d’ici à la fin de la période de soudure, c’est-à-dire d’ici au mois d’octobre.

De notre envoyée spéciale au Niger

Haoua, deux ans et 3,5 kg.
(Photo: Donaig Ledu/RFI)
Lorsque la petite Haoua arrive, inconsciente, au Centre de renutrition intensive (Creni) de Médecins sans frontières (MSF) à Maradi, personne n’e pense qu’elle pourra survivre. Deux jours plus tard, elle a recommence à pleurer. Sa grand-mère veille sur elle, jour et nuit. Elle le sait bien, qu’elle a trop attendu. L’enfant est malade depuis longtemps: des crises de paludisme, des diarrhées à répétition… Pour l’emmener au dispensaire, il fallait de l’argent, et il n’y en avait pas à la maison. La petite fille s’est affaiblie peu à peu. Alors, en désespoir de cause, la grand-mère a pris un crédit de 1 000 francs CFA (1,5 euros) pour payer le taxi-brousse jusqu’à Maradi. Grâce à elle, Haoua sera peut être sauvée.

La maman d'Hadiza, dix mois, a déjà eu six enfants avant ses trente ans. Trois restent en vie.
(Photo: Donaig Ledu/RFI)

Le Creni de Médecins sans frontières à Maradi a ouvert ses portes en 2001. Même lorsque les récoltes sont bonnes, la malnutrition touche des milliers d’enfants nigériens chaque année à cause de la pauvreté, des grossesses rapprochées, d’un régime alimentaire carencé, d’un manque d’accès aux soins. Mais au début du mois d’avril 2005, les équipes de Médecins sans frontières ont tiré la sonnette d’alarme: le nombre d’admissions, à Maradi, avait doublé par rapport aux années précédentes. MSF a ouvert en urgence trois nouveaux centres, à Dakoro, Keita et Tahoua. Au total, entre janvier et juin, 6 000 enfants ont été pris en charge.

Ces enfants souffrent de malnutrition sévère, c’est à dire qu’ils sont en danger de mort s’ils ne reçoivent pas rapidement les soins appropriés. Et les enquêtes nutritionnelles montrent que, dans des villages des régions de Maradi et Tahoua, un enfant sur cinq est malnutri. Sans assistance, ces enfants risquent de basculer, très vite dans la malnutrition sévère.

Encore quatre mois avant la récolte

A Tibiri, près de Maradi, les enfants sont pesés, mesurés et examinés par une infirmière.
(Photo: Donaig Ledu/RFI)
Et pour que le pire arrive, il suffit parfois d’une crise de paludisme ou d’une diarrhée. «Quand un enfant tombe malade, raconte Mme Adamou, adjointe au maire de Keita, ceux qui le peuvent vendent leurs poules pour payer le dispensaire. Ceux qui n’ont rien restent là, ils regardent leurs enfants. S’ils guérissent, c’est dieu qui les a guéri. Parce que si l’on emmène un enfant au dispensaire et que l’on n’a pas d’argent, on ne va pas te soigner l’enfant…». Dans les centres de santé, les soins sont payants, en vertu du système dit de «recouvrement des coûts», pratiqué dans les formations sanitaires. Et cette année, en période de crise alimentaire sévère, il faut souvent choisir. Beaucoup de greniers à mil sont vides. Les maigres ressources sont utilisées en priorité pour nourrir la famille. Le prix des céréales a grimpé, à mesure que baissait le cours du bétail sur le marché.

On donne aux mamans des conseils pour le suivi de leurs enfants.
(Photo: Donaig Ledu/RFI)

Pour faire face à l’urgence, le Niger centralise les efforts nationaux et ceux des bailleurs de fonds, au travers de son dispositif national de prévention et de gestion des crises alimentaires. Chaque année, à la fin de la saison agricole, des évaluations sont faites. Et des ventes de céréales subventionnées, dites «à prix modérés», ou des opérations «travail contre nourriture» sont organisées dans les villages les plus touchés. Cette année, les autorités estiment que 3,6 millions de personnes sont en zone «à risque». Le plan d’urgence prévoit de couvrir 30 à 40% des besoins. C’est insuffisant. Mais les financements se font attendre.

Cet enfant sera peut-être sauvé.
(Photo: Donaig Ledu/RFI)

Le 28 mai, lors de sa déclaration de politique générale, le Premier ministre Hama Amadou a lancé un appel «angoissé» à la communauté internationale, pour une aide alimentaire d’urgence. «Nous avons encore devant nous quatre longs mois avant la récolte», constate le docteur Isselmou Ould Boukhary, responsable des programmes de l’Unicef à Niamey.

Souvent, les enfants récupèrent de manière spectaculaire...
(Photo: Donaig Ledu/RFI)

Quatre longs mois au cours desquels il va pleuvoir. La pluie, pour les paysans et les éleveurs, c’est une bénédiction. L’assurance de la survie pour l’année à venir. Mais c’est aussi la période des épidémies de paludisme et de diarrhées, si dangereuses pour des enfants déjà affaiblis.


par Donaig  Ledu

Article publié le 08/06/2005 Dernière mise à jour le 08/06/2005 à 16:57 TU

Réalisation multimédia : Marc Verney/RFI

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Donaig Ledu

Journaliste à RFI

«Le Niger est un pays d'une très grande pauvreté.»

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