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Niger

La contestation s’amplifie

Dans les grandes villes, la plupart des établissements scolaires sont restés fermés le jeudi 31 mars.(Photo : AFP)
Dans les grandes villes, la plupart des établissements scolaires sont restés fermés le jeudi 31 mars.
(Photo : AFP)
Le bras de fer se poursuit entre la Coalition contre la vie chère et le gouvernement. De nombreux dirigeants du mouvement accusés de « complot contre la sûreté de l’Etat » sont écroués à Niamey mais le mouvement de protestation ne faiblit pas et gagne les principales villes de province.

Contrairement aux déclarations officielles du gouvernement nigérien sur le très faible suivi du mouvement de grève, de nombreux observateurs ont plutôt noté la montée en puissance de la contestation. La Coalition contre la vie chère, qui regroupe une trentaine d’associations, ne démord pas de ses revendications et continue la mobilisation à travers des réunions publiques. Ses mots d’ordre sont relayés par la presse privée contre laquelle le gouvernement nigérien a proféré des menaces d’interdiction d’émettre ou de paraître. Ces menaces ont été mises à exécution avec l’arrestation de plusieurs dirigeants du mouvement dont Moussa Tchangari, membre de la coalition et propriétaire de la radio Alternative fermée le 29 mars dernier. 

Par solidarité, une dizaine de radios privées à travers le pays ont observé une grève de plusieurs heures en suspendant la diffusion de toutes leurs émissions. L’Association des promoteurs des radios privées du Niger (APRPN), l’Association nigérienne des éditeurs de la presse indépendante (ANEPI) et l’Association des radios et télévisions indépendantes (ARTI) ont décidé de mener des actions communes et concertées pour condamner les intimidations lancées sur les antennes nationales par le ministre de l’Intérieur. « La semaine prochaine, chaque journal privé va publier une page blanche en guise de protestation contre les menaces faites aux médias privés », ont annoncé, dans un communiqué commun, les trois associations.

Le mécontentement s’étend à la province

Le gouvernement nigérien en utilisant la manière forte, provoque l’effet inverse de ce qu’il souhaitait. Les associations de journalistes profitent de la journée « ville morte » pour exprimer leur indignation et participent ainsi à la journée de mécontentement national. Les associations de consommateurs qui, au départ s’élevaient contre l’instauration d’une taxe sur la valeur ajoutée (TVA), ont trouvé des relais auprès des syndicats de travailleurs, d’enseignants et auprès des commerçants. Le mécontentement gagne pratiquement tous les secteurs d’activité et la Coalition contre la vie chère a mis au point une coordination pour que les principales villes du Niger s’impliquent autant que la capitale dans le respect des mots d’ordre.

A Maradi, capitale économique de l’est du Niger, non seulement le mot d’ordre de grève générale a été respecté, mais de jeunes manifestants ont pris d’assaut les rues de la  ville en brûlant des pneus. A Zinder (est), la deuxième ville du pays, la grève a été largement suivie et des jeunes qui tentaient de manifester ont été dispersés par les forces de l’ordre. A Dosso, dans le sud-ouest, une radio privée locale annonce un mouvement très « suivi » qui aurait conduit l’administration et les commerces à garder leurs portes fermées. A Tahoua et à Agadez, dans le nord, le mouvement aurait été mieux suivi que lors de la première journée du 22 mars. Les marchés, les établissements scolaires et l’administration sont restés fermés. A Tahoua, la police a dû faire usage de grenades lacrymogènes pour disperser des manifestants. Il y aurait également quelques arrestations.

Malgré cette généralisation du mouvement, le gouvernement nigérien soutient que le mouvement reste marginal. « Tout cela est le fruit d’un travail de sensibilisation entrepris par le gouvernement (…) Les gens reviennent à la raison et prennent du recul par rapport aux idées véhiculées par la coalition », a déclaré le porte-parole du gouvernement, Mohamed Ben Omar. Il annonce également que les autorités étudient « des mesures d’accompagnement en vue d’alléger les souffrances des populations ». Autrement dit, le gouvernement nigérien n’entend pas revenir sur la loi de finances 2005 qui instaure la TVA. Par ailleurs, le gouvernement se dit « ouvert au dialogue », mais les associations et organisations sociales posent un préalable à toute discussion : la libération des cinq dirigeants de la Coalition contre la vie chère, poursuivis pour « complot contre la sûreté de l’Etat » et renouvellent leur mot d’ordre pour une autre journée de grève générale, le 5 avril prochain.                  


par Didier  Samson

Article publié le 01/04/2005 Dernière mise à jour le 01/04/2005 à 18:06 TU