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La réforme du Conseil de sécurité en panne
(Photo: ONU)
De notre correspondant à New York (Nations unies)
C'est un aveu d'échec. Jusqu'à maintenant, Kofi Annan poussait les Etats-membres à élargir le Conseil de sécurité de l'ONU avant le sommet des chefs d'Etat de septembre, qui doit rassembler à New York un nombre record de dirigeants de la planète. A moins d'un an et demi de la fin de son mandat, entaché par l'affaire pétrole contre nourriture, Kofi Annan voulait par cette réforme redorer son blason et laisser sa marque sur l'organisation. Mais il a dû se résigner. «Si (les pays) ne sont pas capables de résoudre la question avant le sommet, le projet ne mourra pas pour autant. Ils devront poursuivre leurs efforts et, je l'espère, trouver une solution avant que nous partions en vacances à Noël» a-t-il déclaré. En repoussant de trois mois la date butoir qu'il avait lui-même fixé, le secrétaire général de l'ONU prend acte des profondes divisions qui bloquent la communauté internationale sur cet épineux dossier. Il sait aussi que cela revient sans doute à remettre le projet aux calendes grecques.
Au cours de l'été, le G4, composé de l'Allemagne, du Japon, de l'Inde et du Brésil a été tout proche d'obtenir 6 nouveaux sièges permanents au Conseil de sécurité, un pour chacun des pays du G4 plus deux réservés à l'Afrique. Le projet prévoyait de faire passer le conseil de 15 à 25 membres au total. Parmi les 11 permanents, seuls les cinq actuels (la France, les Etats-Unis, la Grande Bretagne, la Chine et la Russie) auraient bénéficié du droit de veto. Pour faire passer une telle réforme, il faut obtenir les deux tiers des voix des 191 membres de l'assemblée générale de l'ONU. Deux tiers des pays doivent ensuite ratifier la réforme, qui ne peut pas voir le jour tant que les cinq membres permanents du Conseil de sécurité n'ont pas ratifié. Les rêves de grandeur du G4 se sont heurtés à un mur, auprès d'une Union africaine divisée, qui persiste à exiger pour les nouveaux membres permanents un droit de veto qu'elle n'obtiendra jamais -les cinq permanents ne l'accepteraient pas, pas plus que de nombreux pays à l'assemblée générale qui voient dans le droit de veto une anomalie et une injustice historique qu'il faut corriger.
Sans les 53 voix de l'Union africaine, la réforme du G4 n'a aucune chance de passer
«En optant pour le tout ou rien, les pays africains n'auront probablement rien», déplore un diplomate du G4, qui est parti en vacances après l'annonce de l'Union africaine à Addis-Abeba qu'elle s'accrochait au droit de veto et refusait de se joindre au G4. «Certains pays africains comme l'Algérie jouent un double jeu, poursuit-il. Ils prétendent vouloir un droit de veto pour les nouveaux permanents, mais c'est pour bloquer la réforme, dans l'espoir qu'ils pourront prétendre à un siège permanent dans une dizaine d'année. Mais si demain ce droit de veto était accordé à l'Afrique du sud, au Nigeria ou à l'Egypte, ils seraient les premiers à s'arracher les cheveux». Sans les 53 voix de l'Union africaine, la réforme du G4 n'a aucune chance de passer. Après des négociations longues et infructueuses, l'Allemagne, le Japon, l'Inde et le Brésil n'ont d'autre choix que d'attendre que l'Union africaine change de position, ou au moins, comme le dit le diplomate du G4, «tombent d'accord sur leur désaccord et renonce à afficher sur ce dossier une position régionale». Les rivalités entre pays voisins rendent tout consensus régional impossible: l'Italie et l'Espagne s'opposent au siège de l'Allemagne, le Pakistan à celui de l'Inde, la Chine à celui du Japon, le Mexique à celui du Brésil...
Il reste en lice plusieurs autres projets de réforme du Conseil de sécurité: celui des pays «unis pour le consensus», menés par l'Italie et qui proposent d'élargir le Conseil de sécurité avec seulement des sièges «semi-permanents», pour lesquels un même pays pourrait être élu à plusieurs reprises. Les Etats-Unis font campagne pour une réforme plus modeste, qui ferait passer le Conseil de sécurité à une vingtaine de membres, avec seulement un ou deux nouveaux membres permanents (dont le Japon). Le président de l'assemblée générale de l'ONU, le ministre des Affaires étrangères gabonais Jean Ping, pourrait également déposer une proposition. Mais à l'heure actuelle, tant que l'Afrique affiche une position intransigeante, aucun de ces projets n'a de chances réelles de succès -ce qui contente les nombreux partisans du statu quo, dont la Chine qui a déployé des efforts énergiques pour bloquer les ambitions du G4 et surtout celles du Japon et qui pourrait utiliser ce qui revient à un droit de veto pour annihiler tout vote de l'assemblée générale de l'ONU sur le sujet.
par Philippe Bolopion
Article publié le 12/08/2005 Dernière mise à jour le 12/08/2005 à 11:30 TU