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Côte d'Ivoire

L’armée veut mettre la presse au pas

Philippe Mangou, le 1er août 2005 à Abidjan.(Photo: AFP)
Philippe Mangou, le 1er août 2005 à Abidjan.
(Photo: AFP)
La presse fait les frais de la tension politique qui règne actuellement en Côte d’Ivoire. Un rien sème la panique à Abidjan. Et pour contrôler tous les supports de l’information, le pouvoir utilise l’armée et intimide la presse privée.

L’état-major des armées à Abidjan a été le cadre d’une rencontre, le 24 août, entre les officiers supérieurs des Forces de défense et de sécurité (FDS) et les journalistes ivoiriens. La presse internationale n’a pas été convoquée, pour la simple raison qu’elle est pratiquement inexistante en Côte d’Ivoire. Le général Philippe Mangou, chef d’état-major des armées a convoqué, dans ses murs, les journalistes de la presse ivoirienne pour leur demander «de mettre balle à terre». La traduction en clair de ce parler populaire abidjanais est: «on ne jongle plus, on revient aux choses simples et basiques». Cela n’a rien d’offensant si ce n’est que dans le langage militaire une autre traduction est possible: «on ne joue plus».

C’est ce que le général Mangou a tenu à expliquer de vive voix aux journalistes ivoiriens à qui il a demandé de travailler dans le sens de la paix et de la réconciliation, «sinon, je serais dans l’obligation de faire fermer des rédactions», a-t-il ajouté. «De quel droit ?», pensent fortement les journalistes qui ont immédiatement une réponse à leur interrogation, de la bouche du commandant de la garde républicaine, le colonel Bruno Dogbo Blé: «N’oubliez pas que la Côte d’Ivoire est en guerre depuis trois ans (…) et lorsque c’est le cas, on ne parle pas de liberté de presse». CQFD ! Aujourd’hui En Côte d’Ivoire l’armée peut donc à tout moment se substituer au pouvoir politique.

«Le Comité paritaire» est mort-né

A l’issue de la rencontre les journalistes de la presse privée ont compris pourquoi, les 4, 5 et 6 août derniers à Grand Bassam ils avaient été conviés à définir «un cadre formel de collaboration» entre eux et les Forces de défense et de sécurité (FDS). Aujourd’hui nombreux sont ceux qui pensent que la «plate-forme» censée lever les équivoques, malentendus et autres méfiances entre les médias et l’armée n’était, pour cette dernière, qu’un prétexte à intervenir dans les affaires de la presse. Le Comité paritaire, regroupant journalistes et militaires, prévu par la plate-forme et qui doit examiner les litiges et régler les différends n’a pas encore été installé que les FDS se sont autorisées à considérer qu’une certaine presse outre-passe ses droits.

En effet, le colonel Jules Yao Yao ex-porte-parole des Forces armées de Côte d’Ivoire (Fanci), s’est largement répandu dans la presse privée appelant ses frères d’armes à désobéir au pouvoir politique lorsque ses instructions sont injustes. La presse s’est aussi fait l’écho des propos du général Mathias Doué, ex-chef d’état-major des armées, limogé, et qui menace de renverser le président Laurent Gbagbo. «N’en faites pas de commentaires qui suscitent l’émoi au sein des populations», exige le général Philippe Mangou.

«En aucun cas, l’armée ne peut légalement prétendre à sanctionner les médias privés, sauf à dire qu’elle prend la responsabilité de dissoudre d’elle-même, illégalement, des institutions de la démocratie ivoirienne», écrit l’organisation Reporters sans frontière (RSF) dans une lettre de protestation adressée au chef d’état-major des armées de Côte d’Ivoire.

Rappelons que les radios internationales, BBC et Africa N°1 plusieurs fois interdites émettent à nouveau en FM (modulation de fréquence) à Abidjan, tandis que RFI est toujours frappée par une mesure d’interdiction.


par Didier  Samson

Article publié le 25/08/2005 Dernière mise à jour le 25/08/2005 à 16:50 TU