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Côte d'Ivoire

Les Forces nouvelles veulent sortir Gbagbo du jeu électoral

Laurent Gbagbo (en haut) et Guillaume Soro.(Photos: AFP)
Laurent Gbagbo (en haut) et Guillaume Soro.
(Photos: AFP)

Les Forces nouvelles (FN) rejettent le processus électoral validé par le médiateur sud-africain, Thabo Mbéki, qu’elles accusent de parti pris en faveur du président Gbagbo. Fidèle à son programme originel, l’ancienne rébellion se réorganise militairement, table sur la dissidence de l’ancien chef d’état-major de l’armée gouvernementale, Mathias Doué, et refuse de «cautionner» le scrutin présidentiel prévu le 30 octobre, à l’échéance du mandat de Laurent Gbagbo. Pour écarter ce dernier, en plaidant le vide constitutionnel, les Forces nouvelles exigent d’ores et déjà la programmation d’une «transition politique» chargée de préparer de futures élections, sans Gbagbo.


Sous la houlette de leur secrétaire général, Guillaume Soro, les Forces nouvelles ont mis les formes d’un séminaire dans un rassemblement politico-militaire organisé à Bouaké du 20 au 25 août. Présentée comme une entreprise de «recadrage du processus de paix», cette réunion s’est soldée par une dénonciation plus ou moins détaillée des accords conclus à Pretoria, sous l’égide du médiateur Thabo Mbéki, épinglé au passage par «tous les séminaristes [des Forces nouvelles] qui lui reprochent des velléités d’expansionnisme économique, sa partialité dans les jugements rendus et des informations de ventes d’armes au régime de Laurent Gbagbo». Thabo Mbéki appréciera. Mais visiblement, Guillaume Soro n’est pas satisfait des entretiens qu’ils ont eu le 19 août dernier. A défaut de pouvoir changer les règles du jeu, il a finalement décidé de jeter la médiation avec l’eau du bain électoral, pour sauter l’échéance du 30 octobre et se débarrasser de Laurent Gbagbo.

Les FN rejettent le scrutin du 30 octobre

Dans leur «résolution finale», les FN estiment que «les conditions d'une élection libre, démocratique, transparente, sécurisée et incontestée ne sont plus réunies pour cette date» fatidique du 30 octobre. Force est de constater que ces conditions n’ont jamais été réunies, faute de bonne volonté pour désarmer, réunifier le territoire et se mettre en lice face aux urnes. Sur ce dernier point, les FN réitèrent d’ailleurs leurs préalables pour siéger dans la Commission électorale indépendante (CEI). Elles exigent principalement «l’exclusion de l’Institut national de la statistique (INS) du processus électoral», rappelant au passage qu’il faut encore identifier «les Ivoiriens sur toute l’étendue du territoire» avant de dresser les listes électorales et qu’il reste à instaurer «une politique sécuritaire générale» pour garantir le scrutin. Et cela dans l’ensemble du pays divisé depuis leur tentative de coup d’Etat de septembre 2002. Bref, les FN «admettent que les élections ne pourront pas se tenir à la date du 30 octobre», pour ne pas dire qu’elles n’en veulent pas. 

En guise de sortie de crise, «les Forces nouvelles posent la nécessité d’une transition politique après octobre 2005 qui doit aboutir à des élections démocratiques et transparentes». Le 30 octobre marquant «la fin du régime de Laurent Gbagbo à la tête des institutions», dans l’esprit des FN, il n’est pas question, que Gbagbo soit «maintenu à la tête des institutions pour une quelconque transition» après cette date. Ce n’est pas l’avis du juriste Francis Wodié, président du Parti ivoirien des travailleurs (PIT). La Constitution ne dit rien à propos du report éventuel de l’échéance du 30 octobre, explique-t-il. A défaut de réponse juridique au vide constitutionnel, la solution se doit donc d’être politique, à l’instar du problème. Francis Wodié, préconise lui aussi une période de transition, depuis plusieurs mois déjà. Mais au contraire des FN, il estime que le président Gbagbo doit en prendre la direction, et même l’initiative, au plus vite, sur la base d’une concertation nationale, afin que la solution «s’éloigne le moins possible des dispositions de la Constitution et de la situation en vigueur avant la formule transitoire».

Pour sa part, l’ancienne rébellion fidèle à Guillaume Soro vient de resserrer les rangs, le 15 août dernier, en donnant du galon à ses principaux chefs militaires et en créant quatre «zones opérationnelles» supplémentaires, ce qui les porte à dix. C’est sans doute sous cet angle militarisé qu’il faut comprendre leur avertissement : «Les Forces nouvelles prendront leur responsabilité le 30 octobre 2005 à minuit». Les FN précisent que «si Laurent Gbagbo a tergiversé depuis janvier 2003, parce qu’il espérait obtenir d’une partie de la communauté internationale son maintien, en toute illégalité et en toute illégitimité, à la tête de l’Etat, il se trompe». En clair, pour les FN, «il sera minuit docteur Gbagbo ! ».

Soro : «Il faut écarter Gbagbo»

Les FN entendent «reprendre en main le processus de paix», c’est-à-dire éjecter le président Gbagbo. C’est aussi la volonté affichée, le 19 août, de l'ancien chef d'état-major des Forces armées nationales de Côte d’Ivoire (Fanci), le général Mathias Doué, limogé en novembre 2004, et qui menace de «faire partir» le président Laurent Gbagbo «par tous les moyens». Avec lui, un autre dissident, l'ancien porte-parole des Fanci, le lieutenant-colonel Jules Yao Yao, a «la certitude que de nombreux officiers, sous-officiers et militaires du rang sont associés à mon combat et qu'au moindre signal, il sont prêts à en découdre» contre le président Gbgbo qu’il voue aux gémonies depuis son limogeage, fin juin. Au passage, Yao Yao appelle ses anciens frères d’armes à la désobéissance. Conjuguées avec celles du général trois étoiles, Mathias Doué, ces déclarations sonnent comme des appels à la sédition, sinon comme des coups de semonces avant coup d’Etat, ce qui serait tout à fait inusité.

Guillaume Soro se dit «heureux que le général Mathias Doué ait pris ses responsabilités». «Pour qu'il y ait des élections démocratiques, transparentes et ouvertes à tous, il faut que le principal obstacle, d'abord à la paix et ensuite à la réconciliation, qu' est Laurent Gbagbo, soit écarté», dit-il. Ces propos «va-t-en guerre» ont bien évidemment fait monter la tension d’un cran et alimenté toutes sortes de rumeurs. L’ancien président ivoirien Henri Konan Bédié a décidé de reporter son retour en Côte d'Ivoire, initialement prévu le 23 août. Renversé en 1999 par le général Gueï, il sera en lice à la prochaine présidentielle sous les couleurs de l’ancien parti unique, le Parti démocratique de Côte d'Ivoire (PDCI). A l’instar des FN, ce dernier est membre du groupe des sept partis de l’opposition civile et armée du G7. Mais pour sa part, le PDCI réfute tout contact «avec qui que ce soit dans un quelconque projet de déstabilisation». Certes, il veut «faire partir le président Gbagbo du pouvoir, mais cela, par les urnes». Quant au scrutin du 30 octobre, «ce n'est pas nous qui organisons les élections», se contente-t-il de rappeler, évitant de se prononcer, à la différence de son allié de «la plate-forme des houphouétistes», le Rassemblement des républicains (RDR) de l’ancien Premier ministre Alassane Ouattara.

«Une présidentielle crédible et ouverte à tous n’est pas raisonnablement possible», déclare le porte-parole du RDR, Ibrahim Bacongo. Dans le camp adverse, le Front populaire ivoirien (FPI), le parti présidentiel, ne veut pas entendre parler d’un report des élections. Mais sans la participation des FN, celles-ci risquent de devoir se limiter à la zone gouvernementale, ce qui consacrerait la partition du pays. A moins que le médiateur Mbéki ait un autre tour dans son sac international. Il doit remettre un rapport au Conseil de sécurité des Nations unies le 31 août. Dans l’immédiat, l'envoyé spécial de l'Onu en Côte d'Ivoire, le Suédois Pierre Schori, dénonce «toute déclaration appelant au renversement des institutions» et le ministre français des Affaires étrangères suggère : «faisons tout par l'intermédiaire des Nations unies, de la communauté internationale, des pressions que nous pouvons exercer, des 10.000 hommes qui sont sur place, pour qu'il y ait des élections au 30 octobre».


par Monique  Mas

Article publié le 26/08/2005 Dernière mise à jour le 26/08/2005 à 17:41 TU