Terrorisme
La France sur le qui-vive
(Photo : AFP)
Les neuf personnes interpellées «sont soupçonnées d’avoir eu la volonté de commettre des attentats en France. Il y avait un mouvement de conspiration, une activité logistique, mais pas de projet identifié», a indiqué une source proche de l’enquête. Toujours selon cette source, les personnes interpellées appartiennent à «la mouvance du djihadisme international». L’enquête vise plus particulièrement le Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC) algérien, branche ultraradicale de l’islamisme armé, qui a pris la relève du GIA en Algérie.
En juillet dernier, la police estimait que cette organisation représentait le risque principal d’attentat en France. Une information judiciaire concernant ce groupe était alors ouverte pour « association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste ». Les policiers avaient la certitude que le GSPC, l’automne dernier, avait fait alliance avec Abou Moussab al Zarqaoui, considéré comme le chef du réseau Al Qaïda en Irak. Les deux organisations avaient la même intention, frapper la France. Du côté de la police comme de la magistrature, on était persuadé qu’un attentat était possible malgré l’attitude de la France, restée à l’écart du conflit irakien. Car le GSPC pouvait vouloir sanctionner le soutien du gouvernement français au régime algérien, l’engagement de la France en Afghanistan, et toujours la loi sur le port du voile.
Une «figure» interpellée
Les magistrats s’intéressent donc depuis longtemps à la mouvance autour de ce groupe algérien. Et ce lundi, parmi les 9 personnes interpellées (en région parisienne et en Normandie), l’une d’entre elles est, indique-t-on de source judiciaire, une «figure» des milieux islamistes. Il s’agit de Safé Bourada, Français d’origine algérienne qui a purgé une peine de dix ans de prison en France. Il avait été condamné pour son soutien logistique dans les attentats de 1995. Le plus meurtrier avait fait 8 morts et 117 blessés à la station du Réseau express régional (RER) Saint-Michel à Paris. Ces attentats avaient été revendiqués par le Groupe islamique armé (GIA). Pendant son procès, Safé Bourada avait admis avoir recruté pour le GIA, en 1994 deux jeunes Beurs lyonnais, Khaled Kelkal, tué par la police en septembre 1995 et Karim Koussa, actuellement en prison. Safé Bourada était surveillé par les Renseignements généraux depuis sa sortie de prison, en 2003. En juin 2005, cette surveillance avait été renforcée. A l’époque, explique-t-on de source proche de l’enquête, les services français avaient reçu «des renseignements de l’étranger» le concernant. Selon les enquêteurs, Safé Bourada connaît l’Algérien Rachid Ramda, accusé d’être le financier des attentats de 1995. Détenu au Royaume-Uni depuis cette année-là, Ramda, dit Abou Farès, a réussi jusqu’à présent à éviter son extradition vers la France en utilisant des recours offerts par la loi britannique.
En juillet dernier, l’enquête concernant les milieux islamistes en France a connu un rebondissement inattendu avec l’interpellation d’un Français et de deux Tunisiens considérés comme proche du GSPC. Ils étaient soupçonnés de racketter des prostituées. Ils furent alors mis en examen pour «financement de terrorisme, extorsion de fonds et association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste». L’enquête avait établi que ces malfaiteurs étaient en relation avec «des anciens du GIA algérien». Une fois encore, les enquêteurs estimaient que le GSPC représentait le principal risque d’attentats en France. En août dernier, ce groupe avait d’ailleurs répété son intention de frapper la France.
Les 9 personnes interpellées ce lundi matin sont dans les locaux de la Direction de surveillance du territoire (DST) où ils peuvent être interrogés pendant quatre jours. C’est la durée de la garde à vue prévue pour les personnes soupçonnées de terrorisme. Ces personnes seront ensuite présentées au juge antiterroriste Jean-Louis Bruguière.
Un renforcement de la lutte contre le terrorisme
Ces interpellations interviennent alors que le très médiatique ministre français de l’Intérieur Nicolas Sarkozy intervient ce soir dans une émission politique, à la télévision, sur le thème du terrorisme. Une cellule islamiste vient tout juste d’être démantelée. Le ministre va présenter les grandes lignes de son projet de loi antiterroriste. Il est question notamment de renforcer la surveillance des conversations téléphoniques et des communications sur Internet en donnant à la justice un accès plus facile à ces données. Les opérateurs et les cybercafés auront l’obligation de prolonger dans le temps la conservation de ces données. La vidéosurveillance devrait se généraliser dans les transports en commun et se développer dans les rues. Les déplacements vers les «pays à risques» seront tout particulièrement surveillés. Les délais de garde à vue passeront de quatre à six jours en matière de terrorisme. Les peines de prison seront alourdies. Inspiré par la gestion britannique de la crise après les attentats de juillet dernier, Nicolas Sarkozy indique qu’il y a «beaucoup à retenir de la maîtrise de la communication en temps de crise. Ils (les policiers britanniques) savent garder les informations et les distiller au bon moment». Le projet de loi devrait être examiné mi-octobre en Conseil des ministres. La Commission nationale informatique et liberté (Cnil) devrait donner un avis sur ces nouvelles mesures qui concernent les libertés individuelles.
par Colette Thomas
Article publié le 26/09/2005 Dernière mise à jour le 27/09/2005 à 11:29 TU