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Terrorisme

Al-Qaïda menace, Bush provoque et Blair sécurise

Dans une vidéo diffusée sur la chaîne satellitaire arabe Al-Jazira, Ayman al-Zawahiri, numéro 2 présumé du réseau terroriste Al-Qaida, a renouvelé ses menaces contre les Etats-Unis et la Grande-Bretagne.(Photo : AFP)
Dans une vidéo diffusée sur la chaîne satellitaire arabe Al-Jazira, Ayman al-Zawahiri, numéro 2 présumé du réseau terroriste Al-Qaida, a renouvelé ses menaces contre les Etats-Unis et la Grande-Bretagne.
(Photo : AFP)
Au lendemain des menaces proférées contre les Etats-Unis et la Grande-Bretagne, par le numéro 2 d’Al-Qaïda, Ayman al-Zawahiri, George W. Bush riposte sur un ton de défi qui sonne comme une nouvelle provocation. Tony Blair, moins vindicatif, a quant à lui répondu par de nouvelles mesures pour lutter contre le terrorisme, tout en refusant toujours d’établir un lien entre les attaques de Londres du 7 juillet et l’intervention militaire en Irak. Pour le réseau terroriste, ces nouvelles sommations pourraient bien illustrer une volonté de se repositionner sur l’échiquier international, en tant que organisation dominante dans la campagne jihadiste.

Il est apparu impassible, en robe blanche, coiffé d’un turban noir tel un taliban, et muni d’une kalachnikov. Ayman al-Zawahiri, numéro 2 présumé du réseau terroriste Al-Qaïda, a renouvelé ses menaces contre les Etats-Unis et la Grande-Bretagne. Dans une vidéo diffusée jeudi sur la télévision satellitaire arabe Al-Jazira, il accuse les deux hommes forts de la coalition en Irak, George W. Bush et Tony Blair, d’être les seuls responsables des attaques terroristes dans leur pays, quatre semaines tout juste après les attentats de Londres du 7 juillet. « Si vous vous obstinez dans cette même politique d'agression des musulmans, vous verrez des catastrophes pires que celles que vous avez connues au Vietnam », a lancé celui qui passe pour être un des cerveaux du réseau terroriste.

Particulièrement visée, l’administration américaine. «La vérité, c'est que Bush, (la secrétaire d'Etat américaine Condoleezza) Rice et (son collègue de la Défense Donald) Rumsfeld sont en train de vous cacher qu'il n'y a pas d'issue (en Irak) sans le retrait immédiat » des troupes de la coalition. Auquel cas, l’homme annonce « davantage de tués et davantage de pertes » pour les Etats-Unis et leurs alliés. «Si vous ne vous retirez pas aujourd'hui, vous vous retirerez immanquablement demain mais au prix de dizaines de milliers de morts et de beaucoup plus de blessés et d'estropiés », ajouté ce chirurgien égyptien de 54 ans, posté devant une toile beige servant d'arrière-plan à l'enregistrement. « Mais vous avez fait couler des rivières de sang dans nos pays. Nous avons donc fait exploser des volcans de colère dans les vôtres. Notre message est clair: vous n'aurez point de salut si vous ne vous retirez pas de notre terre, si vous ne cessez pas de voler notre pétrole et nos richesses et n'arrêtez pas de soutenir les gouvernants corrompus et corrupteurs », a-t-il proféré dans cette vidéo dont on ne connaît pas les conditions de tournage. Un seul indice pourrait faire penser qu’elle date de plusieurs jours : il ne mentionne pas les attentats de Charm-el-Cheikh.

« Les règles du jeu vont changer »

Comme à l’accoutumée, le président américain a choisi de répondre par l’offensive à ces nouvelles menaces, stigmatisant l’idéologie de Zawahiri comme « sombre, étriquée et rétrograde ». George W. Bush voit dans ces déclarations une nouvelle justification de l’intervention armée en Irak, alors même que 22 marines ont été tués depuis le début de la semaine, et que 15 d’entre eux sont morts dans la seule journée de mercredi, dans une attaque revendiquée par le groupe groupe Ansar al-Sunna, lié au réseau terroriste Al-Qaïda. « Ces déclarations du numéro 2 d’Al-Qaïda montrent clairement que l’Irak fait partie de la guerre contre le terrorisme, et que nous sommes en guerre », a-t-il déclaré lors d’une conférence de presse depuis son ranch de Crawford (Texas). «Nous mettons en échec les terroristes dans des endroits comme l’Irak pour ne pas avoir à les affronter chez nous ».

Le bras droit de Ben Laden n’a pas non plus épargné Tony Blair. « Quant aux Britanniques, je leur dis : Blair vous a attiré la destruction jusqu’au centre de Londres, il (vous) attirera davantage de destructions su Dieu le veut ». Habituellement peu prolixe face à ce genre de mise en garde, le Premier ministre britannique a quelque peu durci le ton. Il a estimé qu’il était « totalement révoltant » que les terroristes justifient leurs actions par « l’Irak, l’Afghanistan ou le conflit palestinien ». Le locataire du 10, Downing Street comme comme les autorités britanniques refusent toujours de reconnaître un lien entre l’invasion de l’Irak et les attaques terroristes du 7 juillet, qui ont fait 56 morts, dont les quatre kamikazes.

Comme prévu, le Premier ministre a néanmoins annoncé un renforcement de l’arsenal juridique britannique, pour accroître la lutte contre le terrorisme et fermer les portes du « Londonistan ». «Les règles du jeu ont changé », a-t-il déclaré lors de sa dernière conférence de presse, avant son départ en vacances. Parmi les propositions annoncées, il est notamment question de modifier la loi sur les Droits de l'Homme, pour l'instant liée à la Convention européenne des droits de l'homme, afin de faciliter l'expulsion de ceux qui incitent au terrorisme. La Grande-Bretagne pourrait également interdire les groupuscules extrémismes du type Al-Mouhadjiroun. L’annonce de telles mesures devraient largement asseoir la popularité de Tony Blair, peu déstabilisé par les attentats de Londres, dans la mesure où la majorité des Britanniques soutiennent le renforcement de la législation antiterroriste.

L’Irak, au centre de la rhétorique d’Al-Qaïda

Depuis avril 2004, non moins de neuf cassettes de ce type ont été enregistrées par Al-Zawahiri ou par le «lion de l'islam », Oussama Ben Laden. Selon un rapport daté de juin, du Service de Recherche du Congrès américain, cité par le Financial Times, Oussama Ben Laden et ses acolytes pourraient vouloir utiliser ce type de déclarations publiques pour se repositionner au centre de la campagne jihadiste, à un moment où le nombre de candidats à la guerre sainte et où l’influence du Jordanien Abou Moussab Al-Zarqaoui ne cessent d’augmenter en Irak. « Le contenu idéologique et le ton hautement politique des récentes déclarations ont conduit certains spécialistes du terrorisme à émettre l’hypothèse que ces messages pouvaient souligner une nouvelle tentative de Ben Laden et de ses associés de créer un rôle de leader à long terme pour eux et pour le réseau, comme l’avant-garde d’un mouvement organisé mondialiste peu structuré », lit-on dans le rapport. L’Irak est ainsi de plus en plus utilisé comme un argument central de la doctrine du réseau, conformément au « messianisme pragmatique » prôné par Ben Laden, pour accomplir les deux buts de l’organisation : éliminer toute influence occidentale dans les pays arabes, et créer un Etat islamiste régi par la charia.


par Julie  Connan

Article publié le 05/08/2005 Dernière mise à jour le 05/08/2005 à 17:54 TU