Terrorisme

Al-Qaïda lance un ultimatum à l’Europe

Les Brigades Abou Hafs al-Masri, qui ont revendiqué les attentats londoniens, menacent de récidiver «en réponse aux exactions commises à l'encontre [des musulmans], du Golfe au Maghreb.»
(Photo : AFP)

Dans un communiqué diffusé sur Internet signé les Brigades Abou Hafs al-Masri -un des groupes se revendiquant d'Al-Qaïda- et daté du 16 juillet 2005, un mois a été donné aux nations européennes pour retirer leurs troupes d’Irak, sous peine de nouveaux attentats. Si les experts se montrent sceptiques quant à la valeur de l’ultimatum, du fait que par le passé ces mêmes Brigades Abou Hafs al-Masri ont revendiqué des pannes de courant qui se sont avérées être de simples accidents techniques, ce groupe est aussi celui qui a revendiqué les attentats à Londres le 7 juillet dernier, ceux du 11 mars 2004 à Madrid, et le double attentat d’Istanbul en novembre 2003. L’Europe le prend donc au sérieux et se tient sur ses gardes.

Le dernier message reçu de la mouvance islamiste radicale relève de l'avertissement: il menace l'Europe de nouveaux attentats après le carnage de Londres si des dispositions ne sont pas prises rapidement pour sortir du territoire irakien. «Nous vous accordons tout un mois pour bien réfléchir sur votre politique à l'égard de l'islam et des musulmans», est-il mentionné dans le communiqué qui stipule clairement par ailleurs: «ce message est le dernier que nous adressons aux Etats européens. Nous vous donnons un délai d'un mois pour faire sortir vos soldats de la terre de Mésopotamie (Irak). Passé ce délai, qui expire en principe le 15 août, il n'y aura pas d'autres messages, mais des actes et des mots qui seront tracés au coeur de l’Europe»; à l'expiration de l'ultimatum, est-il bien spécifié, «les moudjahidines, qui sont aux aguets, auront d'autres mots à dire dans vos capitales».

Plus loin dans le communiqué, le cœur de cible de l’Europe est défini: «Ce sera une guerre sanglante, au service de Dieu» à l’encontre tant des «croisés» coupables d’exactions en Irak (comme la Grande-Bretagne, l’Italie, le Danemark et même les Pays-Bas, lesquels ont pourtant retiré leurs troupes en mars dernier), que ceux qui oppriment les musulmans en Palestine et en Afghanistan (où les forces françaises sont présentes aux côtés des Américains). «Frapper les villes européennes est un acte de légitime défense des musulmans. Il s'agit de la réponse aux exactions commises à leur encontre, du Golfe au Maghreb».

La page Internet, sur laquelle apparaît le communiqué, porte comme en-tête, en arabe, l'intitulé Kataëb Abou Hafs al-Masri - Qaïdat Al-Jihad - Liwa Europa («Brigades Abou Hafs al-Masri - Qaïda/Jihad - Division Europe»). La revendication des attentats de Londres (56 morts) a été faite par ce groupe, deux jours après une première revendication au nom d'un groupe affirmant s'appeler l'Organisation Al-Qaïda/Jihad en Europe. Le nom des Brigades  Abou Hafs al-Masri correspond en fait celui du nom d'un chef d'Al-Qaïda qui avait mené les opérations militaires de l'organisation en Afghanistan jusqu'à la mort du leader (octobre 2001) au cours de cette guerre. Depuis, le groupe a déjà revendiqué les attentats à la bombe du 11 mars 2004 à Madrid (191 morts), ainsi que le double attentat d'Istanbul en novembre 2003 (63 morts).

Les Brigades Abou Hafs al-Masri n’en sont pas à leur premier ultimatum

Les Brigades Abou Hafs al-Masri avaient également menacé l'Europe d'attentats en août 2004: les pays européens étaient alors sommés de cesser d'«agresser les musulmans et de s'immiscer dans leurs affaires intérieures», en échange de «la paix». Cette année, le quotidien espagnol El Mundo du 11 juillet a rapporté que les Brigades Abou Hafs al-Masri - Division Europe avaient ordonné d'attaquer l’Europe dans un message diffusé le 29 mai sur Internet et affirme que ce message a été remis par les services secrets espagnols à leurs homologues britanniques, après les attentats de Londres.

De sérieuses présomptions

Le Polonais Dariusz Jadowski, porte-parole du gouvernement proche allié de Washington en Irak, a déclaré pour sa part être très attentif :«Des menaces surgissent de temps en temps. Il n’en reste pas moins qu’aucune de ces menaces ne peut être négligée, que chacune doit être considérée avec sérieux par les services compétents». S’il est vrai, comme le souligne Arnaud de La Grange dans le quotidien le Figaro du 19 juillet 2005 que : «comme toutes les charges verbales ou les revendications lancées par les nouveaux cheikhs de la terreur, le communiqué des Brigades Abou Hafs al-Masri est cerné d'incertitudes», suffisamment de critères sont également requis par les spécialistes pour apprécier l’authenticité du message et considérer comme sérieux l’ultimatum.

Arnaud de La Grange cite Dominique Thomas, spécialiste de la mouvance islamiste et auteur de deux ouvrages de référence sur le sujet (*): «les Brigades Abou Hafs al-Masri ne sont pas une organisation mais un prête-nom, qui a servi à revendiquer certaines actions comme Londres ou Madrid.» Certes, «l'appellation a parfois été utilisée de manière abusive.», notamment lorsque ces Brigades ont revendiqué des coupures d'électricité aux Etats-Unis, alors qu’il ne s’est agi que d’un simple accident technique. Cependant, souligne Dominique Thomas, qui a analysé le message: «Ce nouveau communiqué est rédigé dans les règles, et deux indices sont troublants: la création d'une page Web spéciale et l'ajout d'une longue annexe.». L'annexe, elle, est un long document daté du 1^er juillet 2004 et intitulé «Feuille de route des moudjahidines». «Elle comporte un résumé des «exactions» américaines depuis une dizaine d'années, ainsi que de celles des régimes arabes, poursuit Dominique Thomas cité par Arnaud de La Grange, elle débouche sur des recommandations : constituer des cellules dans les pays occidentaux et se préparer à la confrontation.».

par Dominique  Raizon

Article publié le 20/07/2005 Dernière mise à jour le 20/07/2005 à 16:32 TU

(*) Le Londonistan, Editions Michalon (2004), et Les Hommes d'al-Qaida, collection Ligne d'horizon, Editions Michalon (2005).