Terrorisme
Comment al Qaïda a préparé les attentats de Madrid
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Une dizaine de pages de ce document qui en comporte 54 au total est consacrée à l’Espagne, considérée comme le maillon faible de la coalition en Irak pour al Qaïda. C’est une analyse en profondeur de la société espagnole, de ses courants politiques, de l’appartenance religieuse de ses populations, arguments historiques à l’appui. Ce document met en évidence la possibilité d’influer très fortement sur l’opinion publique espagnole à la veille des élections législatives en assénant des coups durs aux forces espagnoles.
Le document a été authentifié par des spécialistes occidentaux de la mouvance islamiste comme émanant d’un bureau d’étude à Peshawar estampillé al Qaïda. Ce texte affirme que «le gouvernement espagnol ne peut supporter plus de deux ou trois coups avant de se retirer d’Irak sous la pression du peuple». Si ces troupes, ajoute le document, «demeurent après ces coups portés, la victoire du parti socialiste serait garantie et le retrait des forces espagnoles sera à son ordre du jour».
On voit bien, à la lecture du document, que l’Espagne constitue le premier élément sur cet échiquier irakien et que le retrait de ses troupes peut créer un effet domino et entraîner d’autres pays de la coalition à se retirer. D’abord, il est question de l’Italie, deuxième maillon faible de la coalition et de la Grande Bretagne. Le retrait des troupes espagnoles d’Irak constituera, selon le document, «une pression sur la Grande Bretagne que Tony Blair ne pourra supporter». Les pions ne tarderont pas à tomber, est-il écrit, mais il restera encore à renverser la pièce-maîtresse, les États-Unis.
Il est intéressant de relever concernant la Pologne que, malgré sa faiblesse, ce pays sera le moins disposé à se retirer d’Irak car son opinion publique est quasi acquise à la participation de la Pologne à la coalition. Il n’est donc pas nécessaire de lui «asséner des coups» selon la terminologie retenue par le document. Cela dénote aussi un degré de politisation élevé des gens qui ont préparé cette études.
L’objectif final : le départ des Américains
Il est bien évident que l’objectif final est, avec le départ des Américains, de réaliser l’indépendance totale de l’Irak sur tout son territoire et d’y fonder une vie musulmane et une «gouvernance islamique juste», entre autres. C’est une bataille de toute la nation de l’Islam, estime al Qaïda qui appelle la résistance irakienne à constituer un mouvement qui rassemble les factions du jihad et qui s’unissent dans le même objectif à défaut de s’unir à l’heure actuelle dans une même mouvance organisationnelle. Pour parvenir à l’objectif fixé, le document explicite en quatre points les moyens militaires dédiés.
D’abord, révèle ce livret, il faut renforcer les opérations du jihad et essayer d’en augmenter l’ampleur en dispersant les troupes américaines sur le territoire, ce qui affaiblit leur efficacité et porte un coup au moral des soldats. Ensuite, il faut garder l’initiative en diversifiant les objectifs et les méthodes: embuscades, raids, attentats à l’explosif, combats de corps-à-corps, etc. Dans le troisième point, l’organisation d’Oussama Ben Laden invite les moudjahidines à cibler de façon périodique les gisements pétroliers de sorte à entraver l’exportation du pétrole. Car il faut parvenir à transformer l’occupation en fardeau économique pour les États-Unis. Enfin, le livret conseille la création de cellules de combattants du jihad au sud. Des brigades mixtes sunito-chiites pour défendre les sunnites en cas de confrontation.
On sait que l’Irak, depuis la chute du régime de Saddam Hussein, est l’un des terrains de prédilection de l’organisation, tout du moins de ce qui l’en reste depuis la campagne d’Afghanistan, mais plutôt de groupes s’identifiant à son idéologie comme c’est d’ailleurs le cas en Arabie Saoudite. Mais en ce qui concerne la résistance irakienne qui est multiforme et qu’il faut sans doute différencier de ces groupes, elle est lancée dans une autre combat qui est celui de la libération nationale.
Que l’Irak se soit depuis plus d’un an transformé en «aimant» pour tout ceux qui ont des comptes à régler avec les États-Unis, c’est une quasi certitude ; mais de là à voir les mouvements de résistance se laisser pénétrer par des groupuscules se réclamant d’al Qaïda, c’est une autre histoire. Pour ce qui la concerne, la résistance irakienne n’a besoin ni de formation militaire, ni d’armements.
par Frédéric Domont
Article publié le 01/07/2004 Dernière mise à jour le 01/07/2004 à 12:47 TU