Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Irak

Le chaos s’installe à une semaine de la fin de l’occupation

Une voiture piégée a explosé dans le centre de Bagdad le 23 juin 2004, tuant deux civils. La violence est devenue le lot quotidien des Irakiens. 

		(Photo : AFP)
Une voiture piégée a explosé dans le centre de Bagdad le 23 juin 2004, tuant deux civils. La violence est devenue le lot quotidien des Irakiens.
(Photo : AFP)
L’entrée en fonction il y a quelques semaines du nouvel exécutif irakien n’a pas mis fin aux violences qui secouent le pays depuis la chute du régime de Saddam Hussein. Bien au contraire, l’approche de la fin officielle de l’occupation de l’Irak, prévue dans une semaine, semble le prétexte à une multiplication des attaques contre tout ce qui symbolise ou représente les nouvelles autorités de Bagdad. Le nouveau Premier ministre Iyad Allaoui est devenu désormais la cible principale de la guérilla irakienne. Dans un enregistrement sonore, Abou Moussab al-Zarqaoui, dont la tête a été mise à prix 10 millions de dollars par l’administration américaine qui le soupçonne d’être à l’origine des attentats les plus sanglants perpétrés dans le pays, menace de tuer le chef de l’exécutif irakien.

Depuis sa mise en place le 1er juin dernier, le gouvernement intérimaire irakien est confronté à une recrudescence des violences à travers tout le pays. En trois semaines, pas moins de vingt attentats à la voiture piégée ont été perpétrés provoquant la mort de près de deux cents personnes et en blessant des centaines d’autres. Installé par l’administrateur américain Paul Bremer, le nouvel exécutif sait qu’il ne tirera sa légitimité que de sa capacité à mettre fin aux violences, l’insécurité demeurant la principale préoccupation de la population. Or la guérilla irakienne semble plus que jamais déterminée à le mettre en échec sur ce point précis. Dernière provocation, l’activiste jordanien Abou Moussab al-Zarkaoui, considéré par Washington comme étant le représentant d’al-Qaïda en Irak, a accusé le Premier ministre Iyad Allaoui d’être «le symbole du mal et un agent des infidèles» et a ouvertement menacé de le tuer.

Dans un enregistrement sonore, diffusé sur un site Internet, il a ainsi promis de lui faire subir le même sort que l’ancien président du Conseil de gouvernement intérimaire, Ezzedine Sélim, tué le 17 mai dernier dans un attentat à Bagdad. «Oh, toi Allaoui, tu as déjà échappé maintes fois, sans le savoir, à des embuscades bien organisées que nous t’avons tendues. Mais nous nous engageons à mener notre mission jusqu’au bout et sans relâche», affirme notamment Abou Moussab al-Zarqaoui. Faisant le parallèle avec la situation en Afghanistan, l’activiste jordanien a mis en garde les Irakiens contre «ce que préparent les Américains avec le nouveau Karzaï d’Irak», en référence au président afghan installé au pouvoir à Kaboul après la chute du régime des Taliban.

Visiblement déterminé à poursuivre ses attaques contre les symboles du nouveau pouvoir irakien, l’homme le plus recherché du pays a accusé les policiers, les militaires, les membres du gouvernement intérimaire et certains dignitaires religieux de «collaborer avec l’ennemi américain». «Vous êtes les symboles du mal, les imams mécréants, le signe de la trahison. Vous êtes des hypocrites», leur a-t-il lancé, les rendant responsables du siège imposé à Falloujah et des attaques menées par l’armée américaine contre cette ville rebelle du nord de Bagdad. Dans une dernière provocation enfin, Abou Moussab al-Zaraqaoui a raillé l’incapacité des soldats de la coalition à l’arrêter. «Les attaques américaines sont menées sous prétexte que je me trouve à Falloujah. Ce qui est faux, car ces imbéciles ne savent pas que je me déplace en Irak pour être accueilli en hôte chez mes frères et les miens en sillonnant le pays de long en large», a-t-il notamment affirmé.  

La violence va s’intensifier

Dans ce contexte, on voit mal comment la sécurité pourrait s’améliorer en Irak dans les semaines qui viennent. Le gouvernement n’a d’ailleurs pas caché sa préoccupation quant à une très prévisible recrudescence des violences à l’approche du transfert de souveraineté au nouvel exécutif. «Nous considérons très sérieusement les menaces d’Abou Moussab al-Zarqaoui et nous avons pris toutes les précautions», a ainsi affirmé le ministre de l'Intérieur Falah al-Nakib. «Tous ceux qui travaillent pour le bien du pays sont une cible de ce groupe en guerre non pas contre le gouvernement mais contre l'Irak et contre tous ceux qui veulent rétablir la sécurité», a-t-il ajouté.

Cette vision est largement partagée par le numéro 2 du Pentagone Paul Wolfowitz, visiblement pessimiste quant à une rapide amélioration de la situation. De retour d’un voyage en Irak, le bras droit de Donald Rumsfeld a ainsi affirmé s’attendre à une intensification de la violence en Irak. «Ce serait une erreur de penser que la violence va diminuer après le 30 juin car je pense que l’ennemi va cibler les progrès déjà réalisés jusqu’à la tenue des élections qui sera également une nouvelle occasion d’intimider les Irakiens», a-t-il notamment souligné.  Il a également reconnu que les troupes américaines pourraient rester en Irak pendant de nombreuses années encore, jusqu’à ce que les Irakiens soient en mesure de défendre eux-même leur pays.

Pour faire face à cette intensification des violences, le nouvel exécutif irakien, appuyé par les forces américaines, pourrait très vite décider d’imposer la loi martiale dans certaines région du pays, notamment dans le secteur de Falloujah ou celui de Najaf où l’imam chiite radical Moqtada al-Sadr est toujours retranché. Le gouvernement s’inspirerait ainsi de la «loi numéro quatre» de 1965 –déjà appliquée du temps du régime de Saddam Hussein– qui restreint les libertés publiques et l'autorise à dissoudre les associations et les partis, détenir les personnes sans mandat, empêcher leur libre circulation et expulser les étrangers. Cette option n’est toutefois pas sans danger dans la mesure où elle pourrait ruiner les efforts de réconciliation nationale entrepris depuis peu et radicaliser de nombreux Irakiens toujours méfiants envers le nouveau pouvoir.



par Mounia  Daoudi

Article publié le 23/06/2004 Dernière mise à jour le 23/06/2004 à 13:47 TU