Irak
Les autorités de transition en ligne de mire
(Photo: AFP)
Au moins sept irakiens, dont quatre policiers, ont péri dimanche aux premières heures de la matinée dans un attentat suicide à la voiture piégée perpétré à Bagdad, près d’une base américaine. Les sources hospitalières citées par l’AFP annoncent vingt-trois blessés. L’explosion a eu lieu dans le quartier de Roustoumya, dans le sud-est de la capitale, près d’une station-service, alors que les automobilistes faisaient la queue pour faire le plein d’essence. Deux véhicules de police et huit voitures particulières ont été détruites dans l’explosion. Un peu plus tard, à la mi-journée, c’est un professeur de géographie de l’Université de Bagdad qui tombait sous les balles de tueurs.
Ces nouveaux attentats s’inscrivent dans un climat de violence que rien ne semble en mesure d’atténuer. La perspective du transfert du pouvoir à un exécutif irakien, à la fin du mois, n’est manifestement pas de nature à faire baisser la tension. Une dérive radicale semble à l’œuvre et tous les symboles de l’autorité sont devenus des objectifs potentiels, des plus illustres aux plus modestes. Dans ce contexte, la police paie le prix fort, mais également le personnel politique, cible des attaques comme en témoignent les assassinats perpétrés au cours de ces deux derniers jours.
Deux hauts fonctionnaires tués
En effet, la nouvelle équipe dirigeante irakienne vient de perdre dimanche un nouveau haut fonctionnaire, le second ce week-end. Des inconnus ont tiré sur Kamal Jarrah, alors qu’il quittait son domicile du quartier Ghazalia de Bagdad pour se rendre à son travail. Il est mort des suites de ses blessures. L’épouse du directeur des relations culturelles du ministère de l’Education, qui se trouvait avec lui au moment de l’attaque, est saine et sauve.
C’est le second responsable irakien abattu au cours de ces deux derniers jours, après l’assassinat, samedi, du sous-secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères chargé des organisations internationales et de la coopération. Bassam Koubba a été attaqué alors qu’il se rendait lui aussi à son travail. Son chauffeur a été blessé. L’agression a eu lieu dans le quartier d’Aazamiyah, dans le centre de la capitale irakienne. Le porte-parole du ministère des Affaires étrangères a précisé que le diplomate avait été ambassadeur à Pékin, sous le régime de Saddam Hussein, avant de se rallier aux nouvelles autorités. Il a attribué son assassinat aux partisans de l’ancien raïs.
«Ils ne réussiront pas»
L’administration américaine a évoqué le risque d’une multiplication des attentats à l’approche du transfert de souveraineté à un gouvernement irakien, le 30 juin. La porte-parole de la présidence des Etats-Unis, Jeanie Mamo, a déclaré que «les terroristes et certains partisans de l’ancien régime cherchent à stopper la marche vers la liberté en Irak et vont accentuer leurs tentatives à l’approche de l’échéance du 30 juin. Ils ne réussiront pas».
Mais l’insécurité est à son comble. Et les coups infligés sont sévères et ne laissent guère de répit aux fonctionnaires irakiens accusés de collaborer avec les autorités d’occupation. Samedi soir, c’était le directeur du commissariat Atraf de Baaqouba, à une soixantaine de kilomètres de Bagdad, qui échappait de justesse à une tentative d’assassinat. Majid Almani Mahal a été blessé par balles. Le chef des gardes-frontières irakiens compte également parmi les victimes de ces attaques. Le général Hussein Moustapha a, lui aussi, été blessé par balles samedi, et l’un de ses gardes a été tué par les tirs de ses agresseurs.
Le réalisme de Moqtada Sadr
Cette violence endémique tue également des civils irakiens, victimes des accrochages quasi quotidiens entre les groupes armés et les troupes d’occupation. Deux enfants ont été tués samedi et vingt-trois personnes ont été blessées lors de heurts entre forces américaines et miliciens du chef chiites Moqtada Sadr.
Ce dernier, pourtant, vient de manifester un relatif soutien aux autorités appelées à administrer le pays à la fin du mois. «Je suis avec le gouvernement s’il appelle à la fin de l’occupation et propose un calendrier pour le départ des forces étrangères», a affirmé le chef religieux lors d’un prêche prononcé en son nom vendredi. Le porte-parole du gouvernement s’est félicité de «son soutien, en rappelant que le gouvernement dirigé par Iyad Allaoui est fondamentalement opposé à l’occupation». Selon un proche du chef religieux, Moqtada Sadr aurait adopté un point de vue «réaliste» et non plus «juridique et religieux».
Du coup, la coalition semble mieux disposée à son égard et pourrait renoncer à mettre à exécution le mandat d’arrêt qu’elle a lancé contre lui. «Nous sommes très encouragés par ce qu’il a dit (…) et nous espérons qu’il continuera sur cette ligne raisonnable», a indiqué un responsable militaire cité par l’AFP.
par Georges Abou
Article publié le 13/06/2004 Dernière mise à jour le 13/06/2004 à 14:16 TU