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Espagne

Madrid ensanglanté à la veille des législatives

Au moins 186 personnes ont été tuées jeudi et plus d'un millier d'autres blessées dans une série d’explosions qui se sont produites à l’heure de pointe à bord de plusieurs trains espagnols qui se dirigeaient vers la capitale. Ces attentats qui se sont produits à 72 heures des élections législatives ont été immédiatement attribués par Madrid à l’organisation terroriste basque ETA que les autorités espagnoles affirmaient il y a quelques semaines avoir pourtant décapité. L’attentat le plus meurtrier jamais commis par les séparatistes basques remonte à juin 1987. Il avait fait vingt et un morts dans un supermarché de Barcelone.
Les explosions se sont produites à quelques minutes d’intervalles. Survenue vers 7h30, à une heure de très grande affluence, la première attaque a frappé un train qui était stationné dans la grande gare d’Atocha dans le sud de Madrid. La deuxième a visé, au niveau des aiguillages, un autre train qui se dirigeait également vers la capitale espagnole. Les deux autres explosions ont visé des trains de banlieue, bondés à cette heure de la journée, l’un dans la gare de Santa Eugénia et l’autre dans celle de El Pozo. Le ministère de l'Intérieur, Angel Acebes, a indiqué que 29 personnes avaient péri à Atocha, 18 à El Pozo et 15 à Santa Eugenia et des sources hospitalières chiffraient à plus de 350 le nombre de blessés. Selon le ministre, tous ces attentats se sont produits à «quatre ou cinq minutes d’intervalles». Aucun appel téléphonique préalable n’est venu prévenir de l’imminence des explosions comme cela a été le cas dans le passé en Espagne.

Tout le secteur de la gare d’Atocha a immédiatement été bouclé pour faciliter le travail des secouristes. De nombreuses personnes ont été soignées dans la rue à même le sol et un gymnase proche de la gare a été transformé en hôpital de campagne. Dans un ballet incessant, les ambulances ont transporté des centaines de blessés vers les centres hospitaliers de la capitale. Mais en raison de la saturation des services d’urgence plusieurs dizaines de personnes ont dû être acheminées vers les centres médicaux de la banlieue. Des appels à des dons de sang ont été relayés par tous les médias et des centaines de Madrilènes se sont rendus dans les hôpitaux de la capitale ou dans les postes ambulants installés à cet effet par les autorités régionales.

Ces attentats, les plus meurtriers jamais commis dans un pays de l’Union européenne, ont été immédiatement attribués aux séparatistes basques. «Il s’agit d’un massacre de l’organisation criminelle ETA. Ces tueurs s’efforcent de semer toujours plus de terreur et de chaos», a notamment affirmé le ministre du travail, également porte-parole du gouvernement, Eduardo Zaplana. Ces attaques terroristes sont intervenues à 72 heures des élections législatives espagnoles mettant fin prématurément à la campagne en cours. La quasi-totalité des partis politiques ont en effet suspendu toutes leurs activités. «La campagne est terminée», a ainsi affirmé le candidat du Parti populaire au pouvoir, Mariano Rajoy, estimant que «ces attentats massifs avaient plongé la démocratie dans le deuil». Le gouvernement a par ailleurs décrété trois jours de deuil national. Il a également demandé à tous les Espagnols de se rassembler vendredi soir afin de marquer leur condamnation de ces attentats.

Batasuna dément et condamne

Arnaldo Otégi, le dirigeant du parti radical basque Batasuna qui avait été interdit il y a quelques mois pour ses liens avec ETA, a toutefois démenti que cette organisation soit responsable de ces attentats. «Je refuse d’envisager comme hypothèse qu’ETA soit derrière ces attaques», a-t-il affirmé. «L’ETA a toujours prévenu au long de son histoire au moment de poser des explosifs. Or tout semble indiquer qu’il n’y a eu aucune sorte d’appel aujourd’hui», a-t-il justifié. Arnaldo Otégi a en outre souligné que «le modus operandi, le nombre élevé de victime et la façon de procéder» indiquent qu’il pourrait bien s’agir «d’une action de secteurs de la résistance arabe». Il a à ce sujet rappelé que l’Etat espagnol maintenait «des forces d’occupation en Irak». Le dirigeant de Batasuna a également condamné «au nom de la gauche indépendantiste basque» le quadruple attentat de Madrid. «La gauche indépendantiste basque, a-t-il dit, veut montrer son rejet le plus absolu de ce qui est arrivé aujourd'hui à Madrid et des actions aveugles contre la population civile et les travailleurs qui allaient à leur poste de travail».

Malgré ces démentis, les autorités espagnoles ont maintenu leurs accusations. «Les forces de sécurité de l’Etat et le ministère de l’Intérieur n’ont aucun doute que le responsable de cet attentat est l’organisation terroriste ETA», a ainsi affirmé lors d’un point de presse Angel Acebes. «Il est absolument clair qu’elle recherchait un attentat aux répercussions larges», a-t-il également ajouté en dénonçant vivement les manipulations entreprises par les séparatistes basques. «Nous assistons à un processus d’intoxication commencé par M. Otégi de manière misérable pour détourner l’attention», a-t-il ainsi déploré insistant sur le fait que toute tentative visant à détourner l’attention de ceux qui se sont rendus responsables de ces attentats était «intolérable».

Selon les premiers éléments de l’enquête, ce sont finalement treize bombes qui ont été utilisées pour commettre ces attentats. «Trois ont explosé à la gare d’Atocha et quatre à proximité de cet édifice. Une autre bombe a sauté dans la gare de Santa Eugenia et deux autres dans celles du Pozo», a annoncé en début d’après-midi Angel Acebes. Le ministre a également précisé que les artificiers de la police avaient procédé à l’explosion contrôlée de trois autres engins. La police poursuivait également ses recherches pour retrouver deux personnes qui ont été vues plusieurs fois montant et descendant de trains sur la ligne ferroviaire où ont eu justement lieu les explosions. Par ailleurs, de source proche des milieux de lutte anti-terroriste, on soulignait que l’explosif employé dans ces attentats était de la dynamite, habituellement utilisée par l’organisation ETA. Les quantités d’explosifs n’ont toutefois pas été précisées. Il y a une dizaine de jours, la police espagnole avait intercepté une camionnette chargée de plus d’une demi-tonne d’explosifs qui se dirigeait vers Madrid.
(à suivre)

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par Mounia  Daoudi

Article publié le 11/03/2004