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Espagne

Aznar affronte l’épreuve des urnes

Un an avant les législatives, le Parti populaire, au pouvoir en Espagne depuis 1996, passe un test électoral crucial. Les résultats des élections municipales et régionales partielles organisées dimanche montreront la capacité du gouvernement de José Maria Aznar à résister aux effets dévastateurs de deux graves crises politiques majeures qui ont secoué le pays au cours des six derniers mois, la première à la suite du naufrage du pétrolier Prestige et la seconde en raison du soutien offert par l’Espagne à la guerre en Irak.
Une mouette bleue planant au-dessus de deux lettres «P». Le symbole du Parti Populaire (PP) de José Maria Aznar était une proie facile pour tous les citoyens mécontents de la manière dont le gouvernement espagnol a géré la crise du Prestige, le pétrolier qui a fait naufrage en novembre au large des côtes espagnoles. Et c’est depuis une mouette dégoulinante de fioul que les opposants au Premier ministre espagnol peignent sur leurs banderoles, reprochant notamment à José Maria Aznar d’avoir mis plus de deux mois avant de se rendre sur les plages souillées par la marée noire. C’est d’ailleurs dans une des régions les plus touchées par la pollution, celle de Galice, que le chef du gouvernement espagnol a effectué mardi l’un de ses derniers meetings électoraux de la campagne pour les élections municipales et régionales. Devant près de 4000 militants du PP, il a expliqué que le mal était passé. Dans le même temps, plusieurs centaines de manifestants criaient leur colère en accusant la droite espagnole de continuer à occulter les conséquences de cette catastrophe écologique.

Il ne fait pas de doute que la gestion du naufrage du Prestige sera l’un des éléments déterminants des élections de dimanche. Plus de 34 millions d’électeurs sont appelés à élire en un tour de scrutin les conseillers de 8111 communes et plus de 18 millions d’électeurs doivent renouveler les parlements de 13 communautés autonomes sur les 17 que compte l’Espagne. Et à l’instar de la Galice, fief traditionnel de la droite espagnole, d’autres régions du pays risquent de voir leur paysage politique bouleversé. Pour la première fois depuis son arrivée au pouvoir en 1996, le PP, victorieux aux municipales et régionales de 1991, 1995 et 1999, est passé derrière le Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) dans les intentions de vote. Et il va devoir batailler dur dans plusieurs grandes villes du pays qu’ils contrôlaient jusque-là, à commencer par Madrid où Ana Botella, épouse du Premier ministre espagnol, figure en troisième place de la liste des candidats du PP.

Le gouvernement espagnol sait qu’il risque de payer très cher le soutien inconditionnel prêté aux Etats-Unis lors du conflit irakien. Cette position a déclenché un mouvement de protestation sans précédent en Europe, plus de 90% de la population espagnole se prononçant contre une intervention armée. D’immenses manifestations se sont déroulées dans tout le pays pour demander au gouvernement espagnol de ne pas se ranger aux côtés de la Grande-Bretagne et des Etats-Unis. Et l’obstination d’Aznar n’a cessé d’alimenter ce mouvement de protestation qui s’est progressivement transformé en catalyseur d’une grogne sociale latente en Espagne depuis l’automne 2002. Les manifestants ne défilaient plus seulement contre la guerre, mais également contre la réforme de l’éducation ou celle du système d’allocations chômage. Et tous ont cristallisé leur mécontentement sur le même homme, José Maria Aznar, qui a enregistré une impressionnante dégringolade dans les enquêtes de popularité. Une situation qui ne semble cependant pas gêner outre-mesure le chef du gouvernement puisqu’il a déjà annoncé qu’il ne briguerait pas un troisième mandat l’année prochaine.

Un bilan économique positif

Face à un tel front de contestation, le gouvernement Aznar a tenté de faire oublier les divisions en axant sa campagne sur les bons résultats économiques obtenus par l’Espagne. Le nombre de demandeurs d’emploi a reculé en février pour la première fois depuis juillet 2002, passant sous la barre des 10% de la population active (9,38%). Et la Banque d’Espagne vient d’annoncer que le produit intérieur brut du pays avait augmenté de 0,3% au cours du premier trimestre de l’année, un meilleur résultat que celui obtenu par ses partenaires européens pendant la même période. De plus, pour la première fois depuis 25 ans, l’Espagne a pu afficher en 2002 des comptes publics équilibrés. Un bilan économique toutefois contrasté par un taux d’inflation de 4% fin 2002, un chiffre supérieur aux critères fixés par le traité de Maastricht.

Un autre cheval de bataille du gouvernement espagnol dans cette campagne a été la lutte contre l’immigration illégale. Il disposait d’un délai courant jusqu’au 9 juin pour adopter une réforme de la législation sur les étrangers, un projet de loi retouché par le Tribunal suprême qui a invalidé une partie de son contenu. Lundi, moins d’une semaine avant le scrutin, José Maria Aznar déclarait que son gouvernement allait approuver au plus vite le nouveau texte. Selon l’organisation non-gouvernementale espagnole SOS Racismo; plus de 600 000 immigrants se trouvent en situation illégale en Espagne. La plupart d’entre eux viennent d’’Afrique et d’Amérique Latine. Et l’actuel gouvernement a déjà modifié par le passé plusieurs dispositions légales de façon à limiter l’arrivée d’immigrants en provenance de pays comme la Colombie ou l’Equateur.

La question du Pays basque a également été très présente au cours du débat pré-électoral. En raison de l’interdiction de la formation politique Batasuna par la justice espagnole qui la considère comme un instrument au service de l’organisation armée ETA, les indépendantistes radicaux seront pour la première fois depuis vingt-cinq ans absents des élections municipales et régionales. La Plate-forme pour l’autodétermination (AuB), considérée par les autorités comme l’héritière de Batasuna, et différents petits groupes politiques ont vu plus de 90% de leurs listes interdites. Une décision critiquée les mouvements basques prônant l’action politique pour parvenir à l’autodétermination du Pays basque et autorisés à participer à ce scrutin. Car ils craignent que la marginalisation politique ne permette aux plus radicaux de justifier plus facilement le recours à la lutte armée.



par Olivier  Bras

Article publié le 24/05/2003