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Espagne

«<i>Madrid a induit l’Europe en erreur»</i>

Mohamed Benaïssa, le ministre marocain des Affaires étrangères en visite à Paris, a affirmé vendredi que l’Espagne avait «induit l’Europe en erreur» au sujet du différend qui l’oppose au Maroc sur l’îlot Persil/Leïla. Une affirmation que Bruxelles semble avoir admise puisque la Commission européenne a finalement fait marche-arrière après avoir initialement déclaré que Rabat avait «violé l’intégrité territoriale espagnole» en installant un poste de surveillance sur ce bout de rocher de treize hectares et demi, peuplé par quelques chèvres. L’UE assure, en effet, aujourd’hui qu’elle n’a jamais pris position sur le statut juridique de cet îlot. Les Etats-Unis, partie prenante pour apaiser les tensions entre les deux voisins, ont pour leur part assuré qu’un accord pour dénouer la crise était imminent.
«La réaction de l’Union européenne nous a profondément surpris», a affirmé Mohamed Benaïssa. Le chef de la diplomatie marocaine a, en effet, estimé que les responsables européens «auraient dû se renseigner sur la position du royaume» avant de déclarer que la mise en place d’un poste de surveillance sur l’îlot Persil/Leïla était une «violation de l’intégrité espagnole». Le ministre a longuement démontré, en se référant à de nombreux documents, que ce bout de rocher «aride et inhabitable», situé à moins de 200 mètres des côtes et donc dans les eaux territoriales du royaume, appartenait bien au Maroc ; l’Espagne n’ayant jusqu’à présent à aucun moment revendiqué sa souveraineté. Il a également déploré que le Premier ministre danois, dont le pays assure la présidence de l’Union européenne, n’ait pas jugé bon de prendre au téléphone son homologue marocain. «Abderrahmane Youssoufi a tenté à maintes reprises, pendant deux ou trois jours de contacter le chef du gouvernement danois mais en vain», a ainsi regretté Mohamed Benaïssa qui a estimé que «ce signal n’était pas sain». Selon lui, L’Espagne a «induit l’Europe sur une piste qui pourrait avoir des conséquences graves sur le processus de Barcelone» qui définit la coopération entre les pays du nord et du sud de la méditerranée.

L’Europe, qui a, dès le début de la crise, soutenu sans réserve l’Espagne, est revenue à une position moins tranchée après les vives critiques dont elle a fait l’objet pour sa gestion de ce dossier. Jonathan Fall, le porte-parole de la Commission, a ainsi assuré vendredi n’avoir «jamais pris position sur le statut juridique de l’îlot». Selon lui, la Commission n’avait fait que reprendre la position de Madrid en assurant que l’intégrité de l’Espagne était en cause et donc que le «territoire de l’Union était concerné». Le souci pour l’Europe était d’«essayer de faire preuve de compréhension pour un Etat membre dans une situation difficile», a-t-il estimé en rappelant une fois de plus que les relations entre l’UE et le Maroc étaient «très importantes». Jonathan Fall a, par ailleurs, déclaré que «le droit international offrait des possibilités pour trancher tout à fait paisiblement ce différend». Il a également fait état de «signes plutôt favorables du royaume du Maroc». De son côté, Mohamed Benaïssa a confirmé qu’il se rendait dans les prochaines quarante-huit heures à Bruxelles pour rencontrer Romano Prodi, le président de la Commission européenne ainsi que plusieurs ministres européens des affaires étrangères.

Le but inavoué de l’Espagne

Mohamed Benaïssa a par ailleurs confirmé que la crise de l’îlot Persil/Leïla n’est que «le prolongement d’une autre crise», celle qui oppose le Maroc et l'Espagne notamment sur les dossiers de la pêche, de l’émigration clandestine et du Sahara occidental. Il a, en outre, estimé que «la présence de neuf Marocains sans arme sur un bout de terre de la taille de deux terrains de football ne méritait pas le déploiement d’une armada». Le but inavoué de l’Espagne est ainsi, selon lui, de couper court à toute revendication marocaine sur les enclaves de Ceuta et Melilla. Pourtant, a-t-il affirmé, il faudra tôt ou tard aborder ce dossier épineux, surtout à un moment où l’Espagne tente d’imposer une souveraineté partagée sur le rocher, naguère stratégique, de Gibraltar. Mohamed Benaïssa a ainsi rappelé que la situation de ses deux villes était pour le Maroc anachronique et que des territoires comme ceux de Hong Kong ou Macao avaient bien été rétrocédés.

Aussi catégorique qu’il soit sur la nécessité de renégocier le statut de Ceuta et Melilla, le Maroc n’en demeure pas moins, a affirmé son ministre, déterminé à privilégier la voix du dialogue. Concernant la crise de l’îlot, Mohamed Benaïssa a ainsi affirmé que le royaume n’avait pas l’intention de recourir à la force pour chasser les 75 légionnaires espagnols qui l’occupent. «La guerre est pour nous exclue», a-t-il notamment déclaré. Le chef de la diplomatie marocaine a par ailleurs assuré, malgré le vigoureux démenti espagnol, qu’un accord verbal avait bien été conclu quelques minutes seulement avant l’invasion déclenchée par Madrid. Le royaume, a-t-il affirmé, «s’était engagé auprès des Etats-Unis et de l’Espagne à quitter l’îlot avant midi». Washington, qui est partie prenante pour un apaisement de la tension entre les deux pays, a affirmé vendredi qu’un accord «était proche».



par Mounia  Daoudi

Article publié le 20/07/2002