Terrorisme
Paris et Londres coopèrent dans la lutte contre le terrorisme
Au début des années 90, les Français avaient découvert avec surprise et un peu de méfiance les caméras vidéo installées par Patrick Balkany dans sa commune de Levallois-Perret, banlieue parisienne à la réputation tranquille. Questionnés par les médias, les habitants expliquaient qu’ils se sentaient rassurés par ce système de vidéosurveillance.
Les années ont passé, les caméras se sont imposées dans la rue pour analyser le trafic, repérer les infractions au code de la route, évaluer les embouteillages. Les systèmes de vidéosurveillance sont entrés dans les mairies, les banques, les centres commerciaux, les pharmacies, et bien sûr les couloirs du métro et du RER. Les professionnels reconnaissent installer chaque année entre 25 et 30 000 nouveaux systèmes de vidéosurveillance. Il faut dire que les mentalités ont changé puisque espionner ses compatriotes donne matière à des jeux télévisés prisés.
La Cnil débordée
Renforcer le maillage des systèmes de surveillance dans toute la gamme des lieux urbains fréquentés par le public ne devrait donc pas poser problème au gouvernement. Les Français accepteront d’être filmés au nom de la sécurité. Les attentats de Londres feront tomber les dernières réticences concernant les libertés puisque la vidéosurveillance a montré son efficacité pour retrouver les kamikazes du métro londonien. « Il faut protéger nos sites les plus exposés les gares, aéroports, échanger les informations pour pouvoir encore affiner nos moyens » a indiqué depuis Londres Dominique de Villepin.
La Cnil, la Commission informatique et libertés s’est battue récemment pour que les chefs d’entreprises n’aient pas la possibilité d’espionner à leur insu les communications téléphoniques de leurs salariés. L’organisation chargée par l’Etat de veiller aux droits privés des individus est submergée de demandes pour créer des fichiers en tout genre. Pourtant, elle n’a pas de droit de regard sur ce développement exponentiel des systèmes de vidéosurveillance dans les lieux publics.
Les archives et les mobiles
En revanche en ce qui concerne le téléphone mobile, la Cnil doit donner l’autorisation à des enquêteurs potentiels d’écouter des conversations téléphoniques passées. Une fois encore dans l’enquête sur les attentats de Londres, la mémoire de certains téléphones portables a permis de faire le lien entre plusieurs personnes soupçonnées d’appartenir à la mouvance terroriste. Au début de l’enquête effectuée sur le sol britannique par Scotland Yard, le ministre français de l’Intérieur Nicolas Sarkozy a jeté un pavé dans la mare en affirmant que «une partie de cette équipe avait fait l’objet d’une arrestation partielle, je dirais aux alentours du printemps 2004». Il s’en était suivi un début de polémique avec son homologue britannique Charles Clarke. A cette occasion, le ministre français de l’Intérieur avait également réclamé la conservation, par les opérateurs de téléphonie mobile, pendant une année entière, des données téléphoniques. Ce n’est pas le contenu - privé - des conversations qui intéresserait des enquêteurs mais la provenance des appels, leur localisation et les identités des personnes contactées. «Il faut conserver plus longtemps les données téléphoniques», a déclaré le Premier ministre français après son entretien avec son homologue britannique, évoquant même une durée de «plusieurs années». Il faut «contrôler les contacts qui ont pu exister entre des membres d’un même réseau…Ca peut être extrêmement précieux», a encore indiqué Dominique de Villepin à l’issue de sa rencontre avec Tony Blair.
L’approche européenne
«Il faut trouver des solutions, sans quoi la population se demandera ce que nous faisons. Le droit de voyager dans le métro sans se faire exploser est un droit de l’homme important» déclarait la semaine dernière le ministre britannique de l’Intérieur Charles Clarke. Après les attentats du 7 juillet et la tentative avortée qui a suivi, le Royaume-Uni n’aura donc pas d’états d’âme pour renforcer les contrôles, notamment dans les archives téléphoniques. Plusieurs pays européens dont la France le souhaitent. Les opérateurs espagnols devraient très rapidement être obligés d’archiver des données pendant un an. L’Allemagne, l’Autriche et la Finlande seraient pour un stockage pendant trois mois seulement, au nom des libertés individuelles.
Mieux partager les informations
Malgré ses critiques sur la manière de travailler de la police britannique, Nicolas Sarkozy a accompagné Dominique de Villepin pour ce rendez-vous à Londres avec Tony Blair. C’est lui, le ministre de l’Intérieur, qui décide de monter le niveau de vigilance du plan Vigipirate mais aussi d’ouvrir de nouvelles pistes pour freiner le terrorisme en Europe. La semaine dernière, le ministre français de l’Intérieur a annoncé son intention de mener une action de «détection précoce des éléments concourant à la radicalisation terroriste », notamment chez les imams radicaux. A Londres, Dominique de Villepin a expliqué que la France et le Royaume-Uni allaient renforcer leur coopération : Il faut mieux partager les informations sensibles que nous pouvons avoir en ce qui concerne les djihadistes. Nous avons tous recensé dans nos différents pays un certain nombre de djihadistes passés par des camps en Afghanistan, en Iran, en Bosnie. Ces personnes, lorsqu’elles reviennent dans nos propres pays, constituent une menace particulière parce qu’elles sont passées à l’acte dans ces terrains d’entraînement et sont susceptibles de le faire à nouveau».
Le contrôle renforcé sur le terrain
La France a mis en place des pôles régionaux de lutte contre l’islamisme radical, placés sous l’autorité des préfets. Lorsque Dominique de Villepin était ministre de l’Intérieur, il avait annoncé des mesures pour mieux organiser l’islam de France. Mais il avait également décidé, c’était en décembre 2004, de lutter contre l’islamisme radical. Une première cellule de lutte contre l’islamisme avait été mise en place à la préfecture de police de Paris. Elle a été démultipliée dans les régions, ce qui a conduit au contrôle de plusieurs centaines de personnes, une centaine faisant l’objet de mesures d’éloignement ou de refus de titre de séjour. « Cela me fait penser à ce qu’on fait contre les sectes » expliquait tout récemment un cadre des Renseignements généraux. La création de ces pôles régionaux a entraîné l’expulsion de deux anciens imams d’origine algérienne, Chellali Benchellali et Abdelkader Bouziane, en raison de leurs prêches radicaux. Abdel Aissaoui a lui aussi été expulsé, il figurait sur la liste des imams radicaux des renseignements généraux. Il faisait l’objet d’une interdiction de séjour depuis janvier 1999.
Le Premier ministre français se dit «convaincu que la dénonciation des prêches islamistes appelant à la violence, le démantèlement des réseaux radicaux, l’expulsion des ressortissants étrangers qui ne respectent pas nos valeurs et nos lois constituent la première condition d’une lutte efficace contre le terrorisme».
par Colette Thomas
Article publié le 25/07/2005 Dernière mise à jour le 26/07/2005 à 09:03 TU