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Transport maritime

Le conflit se durcit à la SNCM

Les salariés de la SNCM se sont mis en grève il y a huit jours, perturbant très fortement les voyages maritimes au départ de Marseille.(Photo : AFP)
Les salariés de la SNCM se sont mis en grève il y a huit jours, perturbant très fortement les voyages maritimes au départ de Marseille.
(Photo : AFP)
Le conflit s’est durci mardi à Marseille où les salariés de la SNCM bloquent les activités portuaires, qu’il s’agisse des échanges en Méditerranée ou des activités du pôle pétrolier. Pour les salariés de la Société nationale Corse-Méditerranée, il s’agit de protester contre la privatisation de leur entreprise, au bord du dépôt de bilan, qui va être rachetée par Butler Capital Partners, un fonds de pension français.

Le personnel de la Société nationale Corse-Méditerranée est en grève depuis le 20 septembre pour protester contre des choix économiques qui s’annonçaient et que le gouvernement français vient de finaliser ce mardi. L’entreprise publique, dont la mission est d’effectuer des navettes passagers entre le continent et la Corse, et dont les comptes vont très mal,  va être privatisée. Le gouvernement a finalement choisi l’offre du fonds d’investissement Butler Capital Partners. Il reprendra la totalité de la compagnie maritime, au bord du dépôt de bilan.

«Sur la base d’un examen approfondi des deux offres, Thierry Breton, ministre de l’Economie, et Dominique Perben, ministre des Transports, ont décidé de retenir le groupe BCP pour la reprise de la SNCM car son offre, tout en étant la plus acceptable au point de vue financier, est la plus à même de répondre aux intérêts de la compagnie, du service public et de l’emploi». C’est ce que les deux ministres ont annoncé mardi à travers un communiqué.

La reprise au plus offrant

Le fonds de pension Butler était candidat, avec un autre fonds de pension français, Caravelle, à la reprise de la SNCM. C’est le plus offrant qui l’a emporté. Butler va donc racheter la Société nationale Corse-Méditerranée, société publique de transport, pour 35 millions d’euros. L’Etat français va mettre la main au porte-monnaie pour aider à remettre l’entreprise sur les rails puisque la recapitalisation atteindra 113 millions d’euros. C’est le PDG du fond de pension qui l’a annoncé lui-même lundi. Walter Butler a par ailleurs estimé «indispensable» un plan social dans l’entreprise. Avant l’annonce officielle par les deux ministres, Walter Butler avait déjà chiffré ce plan social, estimant que 350 à 400 emplois seraient supprimés dans l’entreprise qui compte actuellement 2 400 salariés dont 800 en Corse.

Avant l’annonce officielle du rachat de la SNCM par Butler Capital Partner, le PDG du fonds s’était donc dès lundi, longuement exprimé sur la radio publique régionale. Walter Butler avait indiqué que les licenciements passeraient pour l’essentiel par des préretraites et des départs volontaires, jugeant «indispensable» un plan social. Autre déclaration du responsable de ce fonds : «C’est une compagnie qui a su conserver un chiffre d’affaires significatif. La compagnie peut être rentable. Elle l’a déjà été par le passé, même si ce n’est pas fréquent».

Mardi, à l’occasion de l’annonce officielle de la privatisation de la SNCM, le ministère des Transports a rappelé que la situation financière de la SNCM était «dégradée et,  qu’après une recapitalisation par l’Etat de 69 millions d’euros en 2003, elle risquait d’être contrainte au dépôt de bilan». Le communiqué du ministère des Transports a par ailleurs souligné que les règles européennes interdisent à l’entreprise de reposer sur le seul soutien financier de l’Etat.

Une grève de protestation

L’hiver dernier, le gouvernement avait annoncé son intention de faire entrer un partenaire privé dans le capital de la SNCM. Mi-septembre, deux offres d’apport partiel en capital ou de reprise totale étaient venues de deux fonds de pension français, «ayant une expérience dans le redressement d’entreprises en difficulté», a encore expliqué le ministère des Transports pour expliquer son choix.

L’échéance de la privatisation approchant, les salariés de la SNCM se sont mis en grève il y a huit jours, perturbant très fortement les voyages maritimes au départ de Marseille. Pendant plusieurs jours, des touristes, des natifs, des hommes d’affaires ont tenté leur chance dans d’autres ports pour trouver le moyen de faire la traversée. Hier lundi, comme les intentions du gouvernement se précisaient, les marins ont durci leur grève. La nuit dernière, les forces de l’ordre sont intervenues pour délivrer un navire de la Compagnie méridionale de navigation, compagnie dont la SNCM possède des parts, et permettre à ce navire d’appareiller pour Bastia, en Corse.

La situation s’est encore tendue dans la journée de ce mardi puisqu’une quarantaine de navires sont désormais immobilisés, soit dans le port de Marseille, soit dans les terminaux pétroliers de Lavera et Fos, à proximité de la grande métropole du sud de la France. Les trafics de marchandises et le transport de passagers sont paralysés, les personnels du port autonome de Marseille faisant grève pendant vingt-quatre heures en solidarité avec leurs collègues de la SNCM.

Concernant le rachat par le fonds de pension Butler, les marins CGT de la Société nationale Corse-Méditerranée parlent «d’escroquerie et de scandale financier». Le syndicat indique : «la SNCM doit rester une entreprise publique nationale». La CGT refuse de «laisser livrer ce joyau du service public maritime…aux armateurs privés».

Beaucoup de choix en Méditerranée

Malgré des restructurations entreprises ces dernières années, la SNCM est en déficit chronique. En un an, estiment les économistes, la situation de la compagnie s’est considérablement dégradée, en raison notamment de l’augmentation du coût du carburant. Deux longs conflits sociaux ont privé la compagnie de recettes. L’été dernier, le trafic vers la Corse a baissé de près d’un tiers alors que le principal concurrent de la SNCM, Corsica Ferries faisait un bond en avant avec 20% de passagers supplémentaires. Les experts du monde maritime mettent également en avant le coût du personnel, supérieur à d’autres compagnies européennes, et la sous-utilisation des ferries de la Société. Petit à petit, la compagnie s’est financièrement fragilisée, rendant inéluctable le dépôt de bilan ou la cession au privé.

D’une manière plus globale, les offres de transport en Méditerranée Occidentale se multiplient. La concurrence est rude entre les compagnies marocaines, algériennes, françaises, espagnoles et italiennes. Certaines compagnies passent au privé, en totalité ou partiellement. Pour répondre à la demande ou trouver de nouveaux passagers, de nouvelles lignes se créent, fonctionnant parfois seulement en été. Qu’il s’agisse du tourisme ou des affaires, les échanges sont intenses dans cette partie de la Méditerranée.       


par Colette  Thomas

Article publié le 27/09/2005 Dernière mise à jour le 27/09/2005 à 17:18 TU