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Sénégal

L’épidémie de choléra gagne du terrain

Un chauffeur de taxi désinfecte sa voiture après avoir accompagné un patient à l’hôpital. Depuis le 10 septembre, plus de 2 800 cas de choléra dont plus de 50 décès ont été enregistrés à travers le pays.(Photo : AFP)
Un chauffeur de taxi désinfecte sa voiture après avoir accompagné un patient à l’hôpital. Depuis le 10 septembre, plus de 2 800 cas de choléra dont plus de 50 décès ont été enregistrés à travers le pays.
(Photo : AFP)
L'épidémie en cours actuellement au Sénégal date de février dernier mais son bilan n'avait jamais été aussi lourd. Depuis le 10 septembre, plus de 2 800 cas de choléra dont plus de 50 décès ont été enregistrés à travers le pays. La région la plus affectée est Dakar, la capitale, en proie à des inondations et une insalubrité offrant un terreau fertile à la maladie. Pour y remédier, les autorités ont sonné la mobilisation générale et lancé des opérations «coup de poing contre le choléra».

De notre correspondante à Dakar

Le ministère de la Santé publie chaque jour un relevé épidémiologique devenu alarmant: le choléra a fait 53 morts parmi 2 833 malades recensés dans le pays entre les 10 et 26 septembre, selon le cumul des chiffres officiels. Cela représente une moyenne quotidienne de 166 malades avec des décès, contre 40 cas sans décès par jour il y a quelques semaines. La capitale compte à elle seule 60% des nouveaux cas. Pour la seule journée de lundi, on y a relevé 112 malades sur un total national de 178, et les quatre décès qui alourdissent le bilan général sont tous de Dakar. Les autorités politiques et sanitaires lient cette hausse vertigineuse aux inondations provoquées par des pluies diluviennes qui se sont abattues sur le Sénégal depuis la mi-août.

Dans la capitale et sa banlieue, les débordements d'eaux ont poussé des milliers de personnes à abandonner leurs domiciles au profit de sites de déplacés installés dans un complexe du quartier de Foire (nord de Dakar) et dans les camps militaires de Yeumbeul et Thiaroye (banlieue est) dans le cadre d'un plan d'organisation des secours (plan Orsec) déclenché le 20 août. Des milliers de victimes des inondations ont également trouvé refuge dans des établissements scolaires mais, faute de place, « beaucoup de familles n'ont pas encore été recasées et vivent jusqu'à présent dans l'eau », explique Ibrahima Ndiaye, superviseur à Thiaroye du Mouvement national d'actions patriotiques (MNAP), groupe local à vocation humanitaire qui a mobilisé des volontaires pour l'organisation des secours. Et c'est parmi ces sinistrés non-recasés que l'on enregistre beaucoup de cas de choléra, affirme M. Ndiaye, rencontré dans le camp de Thiaroye.

« Des gens restés dans l'eau »

Alioune Faye, directeur départemental de la Croix-Rouge de Pikine (banlieue est) et qui coordonne les volontaires de la Croix-Rouge à Pikine, Yeumbeul et Guédiawaye, confirme: la flambée de choléra a été enregistrée « dans les zones où les gens sont restés dans l'eau », et cite « Gounass, Guédiawaye, Diamagène, Guinaw Rail, Tableau Tivaouane », entre autres quartiers de la banlieue.

En effet, malgré le retour d'un soleil de canicule depuis quelques jours, le décor demeure peu reluisant par endroits dans cette partie de la ville. Ici, les eaux non évacuées par les opérations de pompage sont devenues verdâtres et font le lit de têtards et autres larves d'insectes. Là, une boue noirâtre s'offre au regard alors qu'une odeur pestilentielle a déjà fini d'atteindre les narines. Outre les inondations, les ordures sont également en cause dans la recrudescence du choléra, déclarent les autorités sanitaires. La capitale a été confrontée ces derniers jours à ce que le gouverneur de Dakar, Ndary Faye, a reconnu être une « défaillance dans le service public du nettoiement », c'est-à-dire dans le ramassage des ordures. Conséquence : Dakar était devenue une ville aux rues jonchées de poubelles débordantes ou transformées en dépotoirs survolés par de grosses mouches vertes attirées, notamment, par des restes de tiep bou dieune (riz aux poissons).

Devant la situation sanitaire qu'elles ont jugée « préoccupante », les autorités ont multiplié les réunions d'urgence, dont des conseils interministériels tenus les 20 et 22 septembre. A l'issue de ces rencontres, plusieurs décisions ont été prises : faire de Dakar « une ville propre » en l'espace d'une semaine, lancer des opérations « coup de poing contre le choléra », déployer 1 500 « volontaires de la Prévention » chargés notamment de distribuer des désinfectants et de sensibiliser sur le choléra, renforcer les mesures de contrôle des denrées alimentaires et de l'eau...

En attendant l'expiration de l'ultimatum fixé par le gouvernement, l'opération "Dakar, ville propre" se poursuit, a indiqué mardi soir le gouverneur Ndary Faye à l'antenne de la télévision sénégalaise. Selon lui, elle a déjà permis d'évacuer «4 222 m3 d'ordures», mais bute encore sur des tas d'immondices notamment au marché de Guédiawaye. Au Plateau, quartier des affaires, ses résultats ne sont pas non plus flagrants. Les tas de branchages qui encombraient certaines rues très passantes ont disparu, mais les poubelles demeurent plusieurs jours à leur place, avec leur cortège de mouches et d'odeurs nauséabondes, au grand dam des riverains et pas seulement. « Ils (les dirigeants) parlent, ils parlent, mais ils ne font que ça. On ne voit aucun résultat! », peste Fodé Diallo, chauffeur de taxi, obligé de frayer un chemin sur un tas d'immondices avec sa voiture tout juste lavée.


par Coumba  Sylla

Article publié le 28/09/2005 Dernière mise à jour le 28/09/2005 à 11:10 TU