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Etats-Unis

La journaliste Judith Miller libérée

Judith Miller a été remise en liberté jeudi. La journaliste du <EM>New York Times </EM>a finalement accepté de témoigner devant la justice américaine.(Photo : AFP)
Judith Miller a été remise en liberté jeudi. La journaliste du New York Times a finalement accepté de témoigner devant la justice américaine.
(Photo : AFP)
Quatre-vingt-cinq jours de prison pour défendre le secret de ses sources. La journaliste du New York Times, qui avait refusé de collaborer à une enquête sur la divulgation de l’identité d’un agent de la CIA –considérée comme un acte criminel aux Etats-Unis– a été remise en liberté jeudi. Judith Miller a finalement accepté de témoigner devant la justice après que son informateur l’a «volontairement et personnellement» libérée de sa promesse de préserver la confidentialité de leurs entretiens.

Judith Miller ne regrette visiblement rien. Dans un communiqué diffusé par le New York Times, la journaliste défend en effet toujours aussi vigoureusement sa décision d’avoir refusé de témoigner dans l’affaire Valerie Plame. «Je suis allée en prison pour préserver le vieux principe selon lequel un journaliste doit respecter la promesse de ne pas révéler l’identité d’une source confidentielle. J’ai choisi d’en assumer les conséquences plutôt que de violer cette promesse», a-t-elle expliqué. La position de Judith Miller a été d’autant plus respectable qu’elle n’a pas écrit une ligne sur le scandale politico-médiatique qui secoue depuis des mois Washington et qui lui a valu de se retrouver derrière les barreaux.

La justice américaine cherche en effet à déterminer le nom du ou des responsables de la l’administration Bush qui a divulgué à la presse l’identité d’un agent de la CIA, Valerie Plame, un crime passible d’une peine maximale de dix ans de prison aux Etats-Unis. L’affaire a éclaboussé la Maison Blanche soupçonnée d’avoir orchestrée ces fuites pour nuire au mari de l’agent, l’ancien ambassadeur Joe Wilson. Chargé en 2002 par l’agence de renseignement d’établir si le régime de Saddam Hussein avait ou non tenté d’acheter du minerai d’uranium au Niger, le diplomate, qui avait été en poste à Bagdad lors de la deuxième guerre du Golfe, n’avait découvert aucun élément pouvant étayer les affirmations de la Maison Blanche. Quelle ne fut donc sa surprise d’entendre le président Bush affirmer, en janvier 2003, le contraire dans son discours sur l’état de l’Union pour justifier une invasion de l’Irak. Joe Wislon était alors sorti de son devoir de réserve, publiant une tribune cinglante dans le New York Times pour dénoncer les manipulations de l’administration Bush. Quelques mois plus tard, l’éditorialiste conservateur Robert Novak, proche de la Maison Blanche, divulguait le nom et la profession de l’épouse du diplomate. Refusant de révéler ses sources, il assurait ne pas avoir été mis au courant que de telles informations risquaient de mettre en danger la vie de Valerie Plame ou celle des personnes travaillant avec elles.

Le chef du cabinet de Dick Cheney mis en cause

Quoiqu’il en soit un procureur spécial, Patrick Fitzgerald, a été chargé d’enquêter sur les origines des fuites et de déterminer si quelqu’un, au sein de l’administration américaine, avait sciemment révélé l’identité de l’agent de la CIA. Le magistrat mettra notamment un point d’honneur à arracher à plusieurs journalistes l’identité de leurs informateurs. Fin juin, quelques jours avant l’incarcération de Judith Miller, le journaliste du Time, Matthew Cooper, avait, sous la pression de ses patrons qui avaient remis ses notes à la justice, fini par céder aux injonctions du procureur et donner le nom du plus proche collaborateur de George, principal artisan de sa réélection, le tout puissant Karl Rove.

Bien qu’elle n’ait pas écrit une ligne sur le sujet, Judith Miller a elle aussi été convoquée par la justice. Mais se retranchant derrière le secret des sources, la journaliste du New York Times  a refusé de céder aux exigences du procureur Fitzgerald qui lui demandait l’identité de son informateur dans cette affaire. Son intransigeance lui a valu de se retrouver derrière les barreaux pendant plus de douze semaines. Elle aurait pu y rester encore si son mystérieux interlocuteur ne l’avait pas, il y a quelques jours, délivré de sa promesse de préserver la confidentialité de leurs entretiens. Judith Miller a donc finalement accepté de témoigner devant la justice. Le patron du New York Times, Arthur Ochs Sulzberger, a précisé que la journaliste avait reçu «une autorisation sans condition à la fois par téléphone et par écrit» la délivrant de toute confidentialité. 

Le quotidien new-yorkais a par ailleurs révélé que la personne qui avait informé sa journaliste n’était autre que Lewis Libby, le directeur de cabinet du vice-président américain Dick Cheney. Judith Miller l’a rencontré le 8 juillet 2003 et s’est entretenue avec lui par téléphone une semaine plus tard, a précisé le journal. Ces révélations ne pouvaient plus mal tomber pour la Maison Blanche dont l’image a été fortement écornée par le passage de l’ouragan Katrina et la popularité du président Bush est au plus bas.


par Mounia  Daoudi

Article publié le 30/09/2005 Dernière mise à jour le 30/09/2005 à 18:39 TU