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Balkans

Vers la fin du TPI ?

A Knin, des Croates se tiennent devant une affiche de soutien au général Ante Gotovina. (Photo: AFP)
A Knin, des Croates se tiennent devant une affiche de soutien au général Ante Gotovina.
(Photo: AFP)
La décision européenne d'ouvrir les négociations d'adhésion avec la Croatie représente un signal fort pour tous les Balkans occidentaux, mais la justice internationale ne risque-t-elle pas de faire les frais du processus ?

De notre correspondant dans les Balkans

Le feu vert européen, communiqué au Premier ministre croate Ivo Sanader au milieu de la nuit de lundi à mardi, représente une décision historique majeure. Au printemps dernier, les dirigeants européens avaient décidé de surseoir à l'ouverture de ces négociations, en raison de l'insuffisante coopération de Zagreb avec le Tribunal pénal international de La Haye.

Le seul obstacle à cette coopération tournait autour du sort du général Ante Gotovina, inculpé de crimes de guerres en 2001, et en fuite depuis cette date. Vendredi dernier, la procureure générale Carla Del Ponte, en visite à Zagreb, avait exprimé sa «déception» que le général fugitif ne soit toujours pas sous les verrous, faisant craindre un rapport négatif devant les ministres européens.

Bien au contraire, le rapport présenté à Luxembourg par Carla Del Ponte a souligné les progrès et les efforts des autorités croates, même si une pleine coopération supposerait que le général Gotovina soit effectivement transféré à La Haye. Les ministres européens ont rappelé que cette coopération demeurait une obligation pour la Croatie. À défaut, le processus de négociation pourrait même être interrompu à tout moment.

Mardi matin, la presse croate oscillait entre le triomphalisme et les analyses plus critiques. Tandis qu'un grand journal populaire titrait «Danke Österreich» - évocation directe du «Danke Deutschland» qui avait salué en Croatie la reconnaissance allemande de l'indépendance du pays, en 1991 -le quotidien Novi List analysait les circonstance de ce feu vert européen. La Croatie doit beaucoup à l'Autriche, hostile à l'intégration de la Turquie et favorable à celle de Zagreb. La Croatie a-t-elle bénéficié d'un complexe marchandage ? Et celui-ci ne risque-t-il pas de se faire au détriment des exigences de la justice internationale ?

La justice internationale sacrifiée sur l’autel de l’Europe ?

Certaines rumeurs en cours à Zagreb laissent croire que le général Gotovina pourrait se rendre prochainement, mais en ouvrant sa porte à la Croatie, l'Europe a néanmoins perdu son principal instrument de pression. Il y a quelques jours, l'ancien ministre britannique des Affaires européennes Denis McShane avait mis en garde sur les risques d'une perte de crédit du TPI: si l'Europe relâche ses pressions sur la Croatie pour obtenir l'arrestation de Gotovina, comment exiger de la Serbie celle de Ratko Mladic et Radovan Karadzic, les anciens chefs des Serbes de Bosnie ?

Alors que Bruxelles a également décidé d'entamer dès le 11 octobre les négociations avec Belgrade en vue de la signature d'un accord de stabilisation et d'association, des questions ne manquent pas de se poser sur le rôle et l'avenir du TPI. Soit Mme Gotovina a obtenu des garanties réellement convaincantes de la part des gouvernements de Serbie et de Croatie, soit on peut se demander si des pressions n'ont pas été exercées sur le TPI, au nom de l'impératif politique que représente le rapprochement européens des Balkans occidentaux.

En 2003, le sommet européen de Thessalonique avait reconnu la «vocation» des pays de la région à rejoindre l'Union. Après la Slovénie, membre depuis 2004, la Croatie s'engage sur cette voie, et le rapprochement européen de la Serbie pourrait représenter un argument de poids dans le cadre des négociations sur le statut futur du Kosovo, qui doivent bientôt s'ouvrir.


par Jean-Arnault  Dérens

Article publié le 05/10/2005 Dernière mise à jour le 05/10/2005 à 12:32 TU