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Ouganda

Milton Obote est mort

Milton Obote est décédé lundi à l'âge de 81 ans.(Photo : AFP)
Milton Obote est décédé lundi à l'âge de 81 ans.
(Photo : AFP)
L’ancien président ougandais Milton Obote est mort en Afrique du Sud à l’âge de 81 ans.

De notre correspondant à Kampala

Milton Obote est avant tout pour les Ougandais celui qui a conduit le pays à l’indépendance le 9 octobre 1962. Il n’y était pas prédestiné. Né le 28 décembre 1925 dans le petit village d’Akokoro, dans le Nord de l’Ouganda, il aurait pu élever des vaches, comme les autres paysans de l’ethnie Lango. Mais ses parents étaient des villageois aisés qui l’ont poussé à faire des études.

Milton Obote avait un grand talent d’orateur. Cela l’a conduit très tôt à s’engager politiquement. Après deux années d’art, à l’université de Makerere, il est renvoyé et se lance dans la vie professionnelle au Kenya voisin, à une époque, les années 1950, où le Kenya était bien plus bouillonnant politiquement que l’Ouganda. Obote y figure parmi les fondateurs du parti qui prendra le pouvoir au Kenya après le départ des Britanniques: la «Kenya African National Union» (L’Union nationale africaine du Kenya, KANU).

À l’époque, des liens idéologiques évidents unissent la plupart des partis politiques africains qui luttent pour l’indépendance. Milton Obote fait partie de ce courant et participe ainsi à la création en 1963, aux côtés, entre autre, du Tanzanien Julius Nyerere, de l’Organisation de l’unité africaine, l’OUA, qui est devenue l’Union africaine. Dans le même ordre d’idée, Obote va créer quatre ans plus tard avec le Kenya et la Tanzanie, la Communauté d’Afrique de l’Est.

En 1955, de retour du Kenya, Obote est déjà un politicien confirmé. Son objectif : l’indépendance. Il fonde un parti politique : l’ «Uganda National Congress» (le Congrès national ougandais - UNC). Ce parti s’est divisé en 1959 et Obote prend alors la direction d’un nouveau parti, l’«Uganda People’s Congress» (Congrès du peuple ougandais - UPC), à forte connotation catholique et antibritannique.

Un an avant l’indépendance, Obote, pragmatique, s’allie au puissant roi des Baganda, l’influente ethnie du centre de l’Ouganda et se fait élire Premier ministre quand l’Ouganda accède à l’indépendance en 1962. Le roi des Baganda, Edward Mutesa, devient alors le premier président d’Ouganda.

Milton Obote est apprécié pour ses capacités de négociation et d’écoute. Pour devenir Premier ministre de ce pays aux tensions tribales très fortes, il a dû surmonter son appartenance à l’ethnie Lengo et parvenir à exploiter les divisions ancestrales. Il y est parvenu par le dialogue. Mais bientôt, la violence qui caractérise la vie politique ougandaise, va emporter à son tour le pacifique Obote. Impliqué dans une affaire de corruption, il suspend la Constitution en 1966 puis chasse le roi de son palais et s’empare de la présidence le 2 mars. Inconsciemment, Obote ouvre alors la voix à une succession de guerres civiles et de coups d’État. L’armée est essentiellement contrôlée à l’époque par les Acholi, également une ethnie du Nord de l’Ouganda. Obote a du mal à contrôler cette armée et entretien des relations exécrables avec l’ancienne puissance coloniale, la Grande-Bretagne, qui cherche sa chute.

Renversé par Idi Amin Dada

Le 25 janvier 1971, alors qu’il assistait à un sommet du Commonwealth à Singapour, il est renversé par Idi Amin Dada, un ancien sous-officier de l’armée coloniale issu de la petite ethnie Kakwa, du Nord Ouest de l’Ouganda. Commence alors pour Milton Obote une longue période d’exil au Kenya puis en Tanzanie, où le président Julius Nyerere le traite comme le président en exercice de l’Ouganda. Milton Obote était considéré à cette époque comme un héros de l’indépendance et comme l’un des plus grands orateurs du continent. «Obote était un homme bon», a été forcé de reconnaître Idi Amin Dada au cours de sa première conférence de presse le 26 janvier 1971. Mais il était mal entouré, s’est-il empressé d’ajouter.

La plupart des futurs dirigeants du pays ont été nommés par Obote. Que ce soit Idi Amin, qu’il a nommé chef de l’armée ou Yoweri Museveni qui travaillait pour lui aux services de renseignements militaires. Yoweri Museveni fera d’ailleurs partie de ceux qui, depuis Dar-es-Salaam en Tanzanie, vont préparer avec le soutien de l’armée tanzanienne la chute de cet homme plus vrai que nature qu’était Idi Amin Dada. Le 27 mai 1980, c’est un avion de transport militaire tanzanien qui dépose Milton Obote à Mbarara, dans le sud-ouest de l’Ouganda. En décembre, après des élections controversées, Obote reprend le pouvoir, mais la guerre continue : plusieurs groupes armés qui, dans la foulée de l’armée tanzanienne, l’avaient aidé à chasser Idi Amin Dada, se sentent mal récompensés et prennent le maquis, parmi lesquels la «National Resistance Army» (Armée de résistance nationale - NRA) de Yoweri Museveni.

La guérilla, qui reçoit le soutien de la puissante tribu Baganda s’enlise. Les Acholi, toujours majoritaires dans l’armée, chassent Obote en 1985 et instaure un Conseil militaire dirigé par Tito Okello. Mais la rébellion de Yoweri Museveni, profitant de ces divisions , parvient à s’emparer de Kampala à la tête d’une armée d’enfants soldats et du pouvoir, en 1986. Obote doit fuir au Kenya puis en Zambie où son vieil ami, le président Kenneth Kaunda, lui offre l’hospitalité due à un chef d’État. Depuis la Zambie, Obote a continué jusqu’à sa mort à diriger l’UPC.

En mai dernier, il avait exprimé son désir de retourner chez lui. Mais le président Museveni l’avait menacé de poursuites judiciaires pour les crimes commis durant la guerre civile. Cependant, une importante partie de l’opinion ougandaise espère que le corps du défunt président, qui personnifie à lui seul l’histoire de l’Ouganda depuis l’indépendance, pourra être enterré à Akokoro, son village natal.

par Gabriel  Kahn

Article publié le 11/10/2005 Dernière mise à jour le 11/10/2005 à 18:23 TU