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Ouganda/Soudan/République démocratique du Congo

Les rebelles de l’Armée de résistance du seigneur entrent en RDC

Le président ougandais Yoweri Museveni a accusé, le 29 septembre, la RDC de servir d’asile à «<I>des groupes terroristes</I>» et menacé d’y envoyer de nouveau son armée.(Photo : worldbank.org)
Le président ougandais Yoweri Museveni a accusé, le 29 septembre, la RDC de servir d’asile à «des groupes terroristes» et menacé d’y envoyer de nouveau son armée.
(Photo : worldbank.org)
Plusieurs centaines de rebelles ougandais de l’Armée de résistance du seigneur sont parvenus à se replier dans le nord-est de la République démocratique du Congo. Cela ne s’était jamais produit depuis le début de la guerre civile dans le nord de l’Ouganda, après la prise de pouvoir du Mouvement de résistance nationale de Yoweri Museveni en 1986. Jusqu’à présent, les rebelles de la LRA limitaient leurs opérations à l’Est du Nil.

De notre correspondant à Kampala  

Selon le ministre de la Défense ougandais, environ 50 rebelles de l’Armée de Résistance du Seigneur sont entrés en République démocratique du Congo depuis le Sud-Soudan fin septembre, dans la région du parc national de Garamba. Amama Mbabazi a déclaré lors d’une conférence de presse que ces rebelles étaient sous la direction de Vincent Otti, le numéro 2 du mouvement, et qu’il avait demandé l’asile politique à Kinshasa. Le démenti du gouvernement congolais fut  immédiat. Deux jours plus tard, le général congolais Padiri Bulenda s’est rendu à Faraje, à 65 kilomètres au sud-ouest de la frontière soudanaise, où il a confirmé la présence non pas de 50 mais de 400 rebelles ougandais, dont 300 armés. Mais aucune trace de Vincent Otti.

«L’Armée de résistance du seigneur est seulement un groupe défait et je suis certain qu’ils sont seulement entrain de fuir pour leur survie», a commenté le commandant de l’armée ougandaise, le lieutenant général Aronda Nyakairima, dans le quotidien gouvernemental New Vision. Pourtant l’Ouganda ne prend pas cette incursion à la légère. Depuis la mi-septembre, des milliers de militaires ougandais, soutenus par des blindés, se sont déployés dans le nord-ouest de l’Ouganda et dans le sud-ouest du Soudan, dans les territoires tenus par la SPLA, la rébellion sudiste soudanaise, à la frontière avec la République démocratique du Congo. D’importants mouvements militaires ont également été signalés dans la région de Kasese, au sud-ouest du pays.

«Nous ne traverserons pas la frontière de la RDC», a néanmoins garanti le commandant de l’armée ougandaise. «Dans tous les traités signés par l’Ouganda, nous nous sommes engagés à ne pas retourner en RDC». Le président ougandais Yoweri Museveni n’est pas de cet avis. A l’occasion d’une conférence de presse, il a accusé, le 29 septembre, la RDC de servir d’asile à «des groupes terroristes» et menacé d’y envoyer de nouveau son armée. L’Ouganda a déjà envahi la RDC à deux reprises, aux côtés du Rwanda, en 1996 et en 1998, et alimenté ainsi une guerre qui a fait près de 4 millions de morts.

Les relations diplomatiques entre ces deux pays sont toujours dominées par la méfiance. L’Ouganda est en effet accusé par plusieurs ONG internationales d’armer et d’entretenir divers groupes opposés à Kinshasa, dans l’Est de la RDC. Tandis que l’Ouganda accuse la RDC de servir de base arrière à trois mouvements armés ougandais. C’est d’ailleurs moins le récent repli des rebelle de la LRA en RDC qui préoccupe l’armée ougandaise que d’attraper le chef de cette rébellion, Joseph Kony, qui, selon Aronda Nyakairima, aurait installé son Etat-Major à Lafone, dans les territoires tenus par l’armée soudanaise au nord de Juba, dans le Sud-Soudan.

Mettre fin à cette présence sur le territoire

«Je suis certain que les Soudanais, à Lafone, savent exactement où il est», dénonce le chef de l’armée ougandaise, laissant entendre que Khartoum continuerait à soutenir le chef rebelle. La LRA est sur la liste des groupes terroristes selon les Etats-Unis, qui ont voulu ainsi faire plaisir à leur vieil allié Museveni. Lors de sa dernière visite à Washington, mi-septembre, ce dernier a d’ailleurs obtenu des Etats-Unis un soutien militaire renouvelé. Le conseiller national à la Sécurité des Etats-Unis, Steve Hadley, a notamment assuré le président Museveni de la coopération de l’armée américaine dans une opération militaire conjointe en gestation entre la SPLA, l’armée ougandaise et l’armée soudanaise contre Joseph Kony.

Joseph Kony va-t-il tenter de rejoindre le groupe de la LRA qui est entré en RDC ? C’est ce qu’affirme Aronda Nyakairima. Quant au ministre de la Défense ougandais, Amama Mbabazi, il soutient que la LRA tente de faire le lien avec d’autres groupes rebelles ougandais dans l’est de la République démocratique du Congo tels que les Forces alliées démocratiques (ADF), présents dans la région de Béni, dans le Nord-Kivu et l’Armée de rédemption du peuple (PRA), qui aurait des bases dans l’Ituri, plus au Nord. Cependant ces deux prétendus groupes rebelles ougandais basés en RDC sont inactifs et des analystes à Kampala pensent qu’ils ne représentent aucune menace pour l’Ouganda.

Ces mêmes analystes craignent au contraire que l’Ouganda prenne prétexte de la présence avérée en RDC des rebelles de la LRA pour tenter de déstabiliser de nouveau cette région, où elle conserve, selon Amnesty International, d’importants intérêts dans le trafic d’or, de bois et de diamants. En témoigne le niveau des exportations. Les exportations d’or ougandais ont atteint 9,75 millions de dollars pour le seul mois de décembre 2004 alors que l’Ouganda n’a qu’une minuscule mine d’or à Busia, dans l’est... Les rebelles de la LRA qui sont parvenus à Faraje constituent donc plus une menace pour la stabilité de la RDC que pour celle de l’Ouganda ou du Soudan.


par Gabriel  Kahn

Article publié le 01/10/2005 Dernière mise à jour le 01/10/2005 à 14:38 TU