Justice internationale
Le «trio de Vukovar» face au TPIY
Le «trio de Vukovar» : (de gauche à droite) Miroslav Radic, Veselin Sljivancanin et Mile Mrskic. Les trois officiers serbes de l’ancienne armée yougoslave sont accusés de crimes contre l’humanité.
(Photo : AFP)
De notre correspondante à La Haye
«En 1950, la ville de Vukovar était recommandée par tous les guides touristiques», commence le procureur Marks Moore. Quarante ans plus tard, cette ville de l’est de la Croatie, «symbolique», «stratégique», est devenue le théâtre de l’un des épisodes les plus sanglants des guerres de l’ex-Yougoslavie. Après trois mois de violents combats, la ville tombe aux mains des forces serbes le 18 novembre 1991. Parmi les conquérants figurent trois hommes, aujourd’hui dans le box du tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) : Mile Mrskic, le général, Veselin Sljivancanin, le lieutenant-colonel et Miroslav Radic, le capitaine. Tous trois sont accusés de crimes contre l’humanité et violations des lois de la guerre.
Pendant que 170 officiers croates négocient leur reddition, sous l’égide du Comité international de la Croix-rouge (CICR), les officiers accusés jouent une course contre la montre. «Tout a été organisé avec une précision militaire», assène le procureur Marks Moore. Le temps, le transport, les exécutions. Un accord d’évacuation de l’hôpital de la ville, où sont réfugiés quelques 2 000 personnes, parmi lesquelles de nombreux blessés, a été signé entre Zagreb, l’armée serbe, le CICR et les observateurs européens. Les civils et blessés doivent être protégés, mais les observateurs sont bloqués sur le pont, à l’entrée de la ville. A l’hôpital, les forces serbes, associées à des paramilitaires et à la défense civile de la ville, procèdent au tri des réfugiés. Les «criminels de guerre croates» sont évacués par camion. A une femme, futur témoin de l’accusation, qui demande vers quelle destination les hommes sont conduits, le colonel Sljivancanin aurait rétorqué : «de toute façon, ils seront avalés par les ténèbres avant la fin de la journée».
«Le plus beau, le plus humain et le plus libre des pays du monde»
Près de la ferme d’Ovcara, aux environs de Vukovar, l’excavatrice a commencé son travail. Une fosse est creusée. Dans la nuit du 20 au 21 novembre 1991, 198 hommes et 2 femmes, de 17 à 56 ans, sont assassinés à l’arme à feu. Pour le procureur, qui dispose de six mois pour présenter ses preuves, ces hommes sont «tous coupables». Dans le box, avec une rectitude toute militaire, Veselin Sljivancanin veut dire sa vérité. «J’avais 15 ans quand je suis devenu militaire», dit-il à l’adresse des trois juges. «Ni moi, ni mes ancêtres n’avons commis de lâchetés ou de trahisons. Dans notre région, c’est une honte pire que la mort».
Ancien garde de Tito, membre des équipes chargées de la sécurité de chefs d’Etat en visite il évoque ses faits d’arme. «J’ai assuré la protection de Clinton, de Thatcher, de Castro, de Bush père, de Mitterrand et d’autres». Sa présence dans le box des accusés, il la doit aux mensonges, dit-il. «Une propagande a été menée dans les médias par des hommes politiques de Yougoslavie, en fonction de leurs besoins. On m’a qualifié de tchetnik, de communiste, de colonel, de criminel et pour finir de héros». Le militaire se rappelle simplement avoir appris à «défendre la Yougoslavie : le plus beau, le plus humain et le plus libre des pays du monde».
En Serbie, un procès contre une vingtaine de responsables des crimes commis à Vukovar est conduit devant le tribunal spécial pour les crimes de guerre, ouvert à Belgrade en septembre 2001.
par Stéphanie Maupas
Article publié le 12/10/2005 Dernière mise à jour le 12/10/2005 à 11:40 TU