Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Justice internationale

Redditions en série au tribunal international pour l’ex-Yougoslavie

Le général bosniaque Rasim Delic s'est rendu volontairement lundi au tribunal pénal international.(Photo : AFP)
Le général bosniaque Rasim Delic s'est rendu volontairement lundi au tribunal pénal international.
(Photo : AFP)
Deux officiers supérieurs accusés de crimes de guerre se sont rendus volontairement lundi au tribunal pénal international. Le général bosniaque Rasim Delic et le commandant serbe Radivoje Miletic font partis des derniers responsables mis en accusation par la procureure Carla del Ponte. En un mois, quatre accusés se sont embarqués dans des vols pour La Haye.
De notre correspondante à La Haye

L’un est Bosniaque, l’autre Serbe. Tous deux sont officiers supérieurs, tous deux sont accusés par le tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY), et tous deux ont décidé de se rendre volontairement à la prison du tribunal de La Haye dans la journée de lundi.

Rasim Delic a quitté Sarajevo à l’aube, escorté à l’aéroport par quelques sympathisants. L’annonce de l’inculpation de ce proche de l’ex-président Alija Izetbegovic, aujourd’hui décédé, a provoqué rancœurs et protestations dans la capitale bosniaque. Dans les mois à venir, l’ancien chef d’état-major dans la jeune armée des musulmans de Bosnie et membre de la présidence au plus fort des combats en 1993, devra répondre de crimes de guerre pour meurtres, traitements inhumains et viols.

En août 1993, Rasim Delic avait intégré les moudjahidine, combattants de la guerre sainte venus principalement de pays islamiques, dans l’armée régulière. Selon l’acte d’accusation, ils se sont rendus coupable d’avoir froidement exécuté des prisonniers de guerre croate et d’avoir interné dans des conditions inhumaines des soldats de l’armée des Serbes de Bosnie. A Kamenica, peut-on lire dans l’acte d’accusation, un soldat a été « décapité et tous les autres prisonniers ont été forcés d’embrasser plusieurs fois la tête, qui a ensuite été placée sur un crochet dans la chambre des prisonniers ».

Tandis que Rasim Delic foulait le sol des Pays-Bas, le commandant Radijove Miletic quittait à son tour Belgrade. Responsable de l’entraînement des forces serbes de Bosnie, il a été précédé, jeudi dernier, par Milan Gvero, l’un des sept bras droit du général Ratko Mladic, spécialement chargé des affaires légales, morales et religieuses de cette armée qui s’est rendue coupable du massacre de plus de 7 000 Musulmans de Bosnie à Srebrenica, en juillet 1995. Accusé pour les mêmes faits, Zdravko Tolimir pourrait lui aussi rejoindre La Haye dans le courant de la semaine. En janvier, le général Vladimir Lazarevic, accusé pour les crimes commis au Kosovo en 1999 avait emprunté le même vol.

La reddition : un devoir patriotique

A Belgrade, le gouvernement a salué une décision « honorable, patriotique et morale ». Le Premier ministre serbe, Vojislav Kostunica, refuse toujours d’extrader les accusés vers La Haye, mais ceux-ci sont régulièrement conviés à se rendre à la juridiction internationale pour ne pas prendre le pays « en otage » et libérer la Serbie des pressions de la communauté internationale. Les États-Unis ont récemment gelé toute coopération tant que les exigences du TPIY ne seront pas pleinement satisfaites et les discussions pour l’intégration à l’Union européenne et à l’Otan sont conditionnées, entre autre, par le transfert des derniers accusés. Si Zagreb connaît les mêmes contraintes, Sarajevo a, en revanche, toujours coopéré. Les officiers de l’armée des Musulmans de Bosnie mis en accusation se sont tous rendus volontairement. 

À Belgrade, le gouvernement promet aux accusés d’offrir les garanties nécessaires pour une mise en libération provisoire en l’attente de leur procès. Plusieurs accusés du TPIY ont pu ainsi attendre librement le démarrage de leur procès, mais la décision reste conditionnée au bon vouloir des juges. Par ailleurs et après le vote d’une loi au parlement, qui avait provoqué quelques protestations des organisations de défense des droits de l’Homme à Belgrade, les accusés sont assurés d’un soutien financier du gouvernement, en faveur, notamment, de leur famille. Enfin, pour tous les accusés en ex-Yougoslavie, faire le choix de la fuite nécessite de disposer d’un réseau de soutiens solides et de moyens financiers considérables. Ils sont de plus confrontés aujourd’hui à un nouveau dilemme.

Fin décembre, à la demande du Conseil de sécurité de l’Onu, la procureure Carla del Ponte a remis ses derniers actes d’accusation. La communauté internationale a invité le tribunal à boucler ses derniers procès et fermer ses portes aux alentours de 2010. Pour y parvenir, le tribunal a décidé de déferrer plusieurs affaires devant les juridictions de Bosnie, de Serbie et de Croatie. À la demande de la communauté internationale et avec son soutien financier, les états de l’ex-Yougoslavie ont mis en place, au cours des dernières années, des chambres spéciales « crimes de guerre ».

Etre jugé par les « ennemis » d’hier

Une quinzaine de dossiers devrait y être déferré par le TPIY. Il appartiendra aux juges du tribunal de décider du lieu où les accusés concernés seront jugés. Mais la procureure souhaite les renvoyer vers les juridictions où les crimes ont été commis, et non vers leurs tribunaux d’origine. Au cours de différentes audiences à La Haye, plusieurs accusés ont déjà protesté. Et le Parquet use de l’argument comme d’une menace. La porte-parole du procureur, Florence Hartmann, affirmait récemment que les retardataires prendraient le risque de se retrouver devant une cour où siègeraient les « ennemis » d’hier. L’argument ne vaut que pour les « petits poissons ». S’ils sont un jour arrêtés, le général croate Ante Gotovina et les chefs de guerre bosno-serbe, Ratko Mladic et Radovan Karadzic, seront bien conduits dans le box de La Haye.

par Stéphanie  Maupas

Article publié le 01/03/2005 Dernière mise à jour le 01/03/2005 à 12:51 TU