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Justice internationale

Ajournement sine die du procès Milosevic

Le procès Milosevic a été ajourné sine die lundi matin en raison de l’état de santé de l’accusé. Le jugement de l’ancien Président yougoslave est en train de tourner court.
De notre correspondant à Belgrade

Le procès de Slobodan Milosevic, qui doit répondre des accusations de crime de guerre, crime contre l’humanité et génocide devant le Tribunal pénal international de La Haye (TPI) est en train de tourner court. Le procès s’était ouvert le 12 février 2002, et depuis, près de 300 témoins de l’accusation ont comparu à la barre, un demi million de documents ont été versés au dossier… Les journalistes ont déserté depuis longtemps la salle d’audience, et les sociétés balkaniques elles-mêmes se désintéressent de cette interminable procédure. Trop long et trop touffu, le procès Milosevic a perdu depuis longtemps perdu toute lisibilité. La première phase du procès s’est achevée le 17 février 2004, après 295 jours d’audience.

La deuxième phase, consacrée à la défense de Slobodan Milosevic, devait commencer lundi. Slobodan Milosevic, qui assume seul sa défense, entendait faire comparaître plus de 1600 témoins, dont des dirigeants occidentaux, anciens ou actuels, comme Bill Clinton, Jacques Chirac, Tony Blair ou Gerhard Schröder.

En choisissant cette stratégie de rupture, Milosevic veut toujours démontrer l’illégitimité du TPI, puisque la juridiction internationale a refusé d’enquêter sur les crimes de guerre imputés à l’OTAN. Slobodan Milosevic comptait également jouer de tous les artifices de la procédure, puisque la règle d’un procès équitable veut que la défense jouisse des mêmes avantages que l’accusation, ce qui n’a rien d’évident quand l’accusé est son propre avocat.

En fait, Slobodan Milosevic a réussi à subvertir les règles du tribunal. D’accusé, il est devenu avocat demandant des comptes, voire même procureur menant le contre-interrogatoire de témoins souvent tétanisés par la crainte que l’ancien homme fort de Belgrade continue d’inspirer. Slobodan Milosevic était resté l’interlocuteur privilégié de la communauté internationale durant toutes les années 1990, et n’a été inculpé que durant les bombardements de l’OTAN du printemps 1999. Du coup, les juges n’ont cessé de donner des gages à l’accusé pour essayer d’effacer l’image d’une justice des vainqueurs.

Des échéances de plus en plus serrées

Lundi matin, Slobodan Milosevic aurait dû commencer sa défense par une déclaration liminaire de quatre heures, rejetant les 66 chefs d’accusation portés contre lui. Au lieu de cela, il a rencontré ses juges pour discuter de son état de santé. Lisant un rapport médical, le juge Patrick Robinson, qui préside le Tribunal a déclaré que Milosevic souffrait d'une lésion organique au ventricule gauche du cœur, en raison de son hypertension. En conséquence, l’audience a été reportée sine die.

Pour pallier les problèmes de santé récurrents de Slobodan Milosevic, le substitut du Procureur Geoffrey Nice a émis deux propositions : que l’accusé soit assisté d’un avocat commis d’office, pour soulager sa charge de travail, ou qu’une liaison vidéo soit établie entre le tribunal et la cellule de Slobodan Milosevic, dans la prison de Scheveningen. L’accusé a catégoriquement rejeté ces deux propositions : il entend toujours présenter lui-même sa défense, dans la salle d’audience. Dans l’immédiat, le procès se trouve dans une impasse totale, car rien ne permet de supposer que l’état de santé de l’accusé puisse durablement s’améliorer.

Le TPI est pourtant soumis à des échéances de plus en plus serrées. Normalement, toutes les enquêtes doivent être bouclées d’ici la fin de l’année 2004, les procès de première instance en 2008, et les procès d’appel en 2010. Pour essayer de tenir son calendrier, le TPI va transférer de nombreuses affaires aux tribunaux spéciaux pour crimes de guerre qui ont été créés dans les pays des Balkans. Quant au procès Milosevic, qui devait être la vitrine du TPI, il semble bien qu’il n’ait pas fini de s’enliser…


par A Belgrade, Jean-Arnault  Dérens

Article publié le 05/07/2004 Dernière mise à jour le 06/07/2004 à 08:48 TU

Audio

Le procès de Slobodan Milosevic

[05/07/2004]

Envoyé spécial de RFI à La Haye

«Slobodan Milosevic est-il en mesure de présenter sa défense et au-delà, est-il en mesure de poursuivre ce procès ? Les juges ne se sont pas encore prononcés.»

[05/07/2004]

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