Serbie
Un co-inculpé de Milosevic tente de se suicider à Belgrade
L’adoption d’une loi de coopération avec le Tribunal pénal international a poussé un ancien ministre serbe de l'Intérieur, à se tirer une balle dans la tête devant le bâtiment du parlement, en plein centre de Belgrade.
De notre correspondante à Belgrade
Il a préféré se tirer une balle dans la tête dans l’immense hall marbré du Parlement fédéral et laisser une mare de sang sous ses lustres plutôt que d’affronter la justice internationale. La loi de coopération avec le Tribunal pénal international de la Haye (TPIY) venait d’être votée quelques heures plus tôt dans les mêmes lieux lorsque Vlajko Stojiljkovic, ministre de l’Intérieur sous le régime de Slobodan Milosevic et coaccusé de crimes de guerre au Kosovo, décide de ce geste qui se veut héroïque.
Député du parti socialiste déchu de son immunité parlementaire il y a quelques semaines, il se savait parmi les premiers sur la liste des futurs pensionnaires de la prison de Scheveningen à La Haye. Aussitôt après l’évacuation de Stojiljkovic, quelques centaines de partisans du parti socialiste se sont réunis devant le Parlement aux cris de «voleurs», «assassins», «fascistes», s’en prenant aux Belgradois indifférents qui gardent en mémoire la politique répressive de l’ancien ministre de l’Intérieur.
Collaborer avec le tribunal de La Haye: «un mal nécessaire»
Vlajko Stojiljkovic a laissé une lettre manuscrite derrière lui, dans laquelle il accuse les «marionnettes» au pouvoir, qu’il tient responsables de sa mort, d’avoir «détruit la Yougoslavie avec la collaboration du plus grand ennemi du peuple, Javier Solana, piétiné la Constitution, conduit une politique de trahison et de capitulation, perdu la dignité nationale, détruit l’économie et provoqué la misère sociale de millions de citoyens».
Termes qui avaient été utilisés au cours des deux jours de débats sur la loi de coopération avec la Haye par tous ceux qui s’opposaient à son adoption et qui participaient à l’ancien régime : le parti socialiste, l’extrême droite et les députés de la Gauche Yougoslave de Mira Markovic, l’épouse de Slobodan Milosevic, qui a silencieusement assisté à la session parlementaire, retranchée derrière la lecture des journaux.
Ce camp a perdu puisque la loi a été adoptée à 80 voix contre 39. Elle est le résultat d’un compromis et de pressions internationales. En effet, les partisans du président Kostunica ont comme lui la «nausée» à l’évocation du TPIY et les Monténégrins qui siègent au parlement et gouvernement fédéral encore plus puisqu’ils étaient alliés au régime de Slobodan Milosevic. Mais ils l’ont «digérée» lorsque les Etats-Unis ont gelé leur aide le 31 mars dernier et menacé d’utiliser leur pouvoir pour bloquer les crédits de la Banque mondiale et du FMI.
L’attitude moins radicale mais également ferme de l’UE a également contribué à convaincre les récalcitrants à voter cette loi, «un mal nécessaire» de leur point de vue. «Nous n’avons pas le choix», a expliqué un député du parti du président Kostunica. «C’est quelque chose que nous devions faire sous la pression et la menace d’être isolés», justifiait le leader du parti monténégrin. Arguments que les nationalistes ont aussitôt dénoncés, considérant la loi comme «contraire à la Constitution qui interdit l’extradition de citoyens yougoslaves», «une trahison», «un renoncement à la souveraineté» et une «une humiliation nationale».
Au nom du gouvernement fédéral dont il est le vice-président et exprimant la position du gouvernement serbe de Zoran Djindjic, Miroljub Labus a préféré user d’un ton solennel pour porter le débat à un autre niveau. «Le TPIY permet de lutter contre les a priori de l’opinion internationale qui considère les serbes comme les seuls responsables de la guerre. Il s’agit d’individualiser la responsabilité des crimes commis. Nous devons ouvrir les yeux», a-t-il dit, citant en exemple le cas de Ratko Mladic, ancien chef de guerre des serbes de Bosnie : «C’est le principal responsable de la mort de 7000 personnes à Srebrenica, pourquoi tous les serbes porteraient-ils le fardeau?».
Cette loi entre en vigueur aussitôt et vise tous les inculpés par le TPIY qui se trouvent sur le territoire, quelque soit leur nationalité. Théoriquement, Ratko Mladic et Radovan Karadzic, chef politique des serbes de Bosnie pendant la guerre, sont donc concernés. Mais la loi ne s’applique pas aux inculpations à venir. Limite déjà dénoncée par le TPIY et les Etats Unis pour lesquels la loi n’était pas nécessaire et ne prouvera la volonté de coopérer que si des mesures concrètes suivent rapidement. Pour les futurs inculpés par la Haye, la loi prévoit qu’ils seront jugés par les tribunaux domestiques. C’est la concession faite par le camp de Zoran Djindjic à celui du président Kostunica et aux députés monténégrins. Sachant qu’à terme une nouvelle Constitution va régir l’Union de la Serbie et du Monténégro et devrait régler de manière générale la coopération avec la justice internationale.
Selon le ministre fédéral de l’Intérieur, les premiers transferts auront lieu d’ici la fin du mois, le temps de respecter la procédure qui vérifie la forme des inculpations et non le fond. In fine, ce sont les ministères de l’intérieur serbe et monténégrin qui seront concrètement chargés de l’opération. Le Parlement fédéral qui brûlait lors du renversement du régime de Slobodan Milosevic, a ainsi parachevé la «révolution» du 5 octobre 2000, mais à contre cœur et dans le sang.
Il a préféré se tirer une balle dans la tête dans l’immense hall marbré du Parlement fédéral et laisser une mare de sang sous ses lustres plutôt que d’affronter la justice internationale. La loi de coopération avec le Tribunal pénal international de la Haye (TPIY) venait d’être votée quelques heures plus tôt dans les mêmes lieux lorsque Vlajko Stojiljkovic, ministre de l’Intérieur sous le régime de Slobodan Milosevic et coaccusé de crimes de guerre au Kosovo, décide de ce geste qui se veut héroïque.
Député du parti socialiste déchu de son immunité parlementaire il y a quelques semaines, il se savait parmi les premiers sur la liste des futurs pensionnaires de la prison de Scheveningen à La Haye. Aussitôt après l’évacuation de Stojiljkovic, quelques centaines de partisans du parti socialiste se sont réunis devant le Parlement aux cris de «voleurs», «assassins», «fascistes», s’en prenant aux Belgradois indifférents qui gardent en mémoire la politique répressive de l’ancien ministre de l’Intérieur.
Collaborer avec le tribunal de La Haye: «un mal nécessaire»
Vlajko Stojiljkovic a laissé une lettre manuscrite derrière lui, dans laquelle il accuse les «marionnettes» au pouvoir, qu’il tient responsables de sa mort, d’avoir «détruit la Yougoslavie avec la collaboration du plus grand ennemi du peuple, Javier Solana, piétiné la Constitution, conduit une politique de trahison et de capitulation, perdu la dignité nationale, détruit l’économie et provoqué la misère sociale de millions de citoyens».
Termes qui avaient été utilisés au cours des deux jours de débats sur la loi de coopération avec la Haye par tous ceux qui s’opposaient à son adoption et qui participaient à l’ancien régime : le parti socialiste, l’extrême droite et les députés de la Gauche Yougoslave de Mira Markovic, l’épouse de Slobodan Milosevic, qui a silencieusement assisté à la session parlementaire, retranchée derrière la lecture des journaux.
Ce camp a perdu puisque la loi a été adoptée à 80 voix contre 39. Elle est le résultat d’un compromis et de pressions internationales. En effet, les partisans du président Kostunica ont comme lui la «nausée» à l’évocation du TPIY et les Monténégrins qui siègent au parlement et gouvernement fédéral encore plus puisqu’ils étaient alliés au régime de Slobodan Milosevic. Mais ils l’ont «digérée» lorsque les Etats-Unis ont gelé leur aide le 31 mars dernier et menacé d’utiliser leur pouvoir pour bloquer les crédits de la Banque mondiale et du FMI.
L’attitude moins radicale mais également ferme de l’UE a également contribué à convaincre les récalcitrants à voter cette loi, «un mal nécessaire» de leur point de vue. «Nous n’avons pas le choix», a expliqué un député du parti du président Kostunica. «C’est quelque chose que nous devions faire sous la pression et la menace d’être isolés», justifiait le leader du parti monténégrin. Arguments que les nationalistes ont aussitôt dénoncés, considérant la loi comme «contraire à la Constitution qui interdit l’extradition de citoyens yougoslaves», «une trahison», «un renoncement à la souveraineté» et une «une humiliation nationale».
Au nom du gouvernement fédéral dont il est le vice-président et exprimant la position du gouvernement serbe de Zoran Djindjic, Miroljub Labus a préféré user d’un ton solennel pour porter le débat à un autre niveau. «Le TPIY permet de lutter contre les a priori de l’opinion internationale qui considère les serbes comme les seuls responsables de la guerre. Il s’agit d’individualiser la responsabilité des crimes commis. Nous devons ouvrir les yeux», a-t-il dit, citant en exemple le cas de Ratko Mladic, ancien chef de guerre des serbes de Bosnie : «C’est le principal responsable de la mort de 7000 personnes à Srebrenica, pourquoi tous les serbes porteraient-ils le fardeau?».
Cette loi entre en vigueur aussitôt et vise tous les inculpés par le TPIY qui se trouvent sur le territoire, quelque soit leur nationalité. Théoriquement, Ratko Mladic et Radovan Karadzic, chef politique des serbes de Bosnie pendant la guerre, sont donc concernés. Mais la loi ne s’applique pas aux inculpations à venir. Limite déjà dénoncée par le TPIY et les Etats Unis pour lesquels la loi n’était pas nécessaire et ne prouvera la volonté de coopérer que si des mesures concrètes suivent rapidement. Pour les futurs inculpés par la Haye, la loi prévoit qu’ils seront jugés par les tribunaux domestiques. C’est la concession faite par le camp de Zoran Djindjic à celui du président Kostunica et aux députés monténégrins. Sachant qu’à terme une nouvelle Constitution va régir l’Union de la Serbie et du Monténégro et devrait régler de manière générale la coopération avec la justice internationale.
Selon le ministre fédéral de l’Intérieur, les premiers transferts auront lieu d’ici la fin du mois, le temps de respecter la procédure qui vérifie la forme des inculpations et non le fond. In fine, ce sont les ministères de l’intérieur serbe et monténégrin qui seront concrètement chargés de l’opération. Le Parlement fédéral qui brûlait lors du renversement du régime de Slobodan Milosevic, a ainsi parachevé la «révolution» du 5 octobre 2000, mais à contre cœur et dans le sang.
par Milica Cubrilo
Article publié le 12/04/2002