Serbie
La Yougoslavie n’existe plus
L’accord historique conclu jeudi matin à l’aube transforme la Fédération yougoslave en une Union de la Serbie et du Monténégro. L’accord a été arraché par les efforts du haut représentant européen pour la politique étrangère, Javier Solana, et devrait constituer un épilogue provisoire au long feuilleton des relations serbo-monténégrine.
«Nous avons obtenu une solution acceptable pour la Serbie et le Monténégro, pour l'Europe et la région, une solution qui sera durable. C'est un nouveau début», a commenté le président fédéral yougoslave Vojislav Kostunica. Selon lui, la solution adoptée n’est «ni une confédération, ni une fédération lâche, mais quelque chose de tout à fait nouveau. Il s'agit d'un nouveau chapitre dans les relations entre la Serbie et le Monténégro, les trois parlements (yougoslave, serbe et monténégrin) vont confirmer cet accord politique et adopter une nouvelle constitution». Des élections générales sont prévues à l’automne dans les deux républiques.
Concrètement, la nouvelle Union disposera toujours d’un gouvernement commun et d’un Président, ainsi que d’un seul siège aux Nations unies. Les représentations diplomatiques à l’étranger devraient cependant être partagées sur une base paritaire entre la Serbie et le Monténégro. Le Président sera élu par le nouveau Parlement fédéral, mais les compétences de l’État commun se limiteront cependant à la défense, et à l’harmonisation des politiques économiques et monétaires des deux pays. Le Monténégro a, en effet, obtenu la reconnaissance de son «indépendance économique», qui se traduit notamment par l’usage de l’euro comme monnaie officielle, et non du dinar yougoslave. Les régimes douaniers devraient également être autonomes, mais une Haute cour de justice, commune aux deux États est cependant prévue. Certaines institutions de la nouvelle Union devraient être transférées de Belgrade à Podgorica.
Cette «Union» d’un nouveau type devra faire ses preuves durant trois ans: au bout de cette période probatoire, les Monténégrins ont obtenu la garantie qu’il sera possible d’organiser un référendum d’autodétermination. Les diplomates occidentaux craignaient fort un éventuel éclatement de la Yougoslavie, en raison de ses conséquences sur le statut du Kosovo. D’après la résolution 1244 des Nations Unies, la province est en effet autonome «dans le cadre du respect de la souveraineté territoriale de la Yougoslavie». La nouvelle Union est légalement reconnue comme successeur de la Yougoslavie, ce qui sera également le cas de la Serbie, si le Monténégro décide finalement de prendre sa totale indépendance.
Un bon compromis
Vu du Monténégro, l’accord représente un bon compromis: la petite république obtient en effet la pleine reconnaissance de l’état de fait actuel, et ne doit guère renoncer qu’à son ambition de disposer tout de suite d’un siège aux Nations unies. Certains optimistes soulignent même que l’État monténégrin obtient ainsi une reconnaissance internationale pour la première fois depuis 1918… Toutefois, les courants indépendantistes les plus résolus ont déjà dénoncé l’accord. L’Alliance libérale réclame la tenue d’un référendum au mois de mai, comme initialement prévu, et le Parti social-démocrate, partenaire de coalition du Président Djukanovic, risque aussi de ne pas s’accommoder du compromis. La réunion du Parlement monténégrin qui doit avaliser l’accord risque donc de se révéler très dangereuse pour Milo Djukanovic, qui pourrait perdre la faible majorité parlementaire dont il dispose. Toutefois, cet accord met aussi l’opposition pro-yougoslave monténégrine dans une situation extrêmement embarrassante.
Vu de Belgrade, l’accord a surtout le grand mérite de régler enfin, même si ce n’est qu’à titre provisoire, la «question étatique». Des franges de plus en plus larges de l’opinion publique serbe se ralliaient en effet, ces derniers temps, à l’option d’un éclatement de l’État commun pour sortir du statu quo. «Comment engager les réformes de fonds de l’État, quand nous ne savons pas dans quel État nous allons vivre ?», demandaient les milieux réformateurs de la capitale serbe.
Si le compromis était accepté par les classes politiques et les opinions des deux pays, la diplomatie européenne pourra se féliciter d’un joli succès, mais les dérapages démagogiques demeurent possibles, notamment au Monténégro. Quant aux Albanais du Kosovo, ils ne manqueront pas de constater que le compromis inspiré par l’Union européenne leur ferme définitivement la porte de l’indépendance.
Concrètement, la nouvelle Union disposera toujours d’un gouvernement commun et d’un Président, ainsi que d’un seul siège aux Nations unies. Les représentations diplomatiques à l’étranger devraient cependant être partagées sur une base paritaire entre la Serbie et le Monténégro. Le Président sera élu par le nouveau Parlement fédéral, mais les compétences de l’État commun se limiteront cependant à la défense, et à l’harmonisation des politiques économiques et monétaires des deux pays. Le Monténégro a, en effet, obtenu la reconnaissance de son «indépendance économique», qui se traduit notamment par l’usage de l’euro comme monnaie officielle, et non du dinar yougoslave. Les régimes douaniers devraient également être autonomes, mais une Haute cour de justice, commune aux deux États est cependant prévue. Certaines institutions de la nouvelle Union devraient être transférées de Belgrade à Podgorica.
Cette «Union» d’un nouveau type devra faire ses preuves durant trois ans: au bout de cette période probatoire, les Monténégrins ont obtenu la garantie qu’il sera possible d’organiser un référendum d’autodétermination. Les diplomates occidentaux craignaient fort un éventuel éclatement de la Yougoslavie, en raison de ses conséquences sur le statut du Kosovo. D’après la résolution 1244 des Nations Unies, la province est en effet autonome «dans le cadre du respect de la souveraineté territoriale de la Yougoslavie». La nouvelle Union est légalement reconnue comme successeur de la Yougoslavie, ce qui sera également le cas de la Serbie, si le Monténégro décide finalement de prendre sa totale indépendance.
Un bon compromis
Vu du Monténégro, l’accord représente un bon compromis: la petite république obtient en effet la pleine reconnaissance de l’état de fait actuel, et ne doit guère renoncer qu’à son ambition de disposer tout de suite d’un siège aux Nations unies. Certains optimistes soulignent même que l’État monténégrin obtient ainsi une reconnaissance internationale pour la première fois depuis 1918… Toutefois, les courants indépendantistes les plus résolus ont déjà dénoncé l’accord. L’Alliance libérale réclame la tenue d’un référendum au mois de mai, comme initialement prévu, et le Parti social-démocrate, partenaire de coalition du Président Djukanovic, risque aussi de ne pas s’accommoder du compromis. La réunion du Parlement monténégrin qui doit avaliser l’accord risque donc de se révéler très dangereuse pour Milo Djukanovic, qui pourrait perdre la faible majorité parlementaire dont il dispose. Toutefois, cet accord met aussi l’opposition pro-yougoslave monténégrine dans une situation extrêmement embarrassante.
Vu de Belgrade, l’accord a surtout le grand mérite de régler enfin, même si ce n’est qu’à titre provisoire, la «question étatique». Des franges de plus en plus larges de l’opinion publique serbe se ralliaient en effet, ces derniers temps, à l’option d’un éclatement de l’État commun pour sortir du statu quo. «Comment engager les réformes de fonds de l’État, quand nous ne savons pas dans quel État nous allons vivre ?», demandaient les milieux réformateurs de la capitale serbe.
Si le compromis était accepté par les classes politiques et les opinions des deux pays, la diplomatie européenne pourra se féliciter d’un joli succès, mais les dérapages démagogiques demeurent possibles, notamment au Monténégro. Quant aux Albanais du Kosovo, ils ne manqueront pas de constater que le compromis inspiré par l’Union européenne leur ferme définitivement la porte de l’indépendance.
par Jean-Arnault Dérens
Article publié le 14/03/2002