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Serbie

Ambiance de crise à Belgrade

L’aide financière américaine à la Serbie est gelée depuis dimanche soir, puisque le pays n’a pas répondu à l’ultimatum des États-Unis, qui exigeaient le transfert de nouveaux inculpés vers le TPI de La Haye avant le 31 mars à minuit. Cette nouvelle péripétie aggrave la crise, de plus en plus ouverte, entre le Président fédéral yougoslave Vojislav Kostunica et le Premier ministre de Serbie Zoran Djindjic, tandis que la presse de Belgrade évoque de nouvelles sanctions, qui rappelleraient les heures les plus noires du régime de Slobodan Milosevic.
De notre correspondant à Belgrade

«Autrefois, le gouvernement de ce pays était la nef des fous, désormais, c’est le radeau de la Méduse», résume l’analyste Dusan Janjic, en évoquant la crise politique qui sévit désormais à Belgrade. La gestion du dossier de la collaboration avec le TPI par les autorités de Belgrade est en effet particulièrement calamiteuse. L’ultimatum américain du 31 mars était connu de longue date et, selon des sources fiables, proches de l’entourage de Zoran Djindjic, des arrestations auraient été prévues aux alentours du 20 mars, mais l’arrestation surprise du vice-Premier Ministre de Serbie Momcilo Perisic a remis en cause le scénario. Le général Perisic, ancien chef d’état-major de l’armée yougoslave, passé à l’opposition dès la fin de l’année 1998, a été brièvement détenu par la Sécurité militaire, qui le soupçonne d’espionnage au profit des USA. Parmi les inculpés qui pourraient partir pour La Haye figurent d’anciens dirigeants du Parti socialiste de Slobodan Milosevic, mais aussi de hauts gradés de l’Armée. Cette dernière semble donc avoir choisi l’attaque préventive comme meilleure stratégie de défense.

«L’affaire Perisic» a empêché Zoran Djindjic de respecter le calendrier qu’il s’était fixé, mais le pays se retrouve désormais dans une situation périlleuse. Lors de sa conférence de presse de vendredi, le Premier ministre a appelé l’opinion publique et les politiciens à prendre la mesure des choix qu’ils pourraient faire : «s’il n’y a pas d’extradition, le pays connaîtra de nouvelles sanctions. Nous ne mourrons pas de faim, mais notre développement et notre rapprochement avec l’Europe seront retardés de plusieurs décennies», a-t-il expliqué.

Le ton monte entre Djindjic et Kostunica

Le vice-Premier ministre Nebojsa Covic avait tenté, la semaine dernière, un voyage de la dernière chance à Washington, laissant place à peu d’espoirs : les États-Unis voulaient notamment obtenir l’arrestation et le transfert à La Haye du général Ratko Mladic, l’ancien chef de guerre des Serbes de Bosnie, qui se cache probablement en Serbie, malgré les démentis apportés par les autorités de ce pays. Lundi, un conseiller de l’ambassade américaine à Belgrade expliquait cependant que la question de l’aide à la Serbie serait revue à la lumière des «progrès» qu’effectuerait la Serbie pour satisfaire les exigences américaines.

Ces derniers jours, le ton était singulièrement monté entre les réformateurs proches de Zoran Djindjic, et les nationalistes groupés autour de Vojislav Kostunica. Le Premier ministre a accusé le Président «d’irresponsabilité» et «d’amateurisme politique». Ce dernier avait en effet déclaré, quelques jours plus tôt, que les exigences du TPI lui retournaient l’estomac». Dimanche soir, les proches du Premier ministre se sont réunis pour une réunion de crise, et le ministre de la Justice, Vladan Batic, a indiqué que les réformateurs entendaient placer Vojislav Kostunica devant ses responsabilités : «il faudra qu’il finisse par dire s’il est pour la coopération avec le TPI ou s’il préfère les sanctions internationales». Le gouvernement de Serbie envisage désormais de priver le président Kostunica de son soutien au sein du Parlement fédéral, mais un porte-parole du DSS, la formation de Vojislav Kostunica, a aussitôt répliqué que les autorités de Serbie utilisaient la menace des sanctions «pour justifier l’échec de leur politique de réforme».



par Jean-Arnault  Dérens

Article publié le 01/04/2002