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Balkans

Milosevic accuse l'Otan

Slobodan Milosevic, l'ancien président yougoslave, a commencé à exposer sa défense au troisième jour de son procès devant le Tribunal pénal international, à La Haye. Il a choisi délibérément le créneau politique en attaquant l'OTAN et ses frappes aériennes menées dans le pays. Il a même été jusqu'à envisager de faire venir Jacques Chirac et Bill Clinton à la barre pour témoigner sur ce chapitre.
La meilleure défense, c'est l'attaque. Slobodan Milosevic semble avoir choisi d'appliquer cette maxime à la lettre dans son procès. L'ancien président yougoslave qui refuse d'être représenté par un avocat et assure lui-même sa défense, a commencé hier à répondre aux accusations de la procureure du TPI, Carla Del Ponte. Il est inculpé de crime de guerre, crime contre l'humanité et génocide dans les conflits de Bosnie, de Croatie et du Kosovo. Aux atrocités commises par les troupes serbes sous son autorité (massacres, viols, barbaries et autres déportations) qui ont été présentées pendant les deux premiers jours du procès, Milosevic a essayé de répondre en montrant des «horreurs» commises par l'Otan lors de ses frappes aériennes sur le pays en 1999. Il a fait notamment référence au bombardement par erreur de deux colonnes de réfugiés albanais à côté de Djakovica (Kosovo), le 14 avril 1999, qui avait fait plus de 70 morts. Slobodan Milosevic a diffusé un film, a montré des photos de cadavres mutilés qui attestent selon lui des ravages de ces frappes. Il aussi affirmé vendredi que le bombardement qui avait touché l’ambassade de Chine à Belgrade «n’était pas un accident» et que «Bill Clinton avait voulu entrer dans l’histoire comme le premier homme à avoir bombardé le territoire chinois».

Une argumentation politique

Milosevic a essayé de rejeter la responsabilité sur l’Otan et de se présenter comme une victime agressée par les forces occidentales. Balayant d'un coup de caméra les accusations concernant les massacres qu'il a lui-même ordonnés, Milosevic a dénoncé les «manipulations» des puissances étrangères. Il a estimé que le film qu'il a diffusé n'était «qu'un atome de vérité dans un océan de mensonge et de propagande». Il a évacué les camps, les déportations, les exactions. «Si des atrocités ont été commises, ce n’est pas le fait de l’armée et de la police mais de groupes isolés, incontrôlés». Il a même annoncé qu'il envisageait de citer le président français, Jacques Chirac à comparaître devant le TPI pour lui demander des explications sur les propos qu’il avait tenu dans une émission télévisée où il avait affirmé que la France «avait refusé certaines frappes». Milosevic a aussi annoncé vendredi qu'il voulait interroger Bill Clinton, sa secrétaire d'Etat, Madeleine Albright, l'actuel chancelier allemand, Gerhard Schroeder, et son prédécesseur Helmut Kohl, l'ancien ministre des Affaires étrangères allemand, Klaus Kinkel, le ministre de la Défense, Rudolph Scharping, l'ancien ministre des Affaires étrangères italien, Lamberto Dini, le secrétaire général des Nation unies, Kofi Annan ou encore l'ancien président de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), Knut Vollebaek, et le sénateur américain Robert Dole.

Mais surtout, il a mis en cause la décision de Carla Del Ponte d'évacuer toute possibilité d'enquête sur les dégâts collatéraux occasionnés par les bombardements de l'Otan. Une décision qui n'avait d'ailleurs pas fait l'unanimité. Milosevic a directement accusé la procureure de partialité mais a aussi choisi cet argument pour étayer sa thèse du «deux poids, deux mesures» dont il serait la première victime. Poursuivant cette argumentation, Milosevic a mis en valeur son impuissance face à la grosse machine du TPI contre laquelle il lutte seul pour se défendre puisqu'il a refusé d'être représenté par un avocat. Ce qui ne l'empêche pas d'être aidé par plusieurs conseils en dehors des audiences. Adepte de la caricature, il a parlé «d’un homme seul qui n'a pour seul et unique moyen de défense que l'accès à une cabine téléphonique dans la prison du TPI».



par Valérie  Gas

Article publié le 15/02/2002