Balkans
Milosevic accusé modèle
Alors que la procureure Carla Del Ponte ouvre les débats, Slobodan Milosevic prend des notes dans le box des accusés. A l’extérieur, ses amis font du bruit.
De notre envoyé spécial à La Haye
Slobodan Milosevic a beaucoup perdu de sa morgue et de son arrogance. Il se comporte comme un accusé modèle. Il ne ressemble plus à l’homme en colère que le juge interrompait en coupant son micro lors des audiences préliminaires du procès. C’était l’été dernier.
Aujourd’hui, l’ancien président paraît bien sage. Il écoute les débats presque attentivement. Il prend des notes sur de petites feuilles de papier. On sent qu’il attend avec impatience le moment où il pourra, à son tour, s’exprimer. Car au premier jour de son procès, il n’a pas dit un mot. Poliment, il a laissé parler la procureure et son équipe.
Carla Del Ponte est très émue quand elle annonce que «la chambre d’instance du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie va maintenant commencer le procès de Slobodan Milosevic». Une petite phrase toute simple. Une petite phrase totalement inimaginable il y a encore très peu de temps.
«Excellent tacticien, piètre stratège, Milosevic n’a fait que poursuivre son ambition, au prix d’indicibles souffrances imposées à celles et à ceux qui s’opposaient à lui ou représentaient une menace pour sa stratégie personnelle de pouvoir. Ne cherchez pas d’idéaux derrière les actes de l’accusé. Au-delà du prétexte nationaliste et de l’horreur du nettoyage ethnique, derrière la rhétorique grandiloquente et la langue de bois obsolète, c’est bien la recherche du pouvoir qui motive Slobodan Milosevic.»
Sagement, Milosevic l’écoute. Il l’écoute évoquer le sort des milliers de victimes des guerres de Croatie, du Kosovo et de Bosnie. Il l’entend promettre à toutes ces victimes qu’elle démontrera la responsabilité personnelle de l’accusé Milosevic, d’établir sa culpabilité pour génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre. L’accusation veut prouver que pendant toutes les années 90, l’ancien président serbe, puis yougoslave, n’a qu’une seule idée en tête : créer une Grande Serbie, ethniquement pure.
L’accusé prépare la riposte
Il s’en donne les moyens, nous dit la procureure : persécutions, tortures, emprisonnement, meurtres, déportations. Autant de crimes qui lui valent aujourd’hui 66 chefs d’accusation. Carla Del Ponte et son substitut brossent à grands traits les liens hiérarchiques qui unissent Slobodan Milosevic aux exécutants des basses œuvres, sur les territoires de Croatie, de Bosnie et du Kosovo. Ils étayent leurs propos avec des photographies, des extraits télévisés de l’époque, des cartes, des enregistrements téléphoniques. On voit l’ancien chef d’État aux côtés d’Arkan, un milicien serbe qui a semé la terreur parmi les populations musulmanes du Kosovo et de Bosnie. On l’entend discuter avec Radovan Karadzic, l’ancien chef politique des Serbes de Bosnie et lui promettre une livraison prochaine d’armements.
Slobodan Milosevic écoute, il reste silencieux. Pas un mot. Rien. Il n’essaie pas d’interrompre ce long exposé qui l’accable. Il prend des notes, sort des petites fiches de la poche de sa veste, et il écrit. Si l’on en croit un avocat yougoslave qui lui rend visite régulièrement dans sa prison et qui parle pour lui, l’accusé prépare la riposte. «La procureure fait de l’histoire et de la politique, déclare Zdenko Tomanovic. Milosevic lui répondra sur le même terrain.»
Après le procès, le contre-procès. Au terme d’une journée d’audience dans la salle numéro 1 du TPI, rendez-vous est donné dans le salon d’un grand hôtel de La Haye. Alignés derrière une longue table, les représentants du Comité international de Slobodan Milosevic promettent de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Ici, les victimes de Croatie, de Bosnie et du Kosovo n’ont pas leur place. Ici, la seule victime, le martyr s’appelle Slobodan Milosevic. L’homme auraît été enlevé «illégalement» et il serait aujourd’hui jugé «illégalement» par le Conseil de sécurité de l’ONU et le génocide, c’est la campagne de l’Alliance atlantique contre la Yougoslavie. Pour ce comité de soutien, une conclusion s’impose d’elle-même, «Il faut libérer Slobodan Milosevic». Il faut le remplacer sur le banc des accusés par «Clinton, Bush, Blair, Chirac, Solana». La liste n’est pas exhaustive.
Thierry Parisot
voir aussi
TPI : www.un.org/icty/index-f.html
Comité international de S. Milosevic: www.icdsm.org
A écouter :
Le magazine Reporteur (11/02/2002)
préparé par Thierry Parisot.
Sylvie Panz Ancienne ministre de la Justice dans l'administration de l'Onu au Kosovo. (Invité de Thierry Parisot le 12/02/2002)
Richard Labévière Journaliste à RFI (Invité de la rédaction le 12/02/2002, au micro de Philippe Cergel). Quelles sont les implications de ce procès pour la justice internationale ?
Slobodan Milosevic a beaucoup perdu de sa morgue et de son arrogance. Il se comporte comme un accusé modèle. Il ne ressemble plus à l’homme en colère que le juge interrompait en coupant son micro lors des audiences préliminaires du procès. C’était l’été dernier.
Aujourd’hui, l’ancien président paraît bien sage. Il écoute les débats presque attentivement. Il prend des notes sur de petites feuilles de papier. On sent qu’il attend avec impatience le moment où il pourra, à son tour, s’exprimer. Car au premier jour de son procès, il n’a pas dit un mot. Poliment, il a laissé parler la procureure et son équipe.
Carla Del Ponte est très émue quand elle annonce que «la chambre d’instance du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie va maintenant commencer le procès de Slobodan Milosevic». Une petite phrase toute simple. Une petite phrase totalement inimaginable il y a encore très peu de temps.
«Excellent tacticien, piètre stratège, Milosevic n’a fait que poursuivre son ambition, au prix d’indicibles souffrances imposées à celles et à ceux qui s’opposaient à lui ou représentaient une menace pour sa stratégie personnelle de pouvoir. Ne cherchez pas d’idéaux derrière les actes de l’accusé. Au-delà du prétexte nationaliste et de l’horreur du nettoyage ethnique, derrière la rhétorique grandiloquente et la langue de bois obsolète, c’est bien la recherche du pouvoir qui motive Slobodan Milosevic.»
Sagement, Milosevic l’écoute. Il l’écoute évoquer le sort des milliers de victimes des guerres de Croatie, du Kosovo et de Bosnie. Il l’entend promettre à toutes ces victimes qu’elle démontrera la responsabilité personnelle de l’accusé Milosevic, d’établir sa culpabilité pour génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre. L’accusation veut prouver que pendant toutes les années 90, l’ancien président serbe, puis yougoslave, n’a qu’une seule idée en tête : créer une Grande Serbie, ethniquement pure.
L’accusé prépare la riposte
Il s’en donne les moyens, nous dit la procureure : persécutions, tortures, emprisonnement, meurtres, déportations. Autant de crimes qui lui valent aujourd’hui 66 chefs d’accusation. Carla Del Ponte et son substitut brossent à grands traits les liens hiérarchiques qui unissent Slobodan Milosevic aux exécutants des basses œuvres, sur les territoires de Croatie, de Bosnie et du Kosovo. Ils étayent leurs propos avec des photographies, des extraits télévisés de l’époque, des cartes, des enregistrements téléphoniques. On voit l’ancien chef d’État aux côtés d’Arkan, un milicien serbe qui a semé la terreur parmi les populations musulmanes du Kosovo et de Bosnie. On l’entend discuter avec Radovan Karadzic, l’ancien chef politique des Serbes de Bosnie et lui promettre une livraison prochaine d’armements.
Slobodan Milosevic écoute, il reste silencieux. Pas un mot. Rien. Il n’essaie pas d’interrompre ce long exposé qui l’accable. Il prend des notes, sort des petites fiches de la poche de sa veste, et il écrit. Si l’on en croit un avocat yougoslave qui lui rend visite régulièrement dans sa prison et qui parle pour lui, l’accusé prépare la riposte. «La procureure fait de l’histoire et de la politique, déclare Zdenko Tomanovic. Milosevic lui répondra sur le même terrain.»
Après le procès, le contre-procès. Au terme d’une journée d’audience dans la salle numéro 1 du TPI, rendez-vous est donné dans le salon d’un grand hôtel de La Haye. Alignés derrière une longue table, les représentants du Comité international de Slobodan Milosevic promettent de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Ici, les victimes de Croatie, de Bosnie et du Kosovo n’ont pas leur place. Ici, la seule victime, le martyr s’appelle Slobodan Milosevic. L’homme auraît été enlevé «illégalement» et il serait aujourd’hui jugé «illégalement» par le Conseil de sécurité de l’ONU et le génocide, c’est la campagne de l’Alliance atlantique contre la Yougoslavie. Pour ce comité de soutien, une conclusion s’impose d’elle-même, «Il faut libérer Slobodan Milosevic». Il faut le remplacer sur le banc des accusés par «Clinton, Bush, Blair, Chirac, Solana». La liste n’est pas exhaustive.
Thierry Parisot
voir aussi
TPI : www.un.org/icty/index-f.html
Comité international de S. Milosevic: www.icdsm.org
A écouter :
Le magazine Reporteur (11/02/2002)
préparé par Thierry Parisot.
Sylvie Panz Ancienne ministre de la Justice dans l'administration de l'Onu au Kosovo. (Invité de Thierry Parisot le 12/02/2002)
Richard Labévière Journaliste à RFI (Invité de la rédaction le 12/02/2002, au micro de Philippe Cergel). Quelles sont les implications de ce procès pour la justice internationale ?
Article publié le 13/02/2002