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Balkans

La guerre reprend en Macédoine

Il a suffi de quelques heures pour que la Macédoine bascule à nouveau dans la guerre. Dimanche après-midi, les unités spéciales de la police se sont déployées dans la région majoritairement albanaise de Tetovo, officiellement pour «préparer le terrain», avant l'exhumation prévue des restes de civils macédoniens qui auraient été abattus l'été dernier par la guérilla albanaise de l'UCK.
De notre correspondant dans les Balkans

La police a arrêté sept Albanais, suspectés d'appartenir à l'UCK. Immédiatement, les villages albanais se barricadaient, tandis que plusieurs dizaines de civils macédoniens étaient enlevés. Ces otages ont été libérés dans la journée de lundi. Dimanche soir, la police tentait de forcer l'entrée du village de Trebos, situé à un kilomètre environ de l'autoroute menant à Tetovo. Des combattants albanais retranchés dans le village ont ouvert le feu, tuant trois policiers, et en blessant grièvement deux autres. Depuis, la région de Tetovo est en état de siège.

Des civils et quelques policiers ont dressé des barricades de fortune près des abords du village de Zilce, seule enclave macédonienne de cette petite région. Les 750 habitants du village attendaient, lundi après-midi, le retour des huit des leurs kidnappés par les Albanais. A quelques kilomètres, un grand drapeau albanais flotte dans le village de Semsevo, mais aucun combattant en uniforme de l'UCK n'est visible. La principale tension se concentre dans le gros de Trebos, peuplé de plus de 2 000 habitants, tous albanais.

«Il y aura encore des morts»

Les jeunes gens du village, armés de fusils automatiques, montent la garde près d'une solide barricade établie sur le seul axe allant du village vers l'autoroute. La police macédonienne est en face, à quelques centaines de mètres. Depuis l'aube de lundi, aucun échange de tirs n'a été signalé, mais la police a positionné plusieurs dizaines de véhicules blindés. «Nous nous défendrons, s'ils veulent entrer dans le village, il y aura encore des morts», expliquent les civils en armes qui gardent le barrage. Aucun d'entre eux ne porte l'uniforme de l'UCK, mais un commandant du village a revendiqué la mort des trois policiers macédoniens, précisant qu'il transférait son allégeance de l'UCK û qui s'est officiellement auto-dissoute à la fin du mois de septembre û à l'Armée nationale albanaise (AKSh), une formation plus radicale mais encore entourée d'un large mystère.

Le médecin du village de Trebos reconnaît pourtant que les événements qui se sont précipités en moins de 24 heures ressemblent fort à «une provocation ourdie par le Ministre de l'Intérieur Ljubce Boskovski», le chef de file des «faucons» du gouvernement macédonien.

De fait, le parlement macédonien aurait normalement dû poursuivre ce lundi l'examen des modifications constitutionnelles censées accorder plus de droits à la communauté albanaise du pays. Les échéances prévues par les accords de paix conclus à Ohrid en août dernier ne pourront bien sûr pas être respectées, et cette nouvelle flambée de violence risque même d'enterrer définitivement le processus de paix. A Skopje, les médiateurs internationaux reconnaissent qu'ils n'ont «pas de stratégie de rechange» en cas de reprise généralisée des affrontements. Il semble que les extrémistes de chacun de deux camps aient fait ce choix de la guerre, alors que les Albanais prévenaient de manière unanime depuis plusieurs semaines : «si la guerre doit reprendre, elle n'aura plus pour but d'obtenir des droits supplémentaires, ce sera une guerre pour la conquête de territoires».



par Jean-Arnault  Dérens

Article publié le 13/11/2001