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Balkans

Inquiétant blocage en Macédoine

Malgré l'optimisme affiché par les représentants de la communauté internationale, les réformes politiques et constitutionnelles prévues en Macédoine restent au point mort, au risque de voir bientôt le pays basculer à nouveau dans la guerre.
De notre correspondant dans les Balkans

Le Parlement macédonien devait adopter les modifications de la Constitution du pays, prévues par les accords de paix d'Ohrid du mois d'août dernier, donnant plus de droits à la minorité albanaise. «Des quatre principales formations politiques du pays qui ont signé les accords d'Ohrid, trois acceptent le compromis, auquel ne s'oppose que le PDP, l'un des deux partis albanais. Il existe une majorité parlementaire bien suffisante, largement supérieure aux deux tiers des députés», calcule Alain Le Roy, qui vient de succéder à François Léotard à la tête de la mission de l'Union européenne en Macédoine. Pourtant, la session parlementaire est bloquée depuis jeudi. Le VMRO-DPMNE, le parti nationaliste macédonien du président de la République Boris Trajkovski et du Premier ministre Ljupco Georgievski a notamment argué des incidents armés qui continuent de se produire dans plusieurs régions du pays pour réclamer un report du débat.

Alain Le Roy professe toujours un «optimisme mesuré»: «nous avons pu proposer une formule de compromis sur le préambule de la Constitution, qui définit maintenant la Macédoine comme l'Etat des Macédoniens, de même que des citoyens appartenant au peuple albanais et autres petits peuples présents sur le territoire du pays». Alain Le Roy espère malgré tout que la nouvelle constitution pourra être proclamée d'ici la mi-novembre. «Ensuite, reconnaît-il, il restera à adopter une quarantaine de nouvelles lois, permettant d'appliquer le contenu des accords d'Ohrid, notamment la décentralisation du pays». Le vote de ces lois promet de longs épisodes de guérilla parlementaire.
Les «faucons» nationalistes jouent la politique du pire
Les députés devront également s'engager à convoquer de nouvelles élections, qui pourraient avoir lieu au début du printemps. En fait, le problème est que le VMRO-DPMNE part battu d'avance à ces élections, face à l'opposition social-démocrate. Certains «faucons» du parti jouent donc clairement le jeu d'une dégradation rapide de la situation pour suspendre le processus parlementaire. L'aile dure du VMRO-DMPNE fait même probablement le choix d'une reprise du conflit, estimant qu'il vaut mieux une partition du pays que de devoir partager le pouvoir avec la minorité albanaise.

Du côté albanais, la guérilla de l'UCK s'est officiellement auto-dissoute, mais elle a conservé toutes ses positions. Certains commandants attendent probablement que la provocation vienne du camp macédonien pour reprendre le combat et tous les Albanais du pays sont unanimes: «la prochaine guerre n'aura pas lieu pour obtenir des droits supplémentaires, elle aura pour but de conquérir des territoires». La question de l'amnistie des guérilleros albanais risque de focaliser toutes les tensions: de nombreux guérilleros ont repassé la frontière du Kosovo et n'osent toujours pas revenir en Macédoine. D'éventuelles arrestations à Tetovo ou dans les autres villes albanaises du pays pourraient suffire à mettre le feu aux poudres. Lors de la signature des accords d'Ohrid, le Président de la République, Boris Trajkovski, avait promis une amnistie générale, sans que celle-ci ne soit garantie par une loi formelle. «Je fais maintenant pression sur les dirigeants macédoniens pour être certain que nous avons bien la même conception de l'amnistie», explique Alain Le Roy. Mais il n'a peut-être pas beaucoup de chances d'être entendu, alors que l'opinion macédonienne s'indigne des lenteurs du Tribunal pénal international, qui n'a toujours pas commencé à enquêter sur les charniers de civils macédoniens récemment découverts.



par A Skopje, Jean-Arnault  Derens

Article publié le 02/11/2001