Balkans
Les réseaux de l'islam radical en Bosnie
Les militants de l'islam radical sont arrivés en Bosnie-Herzégovine. Certains sont restés après le retour à la paix, avec le soutien des autorités musulmanes de Sarajevo qui aimeraient bien, aujourd'hui, se débarrasser de ces protégés bien encombrants.
De notre correspondant dans les Balkans
«Que je vive ici ou ailleurs, peu importe. Le monde de l'islam est un, la Bosnie n'en est qu'une pièce». Abdulhamid, un militant islamiste d'origine tunisienne a quitté son pays en raison de ses convictions religieuses. Il est arrivé à Zenica, en Bosnie centrale, en 1992. Il n'a pas combattu, mais travaillé dans des organisations humanitaires islamiques. Il a épousé une Bosniaque, et choisi de ne pas quitter le pays à la fin de la guerre. Il survit en donnant des cours d'arabe dans les mosquées de la ville, considérée comme le bastion des militants islamistes durant la guerre.
Combien de volontaires de l'islam radical sont-ils arrivés en Bosnie durant la guerre ? Les combattants étrangers, venus du monde arabe, d'Algérie ou des banlieues européennes, entraînés et encadrés par des vétérans de la guerre d'Afghanistan, ont été regroupés dans la VIIe division de l'armée bosniaque, puis dans le bataillon El Mudjahid, basé à Zenica. Des milliers de volontaires ont également transité dans les organisations humanitaires arabes ou pakistanaises, sans être tous des combattants. Enfin, plusieurs centaines de pasdaran, les «gardiens de la révolution» iranienne, ont servi de conseillers militaires à l'Armée bosniaque. En tout, plusieurs milliers d'islamistes ont cru trouver en Bosnie le terrain d'un nouveau djihad, après celui d'Afghanistan.
Pour ces militants, le djihad s'entendait d'ailleurs dans un double sens : contre les «agresseurs» serbes et croates, mais aussi pour transformer les musulmans bosniaques, généralement bien peu pratiquants en «véritables» musulmans. «Je pourrais très bien couper ma barbe, explique Abdulhamid. Mais elle a valeur de témoignage pour indiquer aux Bosniaques la direction à suivre. Il n'existe pas de musulman parfait, mais chacun doit essayer de se rapprocher du modèle défini une fois pour toutes par le Prophète».
Ré-islamisation en profondeur de la Bosnie
Les dirigeants du Parti d'action démocratique (SDA), la formation nationaliste musulmane de l'ancien Président de la République Alija Izetbegovic, ont accepté la présence de ces islamistes étrangers, leur conférant même généreusement la nationalité bosniaque après la guerre, à la fois par opportunisme politique et par conviction. Durant la guerre, la Bosnie avait un besoin vital du soutien politique et financier du monde musulman, ainsi que des armes que l'Iran fournissait au pays, malgré l'embargo international. Le positionnement politique du SDA était également marqué par beaucoup d'ambiguïtés et une pratique du double langage.
Officiellement, les dirigeants du parti se référaient à une Bosnie unie, multi-ethnique et laïque. Dans le même temps, ils exaltaient l'identité nationale spécifique des musulmans bosniaques, tout en oeuvrant, plus discrètement encore, à une «ré-islamisation» en profondeur du pays. Beaucoup des cadres fondateurs du SDA sont en effet des islamistes convaincus.
Aujourd'hui, les douteuses connexions établies durant la guerre se révèlent pourtant bien gênantes. Le ministre de l'Intérieur de la Fédération croato-bosniaque a avancé le chiffre, parfaitement invérifiable, de 70 islamistes étrangers liés aux réseaux d'Oussama Ben Laden présents en Bosnie. La police bosniaque et les soldats internationaux de la SFOR ont procédé à quelques interpellations, et le gouvernement a confirmé que des enquêteurs du FBI avaient été dépêchés dans le pays. L'immense majorité de la population musulmane bosniaque, toujours bien peu pratiquante, craint quant à elle que l'amalgame généralisé entre islam et terrorisme n'amène à montrer le pays du doigt et à réduire les aides internationales indispensables à sa survie.
«Que je vive ici ou ailleurs, peu importe. Le monde de l'islam est un, la Bosnie n'en est qu'une pièce». Abdulhamid, un militant islamiste d'origine tunisienne a quitté son pays en raison de ses convictions religieuses. Il est arrivé à Zenica, en Bosnie centrale, en 1992. Il n'a pas combattu, mais travaillé dans des organisations humanitaires islamiques. Il a épousé une Bosniaque, et choisi de ne pas quitter le pays à la fin de la guerre. Il survit en donnant des cours d'arabe dans les mosquées de la ville, considérée comme le bastion des militants islamistes durant la guerre.
Combien de volontaires de l'islam radical sont-ils arrivés en Bosnie durant la guerre ? Les combattants étrangers, venus du monde arabe, d'Algérie ou des banlieues européennes, entraînés et encadrés par des vétérans de la guerre d'Afghanistan, ont été regroupés dans la VIIe division de l'armée bosniaque, puis dans le bataillon El Mudjahid, basé à Zenica. Des milliers de volontaires ont également transité dans les organisations humanitaires arabes ou pakistanaises, sans être tous des combattants. Enfin, plusieurs centaines de pasdaran, les «gardiens de la révolution» iranienne, ont servi de conseillers militaires à l'Armée bosniaque. En tout, plusieurs milliers d'islamistes ont cru trouver en Bosnie le terrain d'un nouveau djihad, après celui d'Afghanistan.
Pour ces militants, le djihad s'entendait d'ailleurs dans un double sens : contre les «agresseurs» serbes et croates, mais aussi pour transformer les musulmans bosniaques, généralement bien peu pratiquants en «véritables» musulmans. «Je pourrais très bien couper ma barbe, explique Abdulhamid. Mais elle a valeur de témoignage pour indiquer aux Bosniaques la direction à suivre. Il n'existe pas de musulman parfait, mais chacun doit essayer de se rapprocher du modèle défini une fois pour toutes par le Prophète».
Ré-islamisation en profondeur de la Bosnie
Les dirigeants du Parti d'action démocratique (SDA), la formation nationaliste musulmane de l'ancien Président de la République Alija Izetbegovic, ont accepté la présence de ces islamistes étrangers, leur conférant même généreusement la nationalité bosniaque après la guerre, à la fois par opportunisme politique et par conviction. Durant la guerre, la Bosnie avait un besoin vital du soutien politique et financier du monde musulman, ainsi que des armes que l'Iran fournissait au pays, malgré l'embargo international. Le positionnement politique du SDA était également marqué par beaucoup d'ambiguïtés et une pratique du double langage.
Officiellement, les dirigeants du parti se référaient à une Bosnie unie, multi-ethnique et laïque. Dans le même temps, ils exaltaient l'identité nationale spécifique des musulmans bosniaques, tout en oeuvrant, plus discrètement encore, à une «ré-islamisation» en profondeur du pays. Beaucoup des cadres fondateurs du SDA sont en effet des islamistes convaincus.
Aujourd'hui, les douteuses connexions établies durant la guerre se révèlent pourtant bien gênantes. Le ministre de l'Intérieur de la Fédération croato-bosniaque a avancé le chiffre, parfaitement invérifiable, de 70 islamistes étrangers liés aux réseaux d'Oussama Ben Laden présents en Bosnie. La police bosniaque et les soldats internationaux de la SFOR ont procédé à quelques interpellations, et le gouvernement a confirmé que des enquêteurs du FBI avaient été dépêchés dans le pays. L'immense majorité de la population musulmane bosniaque, toujours bien peu pratiquante, craint quant à elle que l'amalgame généralisé entre islam et terrorisme n'amène à montrer le pays du doigt et à réduire les aides internationales indispensables à sa survie.
par Jean-Arnault Dérens
Article publié le 07/10/2001