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Balkans

Kosovo: les Serbes divisés sur le vote

Le président fédéral yougoslave, Vojislav Kostunica, appelle les Serbes du Kosovo à prendre part aux élections du 17 novembre prochain dans la province. Sur place, les Serbes sont divisés.
De notre correspondant dans les Balkans

«Je vis dans ce village depuis juin 1999. Mon horizon est borné par les check-points des soldats de l'OTAN: si je les franchis, je suis mort», s'exclame Miroslav, un Serbe de Pristina réfugié dans le village de Gracanica, près du prestigieux monastère orthodoxe. «Aller voter dans ces conditions relèvent un peu d'une farce tragique, mais j'irai quand même, si c'est la seule possibilité de faire entendre la voix des Serbes».

La décision de prendre part aux élections est historique, et pourrait augurer d'une normalisation des relations entre Belgrade et la MINUK. Il y a un an, les Serbes avaient boycotté les élections municipales, le premier scrutin organisé depuis l'instauration du protectorat international sur le Kosovo, en juin 1999. Cet été déjà, les autorités de Belgrade avaient fait campagne pour l'inscription des Serbes sur les listes électorales, avec ce slogan: «montrons-leur combien nous sommes!». L'appel a été entendu par 170 000 électeurs qui résident dans les enclaves serbes de la province ou qui sont réfugiés en Serbie.

Une «muraille de Chine» pour séparer Serbes et Albanais

Vojislav Kostunica a exigé d'Hans Haekerup, l'administrateur de l'ONU au Kosovo, de nouvelles garanties de sécurité pour les Serbes vivant au Kosovo. En deux ans et demi, des dizaines d'édifices religieux serbes ont été détruits, on compte plusieurs centaines de morts et près d'un millier de disparus. Le comité des familles de disparus a cependant immédiatement rejeté l'appel du Président à prendre part aux élections.

En fait, les Serbes vivant au nord de Mitrovica, dans une petite région contiguë à la Serbie, rêvent de partition du Kosovo et de rattachement à la Serbie et ne s'intéressent donc guère aux institutions mises en place par la MINUK. «Les gens de Mitrovica veulent une muraille de Chine qui les séparerait des Albanais. Cette perspective signifierait un arrêt de mort pour les petites enclaves disséminées à travers tout le Kosovo. Nous n'avons pas d'autre choix que de coopérer avec la communauté internationale pour construire un Kosovo réellement multiethnique», explique Dragan Velic, responsable du Conseil national serbe de Gracanica. «La MINUK devrait faire passer un double message, en disant aux Albanais que le Kosovo ne deviendra pas indépendant, et aux Serbes que l'on ne reviendra pas à la situation d'avant 1999. Il serait alors clair qu'il ne nous reste plus qu'à construire une société où tout le monde trouve sa place».

Ces différences de points de vue devraient se faire entendre lundi, puisque toutes les forces politiques serbes du Kosovo sont convoquées au monastère de Gracanica pour définir une position commune. Si tous les Serbes prenaient part au scrutin, leurs représentants auraient des chances de constituer le deuxième groupe en importance du futur parlement du Kosovo. Le journaliste Nikola Kabasic, ancien porte-parole du Conseil national serbe du Kosovo estime que «la population est habituée à obéir fidèlement aux consignes politiques. Si Belgrade dit qu'il faut voter, tout le monde votera».



par Jean-Arnault  Dérens

Article publié le 05/11/2001