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Balkans

Vote historique de la nouvelle constitution macédonienne

Les partis macédoniens et albanais modérés ont voté, vendredi 16 novembre, des amendements reconnaissant de nouveaux droits à la minorité albanaise de Macédoine, notamment l'usage officiel de la langue albanaise. Mais la délicate question de l'amnistie pourrait de nouveau remettre le feu aux poudres.
Le Parlement macédonien a créé la surprise. Réuni en séance exceptionnelle dans la nuit de jeudi à vendredi, il a adopté en quelques heures les quinze amendements constitutionnels qui était bloqués depuis plusieurs semaines, en raison de l'obstruction des nationalistes macédoniens aussi bien qu'albanais. L'un des deux partis albanais représentés au Parlement, le Parti de la prospérité démocratique, avait renoncé quelques jours plus tôt à sa logique de surenchère permanente pour s'engager à voter en faveur des amendements, tandis que le VMRO-DPMNE, le parti du président de la République Boris Trajkovski, et de son Premier Ministre Ljupco Georgievski, acceptait lui aussi de prendre part au vote. Il a finalement suffi d'une vingtaine de minutes pour adopter chacun des amendements, à la majorité qualifiée des deux tiers. Ce vote historique fait figure de défaite des «ultras» du VMRO-DPMNE, notamment du ministre de l'Intérieur, Ljubce Boskovski.

Le Parlement s'était réuni dans la nuit pour éviter de nouvelles manifestations des nationalistes macédoniens, qui estiment que ces amendements constitutionnels représentent une abdication de la souveraineté nationale du peuple macédonien. Les amendements prévoient notamment un usage officiel de la langue albanaise, et ouvrent la voie à une meilleure représentation des Albanais dans l'administration et la police. Il reste cependant encore à adopter une quarantaine de lois d'application pour que les dispositions prévues par les accords de paix d'Ohrid, conclu en août dernier entrent dans les faits.

L'engrenage fatal pourrait se remettre en marche

Il y a quelques jours, le processus de paix avait pourtant été gravement menacé par une importante opération de la police macédonienne dans la région de Tetovo. Dimanche dernier, la police avait arrêté sept Albanais suspectés d'être des commandants de l'UCK, la guérilla albanaise qui s'est officiellement auto-dissoute à la fin du mois de septembre. En réaction, les Albanais de la région kidnappaient plusieurs dizaines de civils macédoniens, qui ont été libérés lundi matin. La police a également tenté de pénétrer dans le village de Trebos, tombant dans une embuscade. Bilan : trois policiers tués, et deux grièvement blessés. Depuis, la région de Tetovo est en état de siège, la police ayant concentré des moyens impressionnants dans les alentours du village de Trebos, défendu par la population albanaise armée.

L'adoption des amendements constitutionnels représente un succès appréciable de la mission de médiation européenne. Cependant plusieurs questions importantes restent posées, en tout premier lieu celle de l'amnistie. Les dirigeants albanais exigent une loi d'amnistie, alors que le gouvernement macédonien s'est jusqu'à présent contenté d'une promesse formelle. De plus, il sera difficile que les responsables de la mort des policiers tués à Trebos puissent être concernés par une éventuelle amnistie, puisque cette embuscade a eu lieu bien après la conclusion des accords de paix.

Alors que le désarmement de la guérilla albanaise, supervisé par les troupes de l'OTAN, est resté largement symbolique, et que le gouvernement de Skopje n'a pas cessé d'acheter des armes, notamment à l'Ukraine, il existe dans les deux camps un «parti de la guerre». Il suffirait d'une nouvelle provocation pour que l'engrenage fatal ne se remette en marche.



par Jean-Arnault  Dérens

Article publié le 17/11/2001